Joe Biden face aux manifestations propalestiniennes, Donald Trump face à Stormy Daniels

De notre correspondante à Washington – Chaque mois, France 24 revient sur les événements marquants de la campagne présidentielle 2024 aux États-Unis. Ce troisième numéro est consacré aux manifestations propalestiniennes qui secouent les universités américaines et menacent la réélection du président Joe Biden. En parallèle, le procès de son rival Donald Trump dans l’affaire Stormy Daniels s’est poursuivi, avec le témoignage sulfureux de l’ancienne actrice X.

« Genocide Joe » face aux manifestations propalestiniennes

Les bonnes nouvelles ne durent jamais bien longtemps pour Joe Biden. Le 20 avril, après des mois de blocage républicain, la Chambre des représentants a finalement approuvé l’aide tant attendue par l’Ukraine que le président américain avait promis d’envoyer. Mais cette victoire politique a vite été éclipsée par un autre dossier international : la guerre à Gaza.

Columbia, Harvard, UCLA, Massachusetts Institute of Technology… Ce ne sont que certains des noms les plus prestigieux, mais des dizaines d’universités américaines ont été le théâtre de manifestations propalestiniennes ces dernières semaines. Dans certains cas, les étudiants ont dressé des campements pour réclamer la fin de la guerre menée par Israël depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre, et ont été délogés par la police.

Au total, près de 3 000 personnes ont été arrêtées. Et si un calme relatif revient sur les campus ces derniers jours, les organisateurs de la convention démocrate de Chicago prévue cet été retiennent leur souffle face à la possibilité de nouvelles manifestations à cette occasion, ravivant le spectre des violences de la convention de 1968.

Le slogan de cette jeunesse progressiste, « Genocide Joe », vise directement le chef de l’État démocrate et le soutien des États-Unis à Israël.

« J’entends leur message », a assuré Joe Biden dans une interview donnée à CNN le 9 mai. Le risque politique est clair pour lui : sur les campus, certains étudiants interrogés affirment qu’ils ne (re)voteront pas pour le démocrate en novembre. Or dans certains États-clés comme le Michigan ou la Pennsylvanie, le vote des jeunes sera crucial pour Joe Biden. Le sénateur Bernie Sanders, son ancien rival aux primaires démocrates, s’est adressé à la jeunesse, craignant que cette guerre fasse perdre l’élection à la gauche : « Joe Biden ne se présente pas contre Dieu. Il ne se présente pas contre le candidat parfait. Il se présente face à un type nommé Donald Trump, le président le plus dangereux de l’histoire de ce pays. »

L’administration Biden est écartelée entre son soutien à un allié historique victime d’une attaque terroriste et son constat, jour après jour, que les civils palestiniens paient le prix fort de cette guerre de représailles.
Pour décourager Israël d’envahir Rafah, Joe Biden a bloqué début mai la livraison de milliers de bombes à son allié. Une décision sans précédent qui non seulement ne suffit pas à apaiser la colère de la jeunesse progressiste mais qui est combattue par les républicains au Congrès : certains menacent même d’une procédure d’impeachment contre le président. Donald Trump, lui, a estimé que « toute personne juive qui vote pour Joe Biden devrait avoir honte ».

La « Bidenflation » ne passe toujours pas

Autre difficulté pour Joe Biden : son bilan économique reste mal perçu par la majorité des Américains, qui ont toujours l’inflation en travers de la gorge. Selon un sondage du Financial Times, 58 % de la population désapprouve sa gestion de l’économie. Peu importe le plein emploi, la Bourse en pleine forme, les plans de relance historiques de l’administration démocrate et ses efforts pour relocaliser la production dans les zones déshéritées du pays.

Pour qualifier la hausse des prix spectaculaire qu’a connu le pays ces dernières années, pendant le mandat de Joe Biden, la droite avait inventé le terme de « Bidenflation ». Cette étiquette lui reste collée au front malgré tous ses efforts.

La semaine dernière, dans le Wisconsin, le président a ainsi annoncé la construction d’un nouveau centre de données de Microsoft, sur le même site où Donald Trump avait promis 10 milliards d’investissements de la part du géant taïwanais Foxconn, une promesse qui ne s’était jamais matérialisée.

Sourd aux critiques et incrédule face aux sondages, Joe Biden continue de vanter son bilan économique dans les États-clés, comme s’il espérait que ce qu’il considère comme un malentendu allait se dissiper, à l’épreuve des faits. Et pourtant, les faits ne remportent pas toujours la bataille dans les urnes.

Un exemple : selon un sondage de Politico, les électeurs donnent quasiment autant de crédit à Donald Trump qu’à Joe Biden pour les investissements dans les infrastructures du pays. Or le premier, dont les récurrentes mais vides « semaines de l’infrastructure » étaient moquées pendant son mandat, n’a jamais réussi à faire voter une loi au Congrès sur le sujet. À l’inverse, Joe Biden a négocié avec l’opposition et promulgué un texte historique. Force est de constater que les électeurs ne s’en souviennent guère.

Stormy Daniels raconte tout, tout, tout sur Donald Trump

C’était le témoignage sulfureux du procès de Donald Trump. Stormy Daniels, ancienne actrice X qui affirme avoir eu une relation sexuelle avec le milliardaire, a raconté le 7 mai sa version des faits à la barre, détails croustillants compris. Donald Trump est accusé d’avoir acheté le silence de cette femme, par l’intermédiaire de son avocat et en falsifiant cette dépense de 130 000 dollars dans ses comptes, afin de ne pas perturber sa campagne présidentielle de 2016. Le procureur cherche à prouver qu’il s’agit d’une dépense de campagne illégale.

