Un nouveau livre du poète français de 71 ans sort en librairie, alors qu’il a été condamné à la mi-février à 18 mois de prison avec sursis pour des coups et blessures sur sa femme.
On retrouve ici la mobilisation de l'image clichée du poète-torturé dévoré par ses démons, mais qui va les sublimer dans sa création(et tant pis si sa femme se prend des beignes au passage, elle n'est qu'une "petite prof de khâgne de merde" tandis que lui est le grrrand créateur)
— Laélia Véron (@Laelia_Ve) March 3, 2024
Récemment condamné pour violences conjugales, le Goncourt de la poésie 2022 Jean-Michel Maulpoix continue à être publié en librairie. Trois de ses livres paraissent, dont un ce jeudi 7 mars, sur fond de silence du monde des Lettres. L’écrivain de 71 ans a écopé, à la mi-février à Strasbourg, de 18 mois de prison avec sursis pour des coups et blessures sur sa femme, Laure Helms, 46 ans.
Difficile d’ignorer aujourd’hui l’étendue de ces violences.
Deux sites internet d’information, Mediapart et Zone critique, ont publié des comptes rendus d’audience détaillant les faits dénoncés par la victime : coups de poing sur le ventre lors de sa grossesse ou sur un plâtre protégeant un poignet cassé, cheveux arrachés, etc. Mediapart a en outre publié des photos des blessures subies par Laure Helms.
Des propos du poète ont choqué. Son avocat Clément Dezempte rapporte que, sur les violences qui selon son client étaient réciproques, l’écrivain déclarait à la police : « Je n’ai pas l’impression d’avoir trouvé mon compte là-dedans. J’y ai trouvé une énergie. Si ça a duré aussi longtemps, c’est que cette masse négative générait du positif. »
Une maîtresse de conférences de l’université de Dijon et chroniqueuse sur France Inter, Laélia Véron, a déploré sur X (ex-Twitter) « l’image clichée du poète torturé, dévoré par ses démons, mais qui va les sublimer dans sa création ». « Pourquoi associe-t-on à ce point la création à la souffrance et à la violence ? », s’est-elle interrogée.
« Jean-Michel Maulpoix ne conteste pas sa culpabilité, et il a accepté sa peine, a déclaré son avocat à l’AFP.
Il regrette seulement que son épouse n’ait pas été condamnée elle aussi. » Le parquet, qui avait requis une condamnation pour les deux prévenus dans ce dossier, n’a pas fait appel non plus. L’avocate de Laure Helms n’a pas répondu aux sollicitations de l’AFP.
Gallimard botte en touche
L’œuvre de Jean-Michel Maulpoix a continué à paraître, à un rythme élevé. Le 15 février, au surlendemain de la condamnation, Gallimard a réédité en poche Rue des fleurs et Pas sur la neige, deux recueils datant de 2022 et 2004.
Pocket a maintenu la parution de l’essai Charles Baudelaire, l’homme des foules, à la date prévue, le 29 février. De même, le recueil Cahier de nuit paraît, ce jeudi, aux éditions du Mercure de France, maison appartenant au groupe Gallimard depuis 1958.
Interrogés par l’AFP, ces deux éditeurs ont répondu que les délais étaient trop courts pour annuler l’impression. Sans se prononcer sur la possibilité de retirer les ouvrages des librairies.
Un compte X au nom du poète a signalé les deux premières publications les jours dits.
La seule réaction est venue du PEN Club français, branche d’une association internationale d’écrivains pour la liberté d’expression. « Nous exprimons notre solidarité avec l’épouse de Jean-Michel Maulpoix, dont les sévices subis rappellent la multitude de faits et de situations qui mettent en péril l’intégrité intellectuelle et physique des femmes », a écrit l’association, ce lundi.
Pas de réaction du Goncourt
L’Académie Goncourt se réunissait le lendemain, pour son déjeuner mensuel. Interpellée par plusieurs utilisateurs de X sur l’affaire, elle n’a pas profité de ce déjeuner pour réagir publiquement.
Selon une source proche de l’Académie, les commensaux du restaurant Drouant ont estimé être trop peu nombreux, avec quatre absents, pour définir une position qui les engagerait tous. Le sujet doit être remis à l’ordre du jour début avril.
Il est difficilement imaginable qu’elle retire à Jean-Michel Maulpoix son prix. Quand l’Académie avait découvert que son lauréat du prix Goncourt 1960, Vintila Horia, avait publié en Roumanie des articles antisémites, ou à la gloire de Benito Mussolini et Adolf Hitler, elle avait déclaré le prix « attribué mais non décerné ».
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