Changement de cap artistique pour le chanteur ivoirien Tiken Jah Fakoly : sur son nouvel album Acoustic dont le titre annonce la couleur, le reggaeman s’appuie sur les instruments du continent africain dont il s’est fait le porte-parole, pour revisiter son répertoire.
Trente ans après ses débuts discographiques en Côte d’Ivoire, Tiken Jah Fakoly avait envie d’ouvrir une autre porte, lui qui a exploré le monde du reggae à travers une quinzaine d’albums studio. L’idée trottait sous ses dreadlocks depuis longtemps. «Je voulais absolument chanter sur des instruments qui ont bercé mon enfance.
Mon père écoutait beaucoup la musique guinéenne, celle malienne, dans lesquelles il y avait toujours du balafon, de la kora ou du ngoni», explique le quinquagénaire.
Au fil des albums, il leur avait trouvé une place, dans un environnement reggae. Cette fois, il les met au centre, pour affirmer un peu plus son identité. «La culture est le premier drapeau d’un Peuple», assure-t-il.
A plusieurs reprises, pour les maquettes de L’Africain en 2007 et celles des trois disques qui ont suivi, il avait d’abord travaillé en acoustique, et s’était rendu compte que réaliser son «rêve» était à portée de micro.
En charge de ces sessions, le producteur britannique Jonathan Quarmby (Ziggy Marley, Finley Quaye, mais aussi Patricia Kaas ou Dick Rivers) était l’homme idéal pour l’accompagner sur ce nouveau projet et satisfaire ses «exigences». Exit, donc, basse et batterie qui constituent la colonne vertébrale du reggae. Acoustic s’ouvre au son de la kora et de ses notes cristallines, jouées par le Malien Chérif Soumano entendu avec Kora Jazz Trio ou Dee Bridgewater.
Puis arrive le balafon, piloté par le Burkinabè Adama Bilorou Dembélé (Touré Kunda, DebaDemba…).
Un peu plus tard, se font entendre le ngoni, ainsi que le sokou aux vibrations si particulières. «Les bergers s’en servent pour éloigner les animaux sauvages, mais aussi bercer ceux qu’ils surveillent», explique Tiken. Mis à l’honneur par le Malien Zoumana Tereta, ce cousin ouest-africain du violon est aujourd’hui en voie de disparition -le violoniste français Clément Janinet s’est lancé dans une entreprise de sauvegarde de ce patrimoine avec son projet Sokou !, en duo avec Adama Sidibé.
«J’avais plus de liberté, plus de temps.
J’étais plus à l’aise», commente le chanteur, qui parle de «sensation différente». Avec ces nouveaux arrangements, il pense que «beaucoup vont comprendre le sens des paroles, parce que la voix est claire».
Pour l’occasion, le lauréat de l’édition 2000 du prix Découvertes Rfi a convié d’autres artistes issus d’univers différents à partager quelques titres : le Brésilien Chico Cesar, le Jamaïcain Horace Andy, le Tanzanien de Londres Tiggs da Author ou encore les Français Naâman, -M- et Bernard Lavilliers, lequel l’avait invité sur son album Carnets de bord en 2004.
Sur les quatorze chansons d’Acoustic, entre lesquelles sont intercalés des extraits du webdocumentaire Tiken Jah, le descendant de Fakoly, une seule est inédite : Arriver à rêver, écrite par le Français Antoine Villoutreix qui avait signé I Can Hear présente en 2022 sur le précédent album Braquage de Pouvoir. Les autres proviennent de sa discographie existante, depuis Mangercratie qui l’a fait connaître en dehors des frontières de son pays.
L’ensemble constitue une sorte de best-of de sa carrière, mais dans une version alternative. «Il y a sûrement des titres qu’on a oubliés, mais en tournée, nous serons sur scène pendant au moins 90 minutes, donc on aura le temps d’en faire plus», rassure-t-il, en chantonnant Le Prix du paradis et Il faut se lever qui ne font pas partie de la sélection pour l’album.
Si le reggae n’est plus là stricto sensu, l’Ivoirien n’a pas voulu rompre avec ses fondamentaux sur le plan extra-musical, à savoir donner du sens sinon un message à ses textes.
De Plus rien ne m’étonne à Tonton d’America, en passant par Ouvrez les frontières, en privilégiant la forme acoustique, il donne à ses mots une nouvelle résonnance.
Rfi Musique