Après son sacre au concours de Miss Allemagne fin février, Apameh Schönauer, une jeune femme d’origine iranienne, a dû faire face à un torrent de commentaires racistes et sexistes. Pour France 24, cette mère de famille et architecte de métier revient sur ce cyberharcèlement et sur son combat pour plaider en faveur de la diversité.
Mère de deux enfants, d’origine iranienne, âgée de 39 ans, architecte de profession. Sur le papier, Apameh Schönauer ne semble pas avoir le profil d’une participante à un concours de Miss. La jeune femme a pourtant été élue Miss Allemagne, samedi 24 février, après un long processus de sélection, face à 108 autres compétitrices. t événement
Sur la scène de l’Europa Park de Rust, dans le Bade-Wurtemberg, où a lieu ce, la gagnante a laissé éclaté sa joie.
« Je n’arrive pas à y croire », a-t-elle déclaré très émue. Mais ce moment de joie s’est très vite transformé en cauchemar. Comme Miss France moquée pour sa coupe de cheveux ou encore Miss Japon critiquée pour son origine ukrainienne, Apameh Schönauer a été la cible de centaines de commentaires haineux sur les réseaux sociaux s’attaquant à la fois à son physique, son identité ou encore son âge : « C’est le résultat de 12 ans de wokisme, de gauchisme et de déconstruction », « des Miss Allemagne comme ça, j’en vois tous les jours aux rayons fruits et légumes des hypermarchés » ou encore « Après [la] trans Miss Portugal, l’Ukrainienne Miss Japon, voici l‘Iranienne Miss Allemagne. Monde de merde ».
« Montrer ce que signifie être une femme forte »
Depuis plus d’une semaine, la nouvelle Miss Allemagne doit faire face à ces remarques négatives. Malgré ce cyberharcèlement, elle essaye de relativiser. « J’ai reçu beaucoup plus de commentaires positifs et agréables.
La plupart des gens m’ont dit à quel point ils m’aimaient. Je peux entendre les critiques, mais quand elles viennent de quelqu’un qui est derrière son ordinateur et qui n’a pas de vrai nom ni de vraie photo, qu’est-ce que je peux dire ? », explique-t-elle à France 24.
Depuis 2019, les règles du concours de Miss Allemagne ont sensiblement évolué.
Le jury ne prend plus seulement en compte les critères de beauté physique, mais aussi la personnalité et l’engagement des candidates. Lors de l’édition 2024, Tamara Schwab, une femme qui vit avec un cœur artificiel ou encore Kristina Medrjewski, une jeune femme paralysée en raison d’une maladie auto-immune rare, ont ainsi participé au concours.
C’est en raison de ce concept résolument atypique et moderne qu’Apameh Schönauer a choisi de postuler.
« Quand je suis devenue maman il y a deux ans, j’ai eu le sentiment que je devais montrer à ma fille ce que signifie être une femme forte », décrit-elle. » Quand j’ai vu les femmes iraniennes descendre dans la rue se battre pour leurs droits, j’ai trouvé cela incroyablement courageux. Je vis en toute liberté en Allemagne et j’ai une voix.
Je me suis donc dit que je devais faire quelque chose », ajoute-t-elle.
« Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient »
Née en 1985 à Téhéran, la jeune architecte ne manque jamais une occasion de parler de son pays d’origine. Arrivée à l’âge de six ans en Allemagne avec ses parents, ce déracinement n’a pas été simple pour elle et sa famille : « Au départ, nous avons vécu dans un appartement d’une pièce à quatre personnes.
Nous ne connaissions pas la langue.
En Iran, mon père avait une entreprise et ma mère était professeur de mathématiques. Nous avions une vie agréable, mais ils ont décidé de tout vendre et de repartir à zéro pour moi et ma sœur. Ils voulaient que nous puissions vivre en liberté ».
La jeune architecte est fière de sa double identité.
Ses parents lui ont enseigné l’amour de ses racines et le respect de sa terre d’accueil : « Ils nous ont toujours dit que l’intégration était très importante. Il ne faut jamais oublier d’où l’on vient, mais il faut aussi avoir en tête que nous sommes des invités dans ce nouveau pays. Quand vous changez de pays, il est important de faire cohabiter ces deux cultures pour pouvoir vivre en équilibre ».
Lors des manifestations en Iran suite au décès en détention de Mahsa Amini, arrêtée pour un voile mal ajusté, Apameh Schönauer a créé une fondation appelée Shirzan, un réseau de soutien en faveur des femmes opprimées : « Nous organisons des événements culturels qui permettent de se réunir pour parler de choses positives et pour ne pas oublier ce qu’il se passe en Iran à l’heure actuelle. Ce sont les femmes les plus fortes et les plus courageuses au monde ».
Avec son écharpe en bandoulière, la nouvelle Miss Allemagne va profiter de sa notoriété pour continuer à mettre en lumière le combat des femmes iraniennes.
Son année s’annonce chargée. Malgré ses nouvelles fonctions, Apameh Schönauer ne compte pas arrêter son activité professionnelle ni mettre un frein à sa vie personnelle. « Je vais être Miss, architecte et maman », résume-t-elle comme un défi.
france24