La législation visant à externaliser les demandes d’asile au Rwanda subit de nouveaux revers. Mercredi, dans un ping-pong parlementaire infernal, la Chambre des Lords a notamment voté pour exiger que le texte respecte intégralement le droit national et international. La loi doit retourner devant les parlementaires britanniques pour être débattue une nouvelle fois le 15 avril prochain.
Le projet de loi controversé de délocaliser les demandes d’asile au Rwanda bat de l’aile. La navette parlementaire pour examiner le texte du gouvernement britannique continue de se complexifier et de se rallonger. Mercredi 20 mars, le traité a une nouvelle fois été retoqué par la Chambre des Lords.
Une majorité de députés ont en effet voté en faveur de sept modifications qui affaiblissent le projet de loi.
Ce dernier vise à répondre aux conclusions de la Cour suprême qui a jugé le projet illégal, en assurant que le Rwanda est bien un « pays tiers sûr pour l’expulsion des personnes entrant au Royaume-Uni en vertu des nouvelles lois sur l’immigration, et pour décourager l’immigration par des voies dangereuses et illégales », peut-on lire sur le site du Parlement britannique.
Si cette promesse phare du Premier ministre Rishi Sunak pour endiguer l’immigration est votée, la proposition de loi permettrait au gouvernement britannique d’éviter de futures objections légales, une fois le traité avec Kigali mis en place.
Sauf que pour approuver cette législation, les deux chambres du Parlement britannique – les Communes et les Lords – doivent se mettre d’accord. Dès que les Lords votent des amendements sur cette loi particulièrement polémique, le ping-pong parlementaire redémarre à zéro et entraîne de nouveau longs débats entre députés.
Sept modifications rajoutées
C’est précisément ce qu’il s’est passé mercredi. Les Lords ont rétabli sept amendements pour adoucir le texte avec plus de protection pour les demandeurs d’asiles – des modifications qui avaient déjà été précédemment supprimées par la Chambre des Communes.
Alors, retour à la case départ : le projet de loi doit retourner devant la Chambre des Communes, pour être encore une fois examiné, et ce, pas avant le 15 avril prochain, comme l’a annoncé la ministre chargée des relations avec le Parlement.
Dans le détail, les députés ont voté à 271 voix contre 228 pour exiger que ce traité avec le Rwanda prenne « intégralement en compte » le droit national et international.
En réaction, le ministre de l’Intérieur Lord Sharpe a insisté sur le fait que « rien dans le projet de loi n’était en contradiction avec les obligations internationales du Royaume-Uni », rapporte la BBC.
Rishi Sunak discrédité
Aussi, les Lords ont soutenu une proposition pour que le Rwanda ne soit considéré comme un pays sûr que « lorsqu’un traité prévoyant de nouvelles garanties sécuritaires sera mis en œuvre ».
Autre amendement ajouté : l’exemption des personnes qui ont soutenu les forces armées britanniques à l’étranger d’être expulsées vers le Rwanda.
En réponse, Shami Chakrabarti, membre du parti travailliste, a déclaré au Gardian : « Étant donné que le premier ministre a misé sur ce projet de loi, ces nouvelles défaites à la Chambre des Lords le décrédibilisent encore plus. Les arguments relatifs à l’État de droit international et national ont fait mouche ».
Ce nouveau camouflet promet de retarder davantage le décollage d’éventuels vols vers le Rwanda, que le gouvernement de Rishi Sunak espérait pourtant débuter « dès le printemps » de cette année.
Ce jeudi 21 mars, le porte-parole de Rishi Sunak a jugé « frustrant » que les Lords aient renvoyé le texte à la Chambre des Communes. L’objectif de mettre en œuvre le texte au printemps « reste le même », a malgré tout déclaré le porte-parole, sans plus de précision sur le calendrier. En l’état, le départ de premiers vols de demandeurs d’asile vers Kigali d’ici le printemps reste pourtant difficile à imaginer.
Kigali reste « très engagé » dans son partenariat avec Londres
« Dès le premier jour, cette politique a été une perte de temps et d’argent totalement irréalisable. Pourtant, les conservateurs sont obsédés par l’idée de faire avancer ce projet », affirmait déjà le chef du parti de l’opposition des Libéraux-Démocrates à la Chambre des Lords, Dick Newby, cité par The Guardian, en janvier.
« Le gouvernement devrait maintenant accepter la réalité et abandonner » ce projet, largement dénoncé par l’ONU et les associations des droits de l’Homme depuis son introduction.
Ces rebondissements interviennent au même moment où un nouveau record d’arrivées de migrants au Royaume-Uni via la Manche a été atteint : en une seule journée, hier, 450 exilés ont débarqué au port de Douvres.
Malgré les multiples revers que connaît le projet depuis près de deux ans, le ministre des Affaires étrangères rwandais Vincent Biruta assurait en décembre 2023 que son pays restait « très engagé » dans le partenariat avec Londres, comme relatait le journal rwandais The News Time.
Le Rwanda a déjà reçu près de 240 millions de livres de la part du Royaume-Uni, pour couvrir, d’après les autorités britanniques, les coûts de l’installation des migrants.
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