Froid, pluie, ciel gris : pourquoi la météo joue-t-elle sur notre humeur ?

Plusieurs études scientifiques l’attestent : les conditions météorologiques influent sur notre humeur et nos comportements. Et parmi toutes les variables (humidité, ensoleillement, pression atmosphérique, etc.), la température occupe une place particulière. Les explications avec Hugo Bottemanne, psychiatre à l’Institut du Cerveau de Paris.

« Lorsque la température augmente, nous avons tendance à observer plus de comportements violents, plus d’accidents de la route, mais aussi plus de tentatives de suicide », souligne Hugo Bottemanne auprès de Sciences et Avenir. De nombreuses études scientifiques se sont intéressées à l’effet des conditions météorologiques sur l’humeur.

Des humeurs différentes en été et en hiver
Quels constats en ont été faits ? Les périodes hivernales avec des durées d’ensoleillement faibles et des températures basses sont associées à des troubles dépressifs.

A l’inverse, l’exposition à de fortes températures et au soleil pendant l’été sont liés à des épisodes de « manie ». « Cette phase se caractérise par une humeur dite « haute », avec une exaltation, une hyperactivité et la recherche excessive de stimulations, » précise le chercheur.

En 2017, des scientifiques australiens ont révélé le rôle central de la température dans les changements d’humeur.

A mesure que la température grimpe, on observe davantage de comportements violents. La température leur avait même permis de prédire les changements d’humeur et les manies de personnes bipolaires. Mais pourquoi l’être humain est-il si sensible à la météo ?

Soleil = ressources alimentaires
Notre rétine capte la lumière grâce à un groupe de cellules photoréceptrices sensibles au bleu. Ces cellules transmettent des signaux impliqués dans la régulation de l’humeur et des rythmes biologiques au cerveau. Au cours de son évolution, le cerveau de l’Homme aurait progressivement associé la météo aux potentialités de récompenses alimentaires.

Les périodes estivales, ensoleillées, sont propices à l’abondance des ressources : maturation des fruits, pousse des végétaux, reproduction des animaux…

A l’inverse, les périodes hivernales sont associées à une diminution des ressources. « Ainsi, notre cerveau aurait à interpréter ces variables météorologiques comme un indice de la probabilité de rencontrer des ressources alimentaires », indique Hugo Bottemanne. « L’évolution aurait ainsi favorisé une régulation de nos comportements d’exploration (lorsque l’humeur est haute) et de réserve (lorsque l’humeur est basse) en fonction de ces signaux météorologiques. »

L’humeur, utile pour s’adapter à notre environnement ?
Contrairement à ce que l’on imagine souvent, l’humeur n’est pas un état émotionnel comme la tristesse ou à la joie. Elle détermine plus largement la manière dont nous générons des croyances à propos du monde environnant, dont nous réagissons émotionnellement aux événements, et dont nous agissons pour chercher des récompenses ou fuir les dangers.

« D’un point de vue évolutif, l’humeur pourrait ainsi être un régulateur de nos comportements, nous permettant de nous adapter aux changements de notre environnement », explique le chercheur.

Pour assurer cette adaptation, le cerveau utilise des informations transmises par les organes internes.

On parle d’intéroception. Ces informations comprennent à la fois les signaux sensoriels à l’origine de la perception du corps et les signaux chimiques impliqués dans la régulation physiologique.

« Ces signaux sont utilisés par le cerveau pour calibrer les comportements, et influencent en profondeur nos états mentaux : si les muscles manquent d’apports nutritionnels, les informations intéroceptives vont par exemple participer à générer la sensation de fatigue, le désir de se nourrir, et les comportements de recherche alimentaire », ajoute-t-il.

Le changement climatique est en train de bouleverser les conditions météorologiques, et risque donc de perturber ces processus de régulation.

L’étude de leurs effets sur la santé mentale permet de mieux comprendre les mécanismes agissant sur l’humeur, « et nous offrira probablement de nouvelles perspectives de traitement, en particulier les approches thérapeutiques « chronobiologiques » comme la photothérapie (anciennement appelée luminothérapie). C’est un vaste champ de recherche qui s’ouvre à l’intersection de la climatologie, de la météorologie, des neurosciences et de la psychiatrie », conclut-il.

sciencesetavenir

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