« Est-ce que vous pensez que c’est toujours au garçon de faire le premier pas? » : dans cette classe de 1ère du lycée d’Avon (Seine-et-Marne), cette question est accueillie par un brouhaha de rires et de « bah oui » sans appel.
« C’est mal vu qu’une fille fasse le premier pas », estime Marion (tous les prénoms ont été changés), l’une des 16 élèves à assister ce matin-là à cet atelier d’éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité – un enseignement obligatoire mais encore rarement effectué.
« La meuf est vue comme une +timp+ (une pute) » si elle le fait, renchérit Anna.
« C’est aux garçons de faire le premier pas, c’est clair mais après les filles prennent trop la confiance », juge Nordine.
« C’est une mauvaise chose que les filles aient de la confiance? », rebondit Jeanne Brunet de l’association Dans le Genre Egales qui anime la séance.
« Non mais il ne faut pas que ça soit trop », tranche Nordine.
Couple, contraception, consentement, égalité, règles, violences sexuelles … pendant deux heures, une série de thématiques vont être abordées devant des élèves assis en demi-cercle et particulièrement attentifs.
« Je vous donne des informations, que vous les utilisiez dans votre vie ou pas après, cela vous regarde », prévient d’emblée Jeanne Brunet. « Le but, c’est qu’on discute ensemble, qu’il n’y ait pas de tabou, que ce soit un espace de confiance. La règle c’est : on ne juge pas ».
– Emprise –
Pour faciliter les échanges, des cartes double face ont été distribuées. Une face verte pour exprimer son accord, une face rouge pour dire son désaccord.
« Est-ce que vous pensez que la jalousie c’est une preuve d’amour? », demande Jeanne Brunet, provoquant une levée de cartes des deux couleurs.
« C’est une preuve d’amour mais il y a un +level+ (niveau) à respecter », juge Nadia.
« Pas du tout », réplique Inès. « La jalousie ça veut dire que tu n’as pas confiance, tu projettes ton insécurité sur ton partenaire et ça peut entraîner de graves problèmes ».
« C’est vrai », reprend Jeanne Brunet, qui en profite pour revenir sur l’importance d’une « relation égalitaire » dans un couple.
« Dans une relation de couple, est-ce qu’il y a une hiérarchie? Non. », dit-elle. « Interdire à un partenaire de sortir, de voir certaines personnes, de s’habiller d’une certaine manière, c’est une restriction de liberté, c’est de l’emprise et on appelle ça des violences…. »
« Conjugales », complètent plusieurs élèves.
« Sur la tenue et sur les sorties, ça dépend si tu es marié », lance Nordine. « Si une femme est mariée, son corps appartient à son mari », ajoute-t-il, interrompu par des rires et dénégations d’autres élèves.
« Notre corps c’est le nôtre que tu sois marié ou pas, il n’est pas à disposition, il t’appartient et à toi seul », le reprend Jeanne Brunet qui distribue dans la foulée un violentomètre. Cette échelle graduée du vert au rouge permet de repérer les signes d’une relation violente.
– « Idées reçues » –
L’atelier se poursuit, avec la notion de consentement, « un accord libre et éclairé et enthousiaste ».
« Si je dis oui le lundi, je ne dis pas forcément oui le mardi, le consentement est rétractable à tout instant », insiste l’animatrice.
Les violences sexuelles? 80% des agresseurs sont des proches des victimes, en moyenne trois enfants par classe de CM2 sont victimes d’inceste, rappelle-t-elle. « C’est énorme », chuchote Gabrielle.
Le volet consacré à la contraception et à la protection contre les infections sexuellement transmissible (IST) laisse lui la place à de nombreuses questions. Une plaquette de pilules et un stérilet passent de mains en mains.
L’atelier se termine par deux dernières questions : est-ce que regarder de la pornographie est l’occasion d’apprendre à faire l’amour? Est-ce qu’il est normal d’avoir mal lors du premier rapport?
« Le porno, c’est de la mise en scène, les corps sont refaits », estime Katia. « Cela donne une vision faussée de la sexualité » et « c’est important d’avoir en tête qu’il n’y a aucun rapport entre la taille d’un sexe et la qualité d’un partenaire », insiste Jeanne Brunet.
Quant à la douleur lors du premier rapport, la réponse des élèves est affirmative à l’unanimité.
« Il y a plein d’idées reçues sur l’hymen qui se déchirerait et qui provoquerait une douleur », rectifie l’animatrice. « Il n’y a pas de terminaison nerveuse dans l’hymen donc il n’y aucun lien avec la douleur ni le saignement ».
A la fin des préservatifs sont posés sur une table, à disposition. Certains élèves s’en remplissent les poches, d’autres passent devant sans leur jeter un regard.
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