L’actrice, qui a pris la parole à plusieurs reprises pour dénoncer le comportement du comédien et l’omerta du cinéma français, se confie à l’AFP.
Anouk Grinberg prend à nouveau la parole. L’actrice, l’une des rares à avoir rompu le silence sur les violences sexuelles dans le milieu du cinéma, évoque cette fois le tournage du film Les Volets verts de Jean Becker, après lequel une membre de l’équipe a porté plainte pour agression sexuelle contre Gérard Depardieu. Selon l’AFP, qui a interviewé l’actrice, une deuxième membre de l’équipe a dénoncé une agression.
« Quand des producteurs de films engagent Depardieu sur un film, ils savent qu’ils engagent un agresseur. Pas un agresseur potentiel: un agresseur », dénonce-t-elle.
« Becker ose dire dans les journaux que mes propos sont scandaleux et qu’évidemment si Depardieu avait mal agi, il lui en aurait parlé entre hommes. Allons! Il savait très bien que deux femmes avaient été agressées gravement », poursuit-elle. « C’est pour couvrir leur lâcheté, leur incapacité à protéger les femmes que (Jean Becker et les producteurs du film) m’accusent (de mentir). »
« On l’a tous vu, on l’a tous entendu »
Anouk Grinberg a plusieurs fois pris la parole pour dénoncer les agissements supposés de l’acteur sur les tournages. Elle a notamment soutenu l’actrice Charlotte Arnould, la première à avoir porté plainte contre Gérard Depardieu pour viols. Une plainte pour agression sexuelle a plus tard été déposée par la comédienne Helène Darras, suivie d’une plainte pour viol déposée en Espagne par la journaliste espagnole Ruth Baza.
Auprès de l’AFP, elle fait également référence au numéro de Complément d’enquête consacré à Depardieu, diffusé en décembre sur France 2, dans lequel on le voyait multiplier les propos misogynes et sexualisant, y compris à l’encontre d’une fillette; « Ce que les gens ont vu dans ‘Complément d’enquête’, c’est à peu près soft par rapport à ce que moi j’ai vu sur Les Volets verts », assure-t-elle.
« Et je ne suis pas la seule, on l’a tous vu, on l’a tous entendu (…). Du matin au soir, on avait le droit à ses salaceries (…). »
« Il y avait paraît-il une dame (référente) dévolue (à prévenir les) agressions », poursuit-elle. « On ne me l’a jamais présentée, (…) elle n’a jamais apporté son soutien aux femmes qui se sont fait agresser. Elle n’est jamais intervenue quand on entendait parler de moule, de chatte, de bite, de se faire sucer ».
« La permission du métier »
L’actrice évoque aussi l’omerta qui entoure les violences sexuelles sur les tournages: « J’ai toujours entendu (Depardieu) avoir des propos sexuels, graveleux (…) mais ça a très, très gravement empiré, avec la permission du métier qui le paie pour ça, et qui couvre ses délits. » Et d’accuser:
« Sur certains films avec Depardieu, on dit à l’équipe avant le tournage: ‘S’il y a le moindre problème vous vous taisez. Si vous parlez, vous êtes virés.’ C’est efficace. (…). Les gens ont peur pour leur pomme, peur de perdre leur boulot, et peur de ne pas être crus ».
Affaire Depardieu: le point sur les affaires en cours contre l’acteur
Elle évoque par ailleurs le silence d’autres actrices, notamment Catherine Deneuve et Fanny Ardant, qui ont tourné elles aussi avec Gérard Depardieu et Benoît Jacquot, cinéaste poursuivi pour viol sur mineure par Judith Godrèche:
« Ce n’est pas dans mon disque dur de comprendre comment on peut se taire devant la souffrance des autres donc je ne peux pas les comprendre. Mais le peu que je peux comprendre, c’est qu’elles travaillent pour leur paroisse, elles défendent leur image. Est-ce que ça abîmerait leur image que de contribuer à la vérité ? (…) Je crois que c’est très désirable, la vérité. »
Au micro de France Inter, il y a quelques semaines, Anouk Grinberg avait reconnu avoir elle-même été « complice » de ce système.
Mais son parcours a changé sa perspective, comme elle l’explique: « Après avoir été démolie par (le réalisateur Bertrand) Blier (son ex-mari, NDLR) et son cinéma, j’ai passé dix ans loin de ça, et pendant ces dix années je n’ai pas rien fait, j’ai réfléchi. »
« Après, il y a des rencontres très importantes qui font qu’on est révélé à soi-même, qu’on a accès à sa vérité », poursuit-elle. « Il y a six ans j’ai rencontré Charlotte Arnould, qui à ce moment-là était très, très seule, complètement démolie par ce qu’elle venait de subir. »
« Ceux qui sont dans le déni participent de cette puanteur »
Et d’assurer avoir, elle aussi, « eu à subir des agressions »: « J’ai été entraînée à les considérer comme normales, pas seulement pour pouvoir fonctionner dans le métier mais tout simplement pour pouvoir fonctionner dans la vie. Quand on est une femme, on a intégré que se faire agresser, ça fait partie de la vie. C’est ça qui est en train de changer. »
Enfin, elle entrevoit les débuts d’un progrès: « L’écoute a commencé à se faire, c’est déjà bien.
(Le réalisateur Philippe) Garrel est le seul homme à avoir accepté de faire un pas, de réfléchir et de demander pardon (il a été mis en cause par des comédiennes pour des tentatives de baisers non consentis notamment). Ce n’est pas rien. En ça, il participe à cette révolution. (…) Les autres, qui sont dans le déni, participent de cette puanteur ».
AFP