Cet organe artificiel, en développement depuis plus de dix ans, a été vendu pour la première fois à des institutions italiennes et américaines.
En 2008, le professeur Alain Carpentier s’est lancé dans une aventure qui allait révolutionner la médecine; en fondant la société Carmat, cet éminent chirurgien a ouvert la voie à la conception d’un cœur artificiel révolutionnaire. Après treize ans de recherche et de développement, c’est enfin la consécration pour le français et ses équipes; l’entreprise vient de vendre les premiers exemplaires de son produit.
Un premier exemplaire est parti du côté de Naples, en Italie, où il a été implanté avec succès. Et puisqu’une bonne nouvelle n’arrive jamais seule, le second a traversé l’Atlantique dans la foulée. Il a été greffé à un homme de 39 ans au Duke University Hospital. Mais les deux patients ne conserveront pas le Carmat indéfiniment; il restera dans leur thorax pendant un maximum de 180 jours, en attendant d’être éligible à une greffe de cœur biologique.
Pour l’instant, il ne s’agit donc pas encore d’une solution définitive; mais connaissant la disproportion entre le nombre de donneurs et de demandeurs, l’intérêt est assez évident. “Notre coeur ne remplace pas une transplantation classique”, explique Stéphane Piat, DG de Carmat, au micro de BFM Business. “Mais avec 10.000 patients qui ont besoin d’un coeur et 4.000 donneurs… l’équation est simple”, conclut-il.
Un bijou de technologie à la française
Désormais, l’objectif principal de Carmat va être de réduire les coûts. Car malgré son statut transitoire, cet organe synthétique se monnaie tout de même autour de 150.000€ pièce ! Mais ce coût astronomique prend tout son sens lorsqu’on s’intéresse à la technologie qu’il embarque. La raison pour laquelle l’entreprise avait fait sensation lors de sa présentation, c’est son mode de fonctionnement; contrairement aux cœurs artificiels précédents, celui-ci imite le fonctionnement du palpitant biologique. Il comprend ainsi quatre valves qui débouchent sur deux cavités ventriculaires. C’est la membrane souple qui enveloppe l’engin qui remplace les contractions du myocarde, et génère la circulation sanguine grâce à un liquide d’actionnement.
Et il ne s’agit pas que d’un artifice visuel : cette construction présente de nombreux avantages. Lorsqu’il se contracte, le coeur de Carmat brasse le sang d’une façon quasiment identique à un coeur normal. Cette dynamique, couplée à la présence des valves, fait qu’il n’y a pas besoin de décoaguler le sang; cela diminue immensément les risques de thrombose, voire d’hémorragie catastrophique.
Ce n’est pas un hasard si le développement de ce produit a été aussi long. Il a fallu trouver des matériaux à la fois flexibles et parfaitement biocompatibles, afin d’éviter une violente réaction de rejet. Évidemment, le matériau en question devait aussi être d’une résistance à toute épreuve pour éviter une hémorragie interne catastrophique. Le matériau développé avec ces caractéristiques fait aujourd’hui partie des nombreux brevets déposés par Carmat.
Objectif démocratisation
En parallèle, l’appareil est bardé de capteurs pour surveiller les constantes vitales, et dispose d’un microprocesseur pour adapter le débit sanguin à l’activité du patient. Son seul inconvénient provient, comme on pouvait s’y attendre, de l’alimentation. Pour fonctionner, il ne peut pas se contenter de quelques impulsions électriques subtiles comme notre cœur. À la place, le porteur doit s’encombrer d’un sac d’environ 4 kg, qui contient différents contrôles et, surtout, une paire de batteries rechargeables. Celles-ci sont capables de fonctionner environ quatre heures, après quoi elles doivent être rechargées. L’un des grands axes de développement sera donc de limiter cette contrainte au maximum.
Il sera désormais intéressant de voir jusqu’à où Carmat peut se permettre d’abaisser le prix de son engin, et quels marchés elle parvient à toucher. Car la réussite commerciale de Carmat va directement conditionner le développement ultérieur de cette technologie. Si tout se passe bien.
Source: jdg
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