Une réunion internationale s’est tenue lundi en Jamaïque pour tenter de trouver une solution à la grave crise politique que traverse Haïti. Le président de la Communauté des Caraïbes s’est dit « optimiste » à l’issue de la rencontre. Les États-Unis ont annoncé une aide de 133 millions de dollars supplémentaires.
Les pays des Caraïbes se sont réunis d’urgence lundi 11 mars en Jamaïque avec des représentants de l’ONU et de plusieurs pays, dont la France et les États-Unis, pour tenter d’avancer sur une solution en Haïti, en proie à la violence des gangs et à une crise de gouvernance.
C’est la Communauté des Caraïbes (Caricom) qui a convoqué cette rencontre, à laquelle étaient aussi conviés des représentants du Canada, de l’ONU, ainsi que le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken.
« Il est clair qu’Haïti est à un point de bascule », a affirmé le Premier ministre jamaïcain Andrew Holness, alors que des cadavres sont visibles dans les rues de la capitale haïtienne, selon des journalistes de l’AFP.
Le président du Guyana et actuel président de la Caricom, Mohamed Irfaan Ali, s’est lui dit « optimiste » après la réunion sur la possibilité d’atteindre une solution politique dans le pays le plus pauvre des Amériques.
Le Premier ministre coincé à Porto Rico
Bloqué à Porto Rico après avoir été empêché de rentrer à Port-au-Prince, le Premier ministre haïtien, Ariel Henry, a échangé à distance avec les membres de la Caricom au cours de la réunion.
Sans président ni Parlement – le dernier chef de l’État, Jovenel Moïse, a été assassiné en 2021 –, Haïti n’a connu aucune élection depuis 2016. Ariel Henry, nommé par Jovenel Moïse, aurait dû quitter ses fonctions début février. Il a signé début mars un accord à Nairobi pour permettre l’envoi de policiers kényans en Haïti et cherche depuis à regagner Haïti.
Il se trouve toujours à Porto Rico, a dit lundi un responsable américain.
Plusieurs diplomates ont affirmé que la réunion de Kingston avait pour but de formaliser une proposition à Ariel Henry, afin qu’il cède le pouvoir à un conseil de transition comprenant un vaste panel de la société civile haïtienne.
« Une action urgente est nécessaire »
Lundi, le Conseil de sécurité de l’ONU a appelé tous les acteurs politiques haïtiens à des « négociations sérieuses » pour « rétablir les institutions démocratiques » du pays.
Après la réunion en Jamaïque, le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a annoncé que les États-Unis fourniraient 133 millions de dollars supplémentaires pour résoudre la crise, dont 100 millions à la force multinationale devant être envoyée en Haïti, et 33 millions d’aide humanitaire. « Nous savons qu’une action urgente est nécessaire », a déclaré Antony Blinken. « Seuls les Haïtiens peuvent décider de leur futur, personne d’autre. »
Le Premier ministre canadien Justin Trudeau, présent virtuellement lors des discussions, avait offert peu avant quelque 91 millions de dollars.
Port-au-Prince a continué ce week-end à s’enfoncer dans les violences liées aux gangs qui réclament la démission d’Ariel Henry, tout comme une partie de la population. La capitale est le théâtre d’affrontements entre policiers et bandes armées, qui s’en prennent à des sites stratégiques comme le palais présidentiel, des commissariats et des prisons.
Le président du Guyana a affirmé il y a quelques jours que la Caricom entendait aider à rétablir « stabilité et normalité » en Haïti, qualifiant la situation sur place de « désespérée ».
Évacuations
Dernier signe en date de la crise sécuritaire : l’évacuation lundi de l’ensemble du personnel de l’Union européenne à Port-au-Prince. La mission diplomatique allemande avait annoncé dimanche une décision similaire, précisant avoir déplacé son ambassadeur vers la République dominicaine, pays voisin d’où il travaillerait « jusqu’à nouvel ordre ». Dans la nuit de samedi à dimanche, les Américains avaient pour leur part évacué par hélicoptère de Port-au-Prince leur personnel diplomatique non essentiel.
Les autorités haïtiennes ont décrété il y a une semaine l’état d’urgence, assorti d’un couvre-feu nocturne, dans le département de l’Ouest, qui comprend la capitale, mais elles ne contrôlent pas entièrement ce territoire. Lundi, ce couvre-feu a été prolongé jusqu’à jeudi, selon un communiqué des autorités.
Le Conseil de sécurité de l’ONU a donné à l’automne son accord à l’envoi d’une mission internationale dirigée par le Kenya pour aider la police haïtienne, mais son déploiement se fait cruellement attendre.
Les forces de sécurité haïtiennes ont pu reprendre le contrôle du port de Port-au-Prince après des affrontements avec les gangs ce week-end, a déclaré lundi le directeur de l’Autorité portuaire nationale, Jocelin Villier. Des bateaux ont pu décharger des conteneurs mais le principal défi reste d’acheminer produits et aliments du port vers l’extérieur, car les routes principales ne sont pas assez sécurisées, a-t-il ajouté.
Selon l’Organisation internationale des migrations, 362 000 personnes sont actuellement déplacées en Haïti, un chiffre qui a bondi de 15 % depuis le début de l’année.
AFP