La situation reste très tendue, jeudi, en Nouvelle-Calédonie. Emmanuel Macron doit présider une réunion suivie d’un échange avec les élus. L’armée a été déployée sur le territoire, après que les émeutes opposant les indépendantistes aux loyalistes ont fait cinq morts, dont deux gendarmes, en trois jours. Deux cents émeutiers déjà été interpellés.
L’exécutif en ordre de bataille.
Emmanuel Macron présidera, jeudi 16 mai, une réunion de suivi sur la Nouvelle-Calédonie, où l’État espère reprendre le contrôle de la situation « dans les heures qui viennent », a dit le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, au terme d’une troisième nuit de violences dans l’archipel du Pacifique.
Le chef de l’État, qui a décidé mercredi de déclarer l’état d’urgence dans la collectivité d’outre-mer après la mort de cinq personnes dont deux gendarmes, a également proposé aux élus calédoniens un échange par visioconférence jeudi, en vain. Ce dernier a été annulé car les élus locaux ne veulent « pas dialoguer les uns avec les autres », a précisé l’Élysée.
Le déplacement d’Emmanuel Macron à Flamanville a également été reporté.
La police et la gendarmerie ont dû faire face à plusieurs milliers d’émeutiers dans la nuit de mercredi à jeudi, a dit le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie. Un second gendarme a été tué jeudi matin à la suite d’un « tir accidentel », a annoncé le ministre de l’Intérieur.
Dans son message, le ministre, qui fait part de sa « grande tristesse », explique que selon les « premiers éléments, le décès serait consécutif aux blessures générées par un tir accidentel, alors que les gendarmes s’engageaient pour assurer une mission de sécurisation ».
« Depuis la déclaration de l’état d’urgence, l’arrivée des renforts, (…) [les appels au calme], je crois que nous sommes sur la voie du rétablissement de la paix publique en Nouvelle-Calédonie », a assuré Gérald Darmanin sur France 2. Le ministre de l’Intérieur a annoncé l’interpellation par la police de la personne responsable de la mort de deux jeunes Kanaks la veille.
Dans trois communes de l’île, la gendarmerie a été confrontée la nuit dernière à un grand nombre d’émeutiers, « de l’ordre de 5 000 et sur la ville de Nouméa, entre 3 000 et 4 000 », a dit le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, lors d’une conférence de presse.
Un millier de forces de sécurité intérieure supplémentaires sont en train d’être déployées en Nouvelle-Calédonie, où la situation « reste très tendue », a affirmé Gabriel Attal jeudi à l’issue de la réunion d’un nouveau conseil de défense à l’Elysée.
Deux cents émeutiers ont été interpellés et 64 gendarmes et policiers ont été blessés, a-t-il précisé. L’état d’urgence, décrété en conseil des ministres mercredi à Paris pour une durée initiale de douze jours, est entré en vigueur jeudi à 05h00 du matin. Le réseau social TikTok a été interdit sur l’île.
Barrages sauvages sur les routes et destructions de commerces
Yoan Fleurot, un habitant de Nouméa, a déclaré à Reuters, via l’application Zoom, qu’il avait été témoin de pillages et de destructions. Certains commerçants ont laissé faire les pilleurs, en leur demandant de ne pas détruire leurs commerces, a-t-il dit.
Des barrages jalonnent les axes routiers, ce qui rend les déplacements difficiles. « Moi qui suis calédonien, je ne connais plus mon pays actuellement », a dit Yoan Fleurot. « La Calédonie va avoir du mal à se relever de cette crise. (…) Tout, 80 % est détruit. »
Louis Le Franc a expliqué que des barrages sauvages avaient été établis sur les axes routiers principaux et secondaires de l’agglomération du Grand Nouméa et que certains d’entre eux étaient piégés avec des bouteilles de gaz et des systèmes d’allumage.
« Je mets en demeure ceux qui sont à la tête de la CCAT (Cellule de coordination des actions sur le terrain) de cesser ces actions, qui sont des actions meurtrières, mortelles, qui peuvent endeuiller des familles », a-t-il dit.
Le haut-commissaire de la République a ajouté que des confrontations entre des membres actifs de la CCAT et des groupes d’autodéfense avaient eu lieu.
« On lance un appel au calme », a-t-il dit. « Je leur demande à tous de respecter le couvre-feu. De respecter l’interdiction de port d’armes, de transport d’armes et de rassemblement dans l’agglomération de Nouméa. »
Louis Le Franc a déclaré que les destructions engendrées par les émeutes étaient « considérables » et qu’il pensait qu’elles pouvaient représenter « des centaines de millions d’euros » de dégâts.
Dix assignations à résidence ont été prononcées par le ministère de l’Intérieur à l’encontre de leaders de la CCAT, a précisé Gérald Darmanin, qualifiant l’organisation de « mafieuse » et « violente ». Une vingtaine d’autres devraient être prononcées dans la journée et des perquisitions administratives vont avoir lieu en vertu de l’état d’urgence, a-t-il dit.
L’instauration de l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie voulue par le Président de la République permet de prendre des mesures immédiates : je viens de signer les 5 premiers arrêtés d’assignation à résidence de responsables radicaux et violents. Sur mon instruction, des…
— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) May 15, 2024
Accusations d’ingérences de l’Azerbaïdjan
Gérald Darmanin a également accusé jeudi l’Azerbaïdjan d’ingérence dans les émeutes en Nouvelle-Calédonie. Interrogé sur la possibilité d’une implication de ce pays, mais de la Russie et de la Chine, le ministre a répondu sur France 2 : « Sur l’Azerbaïdjan, ce n’est pas un fantasme, c’est une réalité », en regrettant « qu’une partie des indépendantistes calédoniens aient fait un deal avec l’Azerbaïdjan ».
L’Azerbaïdjan a immédiatement dénoncé les accusations d’ingérence « infondées », y voyant des propos « insultants ».
Pendant ce temps, l’aéroport de Nouméa reste fermé aux vols commerciaux et la population est appelée à limiter ses déplacements au strict nécessaire, précise le communiqué.
Les violences sont alimentées par le projet de réforme de la Constitution visant à élargir aux personnes résidant depuis dix ans dans l’archipel le corps électoral, figé depuis l’accord de Nouméa de 1998.
Le texte, approuvé par l’Assemblée nationale dans la nuit de mardi à mercredi, doit désormais être soumis à l’approbation des parlementaires réunis en Congrès, qu’Emmanuel Macron s’est engagé à convoquer à la fin du mois prochain en l’absence d’un accord politique plus large entre les parties calédoniennes.
Avec Reuters