En 2006, après une brève rencontre lors d’une compétition de golf, le garde du corps de Donald Trump fait savoir à Stormy Daniels que son patron veut dîner avec elle, a-t-elle raconté.

Le magnat de l’immobilier, star de la télé-réalité, la reçoit en « pyjama de soie ou de satin » dans la suite de son hôtel. Après une conversation badine pendant laquelle il lui fait miroiter une apparition dans son émission « The Apprentice », elle se rend dans la salle de bains. En sortant, elle trouve Donald Trump dévêtu sur le lit. Le message est clair. « J’ai senti le sang quitter mes mains, et les pieds comme quand on se lève trop vite », s’est-elle souvenue.

La relation sexuelle, consentie mais « déséquilibrée » selon elle, se fera sans préservatif.

Le témoignage cru de Stormy Daniels a plus qu’agacé l’ancien président, au point que le juge a réclamé à son avocat de modérer l’attitude « méprisante » de son client, qui n’a cessé de « jurer de manière audible ». Le juge avait déjà menacé plusieurs fois Donald Trump de prison pour avoir violé son interdiction d’attaquer verbalement les témoins et les jurés.

Un autre témoignage est venu irriter l’accusé : celui de son ancien avocat devenu sa bête noire, Michael Cohen, à la barre depuis lundi 12 mai. « Absolument, fais-le », lui aurait dit son ancien employeur en lui donnant son feu vert pour payer Stormy Daniels. « Ne t’inquiète pas, tu vas retrouver ton argent », lui aurait encore promis Donald Trump, qui l’a remboursé l’année suivante, une fois élu.

Gagner du temps face à la justice, une stratégie payante

Le procès dans cette affaire Stormy Daniels touche désormais à sa fin, avec une possible première condamnation pénale pour l’ancien président, qui serait immédiatement suivie d’un appel. Mais dans les autres affaires pénales qui visent Donald Trump, la stratégie de ses avocats, à savoir gagner du temps pour repousser les procès jusqu’à l’élection qu’il espère gagner, semble fonctionner.

En Géorgie, où l’ancien président est accusé d’avoir tenté de manipuler les résultats de la présidentielle 2020, un appel en justice du camp Trump sera bel et bien entendu afin de retirer l’affaire à la procureure Fani Willis. Cette dernière est accusée d’avoir manqué à son devoir en nouant une relation intime avec l’un de ses subordonnés en charge du dossier. De quoi repousser l’éventualité d’un procès et d’une condamnation avant le 5 novembre.

Même chose en Floride, où la juge Aileen Cannon, nommée par Trump, a repoussé indéfiniment la date du procès fédéral sur sa gestion de documents classés confidentiels.

Reste le procès fédéral à Washington, surnommé « l’affaire du 6 janvier » – jour de l’assaut sur le Capitole en 2021. La Cour suprême doit rendre sa décision sur une éventuelle immunité de l’ancien président. Si les juges estiment qu’il existe bien une forme d’immunité présidentielle pour certaines actions, alors d’autres recours en justice seront formulés par le camp Trump, et le procès ne pourra certainement pas non plus se tenir avant l’élection.

Du nouveau dans la course au poste de « Veep »

Il y a quelques mois, France 24 avait passé en revue les potentiels colistiers de Donald Trump sur le ticket présidentiel. Parmi eux, la gouverneure du Dakota du Sud, Kristi Noem, vient de grandement perdre en crédibilité. Elle s’est attiré les foudres de la gauche comme de la droite pour avoir raconté, dans un livre autobiographique censé faire la promotion de sa personne, comment elle avait tué par balle son chien Cricket, 14 mois, qu’elle « détestait ».

Quant à Nikki Haley, l’ancienne rivale de Donald Trump aux primaires cette année, elle a fait l’objet d’un article très remarqué du site Axios affirmant qu’elle était de nouveau considérée pour le poste de vice-présidente. Mais ce qui serait un retournement majeur de cette campagne – et un coup de génie politique visant à ramener dans son camp les républicains modérés – a été aussitôt démenti par le principal intéressé sur son réseau Social Truth.

Le point sur les sondages

Donald Trump continue à faire la course en tête, aussi bien au niveau national (1,2 point d’avance sur Joe Biden selon la moyenne de Real Clear Politics) que dans les États-clés (3,6 points d’avance). Notons toutefois un écart important entre les estimations de certains sondages, comme dans le Wisconsin, qui confirme que la compétition reste extrêmement serrée.

La séquence qui fait sourire

Ce week-end, dans le New Jersey, Donald Trump a loué les mérites du cannibale le plus célèbre d’Hollywood. Hannibal Lecter, personnage mythique joué par Anthony Hopkins dans « Le Silence des agneaux », est « un homme formidable », a lancé le candidat à la foule alors qu’il s’attaquait de façon décousue au sujet de l’immigration. Une façon de comparer les demandeurs d’asile à des mangeurs d’humains ? Mais pourquoi alors faire l’éloge du cannibale en question ?

La presse s’est un temps interrogée sur ce que Donald Trump pouvait bien vouloir dire, avant de passer, comme souvent, au dossier suivant.

france24

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