Législatives en Biélorussie: «Tout ça n’est qu’un spectacle qu’ils présentent comme une élection»

Ce dimanche 25 février, le président autoritaire Alexandre Loukachenko organise des élections législatives en Biélorussie, sans véritable opposition ni aucun contrôle international sur la tenue du scrutin. Ces dernières semaines, des centaines de proches de prisonniers politiques ont été arrêtés ou perquisitionnés. Ces élections ne sont qu’une « performance » pour Pavel Slunkin, chercheur associé au Conseil européen pour les relations internationales et ancien diplomate biélorusse.

RFI : Comment décririez-vous les élections de ce dimanche en Biélorussie ?

Pavel Slunkin : Je n’appellerais pas ça des élections. Cela n’a rien à voir avec des élections démocratiques. C’est tout simplement impossible. Les candidats de l’opposition n’ont pas pu s’enregistrer, même pour participer à la campagne, parce qu’ils sont en prison ou en exil. Ceux qui voulaient surveiller ces soi-disant élections ont été arrêtés. Seuls les candidats pro-régime sont autorisés à se présenter.

Et les résultats de cette campagne sont déjà connus par ceux qui ont préparé les listes des futurs membres du Parlement. Tout ça n’est qu’un spectacle, une performance, qu’ils présentent comme une élection.

L’opposition en exil peut-elle influencer le vote ?

Ils ont appelé à ne participer à ces soi-disant élections. L’opposition considère que ce ne sont pas des élections et que cela ne va rien changer. Vu le niveau de répression, l’opposition en exil se contente d’inciter la population à ne pas participer sans lancer d’appel à manifester, car c’est trop risqué. Dans le même temps, le mouvement pro-démocratie biélorusse n’a plus vraiment d’effet politiquement. Ils sont en exil depuis quatre ans et le gouvernement de Minsk a coupé tout lien entre eux et la population avec succès. Ils ont isolé les médias indépendants.

Donc cet appel de l’opposition en exil ne va pas vraiment influencer les gens. Puis bien souvent, le gouvernement oblige les gens à aller voter, en leur disant que s’ils ne le font pas, ils seront renvoyés de leur travail, ou ils seront arrêtés. Donc, ces gens seront obligés d’aller voter. Les autres vont ignorer le scrutin.

Les pays occidentaux s’intéressent-ils suffisamment à la Biélorussie ?

La Biélorussie a été très suivie lors de la présidentielle de 2020, mais pas vraiment au cours de ces dix dernières années. Et c’est une grosse erreur d’oublier la Biélorussie. C’est de la Biélorussie que la Russie a tenté de conquérir Kiev et c’est de là qu’ils ont attaqué l’Ukraine. La Biélorussie peut aussi être le point de départ d’une attaque contre les pays baltes ou la Pologne. Tout ça peut se passer depuis le territoire biélorusse.

La Russie a aussi déclaré qu’elle voulait installer des armes nucléaires en Biélorussie.

Je pense que le niveau d’attention de la communauté internationale sur la Biélorussie, en sachant ce qu’il se passe dans le pays et à quel point il est stratégique, est profondément insuffisant. Les représentants de l’opposition et moi-même pensons que le conflit en Ukraine peut être résolu, pas seulement sur le terrain ukrainien, mais aussi en considérant la Biélorussie comme une ressource pour Poutine.

Quand on voit que la population veut un changement de régime comme on l’a vu à la présidentielle de 2020, si l’Ouest investissait politiquement et financièrement en Biélorussie, le pays pourrait être un moyen de résoudre le conflit.

Aujourd’hui, c’est un problème, mais il pourrait être à l’avenir une ressource pour la paix. Mais la communauté internationale n’en a pas conscience, malheureusement.

rfi

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