Les pêcheurs attendaient « avec impatience » de pouvoir repartir en mer dans le golfe de Gascogne, après une interdiction d’un mois inédite pour préserver les dauphins. Mais la météo défavorable en a empêché beaucoup de sortir ce mercredi matin.
« La météo n’est pas de la partie. On va rester à terre, on ne va pas pouvoir travailler », a déclaré ce mardi à l’AFP Alexandre Le Corre, pêcheur à Lesconil (Finistère). Même son de cloche à Capbreton (Landes) pour Aurélien Sorin. Comme l’encourage le collectif des « Pêcheurs en colère », il va faire une demande d’indemnisation supplémentaire en plus de celle déjà promise par le ministère, « puisqu’il y a eu des échouements alors qu’on n’était pas en mer ».
Du 16 janvier au 15 février, il y a eu plus d’échouages de petits cétacés cette année que l’an dernier (164 contre 130) selon le dernier bulletin de suivi du secrétariat à la Mer, qui évoque cependant des chiffres à prendre avec précaution.
Olivier Van Canneyt, biologiste à l’observatoire Pelagis, qui coordonne le réseau national d’échouages, appelle également à « attendre d’avoir les calculs de mortalité totale sur l’hiver » et souligne que les années ne sont pas comparables.
« On tourne en rond »
L’an dernier, « les conditions pour qu’un échouage se produise étaient quasi nulles, donc il y a en eu assez peu, alors que là, on a eu des conditions de dérive (des cadavres) très favorables, mais on n’a pas eu de gros pics d’échouages », précise-t-il. En outre, « quasiment aucun animal autopsié entre Loire et Gironde n’est mort par capture accidentelle. C’est un vrai résultat », ajoute-t-il.
Cette fermeture inédite depuis 1945 faisait suite à une décision du Conseil d’État ordonnant au gouvernement de fermer certaines zones aux navires de huit mètres ou plus, équipés de certains filets, pour « limiter les décès accidentels de dauphins et marsouins ».
Le Ciem, l’organisme scientifique international de référence, estime qu’environ 9 000 dauphins communs meurent chaque année par capture accidentelle sur la façade atlantique française, près du double du niveau soutenable.
Durant cette fermeture, Olivier Mercier s’est contenté d’entretenir ses deux navires de plus de 14 mètres rapatriés à Saint-Jean-de-Luz (Pyrénées-Atlantiques). « On n’a pas eu le droit d’en faire davantage, de faire des gros travaux ou de faire travailler nos employés. »
« On attend avec impatience de partir parce qu’on tourne un peu en rond », ajoute ce patron de pêche, qui prévoyait de sortir en mer dès la réouverture à minuit avec ses 20 employés.
Indemnités à hauteur de 80 à 85 % du chiffre d’affaires
Pour compenser les pertes des 450 navires concernés par cette mesure d’interdiction du Finistère au Pays basque, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a promis des indemnités à hauteur de « 80 à 85 % » du chiffre d’affaires selon les types de pêche, avec des premiers paiements courant mars.
Mais le comité national des pêches a déploré mardi « la lenteur des pouvoirs publics à valider les modalités d’indemnisation ». Le gouvernement a aussi promis une aide pour la filière du mareyage, allant « jusqu’à 75 % de leurs pertes ».
Alors que cette « fermeture spatiotemporel » doit être renouvelée les deux prochains hivers, le président du comité interdépartemental des pêches des Pyrénées-Atlantiques et des Landes, Serge Larzabal, veut « démontrer que ce n’est pas la bonne réponse ».
« On va tout faire pour pouvoir continuer à travailler l’année prochaine », grâce aux dispositifs dissuasifs installés sur les bateaux, pour « minimiser au maximum les prises accidentelles », assure Larzabal.
Des dérogations étaient prévues pour les navires équipés de tels dispositifs ou de caméras, mais le Conseil d’État les a jugées fin décembre « trop importantes pour que la fermeture de la pêche ait un effet suffisant sur les captures accidentelles ».
Clara Ulrich, coordinatrice des expertises halieutiques à l’Ifremer, souligne « que l’interdiction actuelle est une mesure d’urgence » dans une interview publiée sur le site de l’institut la semaine dernière.
« Des alternatives à de telles fermetures annuelles sont à l’étude », « qui allieraient des solutions technologiques, d’autres modes de fermetures spatiotemporelles ou des réductions d’effort de pêche », ajoute-t-elle, évoquant aussi « des mesures incitatives expérimentées dans d’autres régions du monde ».
AFP