Haïti face à l’inconnu après l’annonce de la démission du Premier ministre Ariel Henry. Soumis à la pression des gangs, lâché par la communauté internationale, celui-ci quittera ses fonctions après la nomination de son successeur par un Conseil présidentiel chargé de la transition.
Sous la houlette de la Communauté des Caraïbes (Caricom), les acteurs politiques et de la société civile haïtienne se sont entendus pour la mise en place de ce Conseil qui sera composé de sept membres et deux observateurs censés représenter les différents courants politiques et économiques influents du pays. Mais des groupes aux intérêts divergents, qui jouent chacun leur partition.
L’entente est-elle possible ?
Tout reste à faire selon le politologue haïtien Jacques Nesi, docteur en sciences politiques, membre du Laboratoire caribéen de sciences sociales, avec Anne Corpet : « Ce Conseil pour le moment, il va être formé des représentants de différentes forces politiques, sociales, économiques, mais il reste à mettre sur pied l’agenda et aussi son mode de fonctionnement. »
« On fait confiance au sursaut collectif »
« Parce que ça va être la collégialité qui va être la règle, dit encore Jacques Nesi. Pour le moment, on fait confiance au sursaut collectif, à la prise de conscience citoyenne des différents acteurs.
C’est vrai que, depuis trois ans, les différents acteurs politiques n’arrivaient pas à s’entendre autour d’une plateforme commune avec Ariel Henry, maintenant toute la question est de savoir : est-ce que ces différents acteurs qui vont adhérer à ce principe de collégialité vont mettre de côté leurs appétits, puisqu’ils considèrent tous Haïti, et ces acteurs politiques connaissent bien la fonction publique comme étant une rente, où il faut s’enrichir très rapidement, tout ceci garanti par l’impunité.
Donc on espère bien cette fois qu’ils vont garder de côté leurs appétits et faire place nette à l’intérêt national. »
« La classe politique » va-t-elle s’entendre ?
Pour le journaliste haïtien Jean-Renald Getty, interrogé par Thomas Victorien, le départ d’Ariel Henry est, en tout cas, perçu comme un nouvel espoir pour Haïti : « Le gouvernement en place n’a rien fait pour stopper cette hémorragie de sécurité, donc, pour moi Ariel Henry a fait partie du problème qui persiste dans le pays.
Sa démission est un soulagement et j’espère que ça va changer la situation qui prévaut dans le pays.
Je pense que le Conseil présidentiel qui va être mis en place dans le pays va améliorer la situation du peuple haïtien. Cependant, il y a encore la classe politique haïtienne qui ne veut pas s’entendre pour donner un gouvernement qui peut répondre à cette situation », conclut-il.
Confusion autour des raisons de la suspension de la mission kényane
Le Kenya va-t-il porter secours à Haïti ? Cela semble de moins en moins sûr. Après la démission du Premier ministre, Ariel Henry, Nairobi a décidé de suspendre l’envoi de policiers en Haïti qui était prévu dans le cadre d’une mission internationale soutenue par les Nations unies.
Un accord avait pourtant été signé le 1er mars dernier.
Mais selon les informations de RFI, le problème vient en réalité du financement de cette mission. Il y a encore quelques jours, Nairobi assurait pouvoir déployer ses hommes en moins de 72 heures. « Mais pour cela, nous avons besoin d’argent », a toujours prévenu le Kenya, dont les caisses sont presque vides. Pas question de déployer la mission internationale sans avoir reçu au préalable tous les financements.
Or, ce n’est pas ce que prévoient les traités des Nations unies.
Aujourd’hui, les autorités kényanes ne lient pas leur revirement à ces questions financières, mais à la détérioration de la situation sur place, et à la démission d’Ariel Henry.
« Sans administration politique en Haïti, il n’y a pas de point d’ancrage sur lequel un déploiement de la police puisse reposer », a expliqué le secrétaire général du ministère kényan des Affaires étrangères. Nairobi préfère donc désormais attendre l’installation d’un nouveau gouvernement avant de réévaluer sa position.
Pas de problème, répondent de leur côté les États-Unis, qui disent comprendre le point de vue kényan.
Le Conseil de transition haïtien va être mis en place rapidement et la mission multinationale pourra vite être déployée, veut croire le département d’État américain.
rfi