C’était en juillet 2021 : des inondations spectaculaires touchaient plusieurs régions de Belgique, faisant 39 morts et d’importants dégâts. Deux ans et demi après le traumatisme, des travaux de réaménagement du territoire viennent d’être lancés dans la région de Liège. Les pelleteuses s’activent au milieu des gravats. En contrebas, la rivière Vesdre coule aujourd’hui paisiblement mais c’est bien elle qui a ravagé Pepinster. « C’était un vrai tsunami, raconte Philippe Godin, le bourgmestre de cette commune.
On a vu l’eau monter inexorablement, balayer tout sur son passage. »
La commune compte 9 000 habitants, qui vivent en ce moment au rythme des travaux. C’est presque le chantier du siècle pour Pepinster : 1 400 maisons ont été endommagées par la crue, certaines se sont effondrées. D’autres, une quarantaine, doivent encore être démolies. « Pepinster n’a jamais été autant défigurée, et maintenant transformée, souligne Philippe Godin. C’était pire que la guerre 39-45 ! »
Ces inondations torrentielles, Madeline s’en souviendra toute sa vie : « Durant la nuit, l’eau est montée et a atteint le premier étage. Et à 6 heures du matin, on a dû fuir par le toit. On s’est laissé glisser le long de la toiture, on a marché sur la corniche… On a vu des maisons tomber alors que des personnes étaient sur le toit. » Sa maison est l’une des rares encore debout dans sa rue. Mais impossible d’y habiter : les fondations sont trop fragiles. Elle va bientôt être démolie.
« Donner davantage de place à l’eau »
Pas question évidemment de reconstruire à l’identique. L’objectif est de donner plus de place à la rivière, explique le bourgmestre. « On va abaisser le niveau des berges, ‘renaturer’ les berges pour permettre à l’eau de prendre sa place en cas de nouvelle crue. Il faut casser le bouchon qui existait à la confluence entre la Vesdre et la Hoëgne. »
La centrale électrique va même être déplacée
. Mais la commune doit encore racheter certains bâtiments, et les négociations avec les propriétaires ne sont pas terminées. Christelle, par exemple, a pu revenir avec sa famille il y a un an dans sa maison. Les fondations n’ont pas été endommagées.
Dans sa cuisine flambant neuve avec vue sur la Vesdre, elle a du mal à envisager de quitter sa maison : « Tout a été replâtré, refait à neuf. Et maintenant il faut détruire ma maison pour laisser place à l’eau… Une pré-évaluation a été faite, à 140 000 euros. Pour une maison de quatre chambres, avec jardin, toute refaite ! Ce n’est pas faisable, c’est notre vie, aussi ! S’il faut tout recommencer c’est très compliqué pour nous, et surtout pour nos enfants. »
Huit communes de la région liégeoise sont concernées par ces travaux, dans lesquelles « il faut construire autrement, insiste Jacques Teller, professeur d’urbanisme et d’aménagement du territoire à l’université de Liège.
Il n’a jamais été envisagé de grands plans de déplacement de la population depuis les fonds de vallées vers les plateaux. Se reculer de 50 mètres ou 100 mètres peut être suffisant pour mettre la population à l’abri. Dans les fonds de vallée, il s’agit de laisser davantage de place à l’eau, et donc dans un certain nombre de cas de supprimer les bâtiments trop exposés. »
« Aujourd’hui, à côté des mesures techniques de protection, comme des murs permettant de protéger les zones habitées, on pense de plus en plus à travailler avec l’espace, avec la nature. »
out ne se joue pas dans les villes : les spécialistes préconisent aussi de replanter les haies qui ont été arrachées dans les champs ; ou, dans les forêts, de replanter des feuillus qui ont l’avantage de mieux capter l’eau que les résineux qui avait été plantés au XIXe siècle.
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