Le fait d’avoir subi de la maltraitance dans son enfance perturbe la gestion du stress de l’individu devenu adulte. Ce qui pourrait juste paraître logique, voire banal, vient d’être démontré scientifiquement. Et même génétiquement. En effet, une équipe des HUG et de la Faculté de médecine a observé dans les cellules sanguines de patients victimes d’abus dans leur enfance une dérégulation du gène récepteur des glucocorticoïdes (NR3C1).
Cette découverte épigénétique, c’est-à-dire liée à une modification des mécanismes de régulation des gènes, reflète bien la collaboration croissante entre psychiatrie et génétique. L’étude des interactions entre des facteurs génétiques et environnementaux et le rôle que celles-ci peuvent jouer dans l’origine et l’évolution des troubles psychiatriques est en effet un domaine de recherches de plus en plus prometteur.
De la maltraitance aux troubles borderline
Comment s’est déroulée cette étude? 101 sujets adultes souffrant d’un trouble de la personnalité borderline, caractérisé par une instabilité dans les relations interpersonnelles, les émotions et l’impulsivité, notamment, ont accepté de prêter leur sang à la science. Les chercheurs ont observé un pourcentage sensiblement plus élevé de modifications épigénétiques sur l’ADN prélevé à partir de cellules sanguines des sujets qui ont été maltraités dans leur enfance (abus physique, sexuel et émotionnel, carences affectives) par rapport à ceux n’ayant pas subi de tels abus. Quelle est la conséquence de cette modification de l’ADN? Elle altère le processus de gestion du stress à l’âge adulte et peut entraîner le développement de psychopathologies telles que le trouble de la personnalité borderline. Il est donc clairement établi que les mécanismes de régulation du stress cérébral peuvent être perturbés de manière durable en cas de maltraitances répétées dans l’enfance.
Un enfant traumatisé est à risque
La Dr Dora Knauer, pédopsychiatre aux HUG relève que «cette inscription de la maltraitance dans la mémoire cellulaire confirme nos impressions de pédopsychiatres et les études menées par les psychanalystes d’enfants depuis plus de 50 ans sur les traumatismes affectant les petits. Maintenant, nous avons la preuve que tout traumatisme laisse non seulement des traces psychologiques mais aussi biologiques dans l’ADN. Cette découverte d’une modification chimique donne un caractère plus mesurable scientifiquement à des processus que nous constatons chaque jour dans nos consultations. L’enfance, et surtout la petite enfance, est une période très vulnérable face aux traumatismes causés par l’environnement. Le savoir permet d’agir tôt pour éviter que des pathologies psychiatriques se développent ultérieurement. Il ne faut pas laisser le traumatisme se perpétuer. De plus, on vit dans un tel déni des maladies mentales, qui touchent pourtant 20% de la population mondiale, que des découvertes à caractère génétique permettent de parler de psychiatrie autrement.»
Enfin, pour le Dr Nader Perroud, chef de clinique scientifique au Département de psychiatrie des HUG et premier auteur de l’étude «si notre étude était centrée sur le lien entre la maltraitance infantile et certaines psychopathologies, il est important de noter que la causalité d’autres traumatismes violents, tels que l’expérience d’une catastrophe naturelle ou d’un crash aérien, pourrait être étudiée et mener à des conclusions similaires. En outre, le résultat de ces recherches met en avant l’utilité de l’étude du génome pour mieux comprendre et soigner les troubles psychiatriques.»
Source: planetesante
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