A Genève, la musicienne japonaise Midori Takada réveille les instruments du MEG

Jusqu’au 5 janvier 2025, le Musée d’ethnographie (MEG) se plonge dans son passé colonial. Fruit d’enquêtes sur ses propres acquisitions, l’exposition « Mémoire, Genève dans le monde colonial » a invité la compositrice Midori Takada à créer de nouvelles musiques avec les instruments de sa collection.

Le Musée d’ethnographie de Genève (MEG) invite le public à se plonger dans le passé colonial et esclavagiste de Genève.

Nombreux sont en effet les objets de sa collection ethnographique liés à l’histoire du colonialisme en Afrique, en Asie, aux Amériques ou en Orient.

Des objets, notamment des instruments, collectés puis rapportés en Suisse lors de guerres, d’occupation, de mission de conversion religieuse ou dans des exploitations pratiquant l’esclavage. Fruit d’enquêtes approfondies sur l’histoire des acquisitions du MEG, l’exposition « Mémoires, Genève dans le monde colonial » se visite jusqu’au 5 janvier 2025.

« Quand je découvre un instrument, je songe d’abord à celle ou celui qui l’a fabriqué, à l’esprit des ancêtres et aux rites qu’il a pu accompagner.

Je songe aussi à sa nature première, morceau d’arbre, pierre, roseau… aux premiers sons qu’il a pu émettre à l’état naturel. » Toute de noir vêtue, Midori Takada passe ainsi d’un hochet du Bénin à des sonnailles originaires du Soudan. Les instruments sont soigneusement disposés dans la salle de restauration du MEG. La plupart d’entre eux n’ont plus émis un son depuis des dizaines d’années, parfois un siècle.

Une démarche de reconnaissance et de renaissance

On peut parler d’une renaissance. Des objets épinglés dans des vitrines de musée tel des papillons reviennent aujourd’hui à la vie. Les voici à nouveau instruments de musique et ils nous parlent au présent. On doit cette révélation musicale à Madeleine Leclair et Isabel Garcia Gomez, respectivement conservatrice du département d’ethnomusicologie du MEG et conservatrice-restauratrice.

On la doit aussi à cette musicienne toute en douceur et en écoute: la percussionniste et compositrice contemporaine japonaise Midori Takada.

En 2019, Midori Takada avait visité une première fois les collections du musée et enregistré un album avec une palette d’instruments possédés par le MEG, dont les mbira, une sorte de piano à pouce, du peuple Shona du Zimbabwe. Ce projet est exposé ces jours-ci au musée. Il a fait l’objet d’un disque co-produit par le MEG et par le label suisse WRWTFWW Records.

Son nom est un programme: « Cutting Branches For a Temporay Shelter » (« Couper des branches pour un abri provisoire »).

Des compositions minimales et spirituelles
La musique de Midori Takada trouve ses racines dans le répertoire classique qu’elle délaisse au début des années 1980 pour se consacrer à des compositions plus minimales et surtout spirituelles, notamment le très inspiré album « Through The Looking Glass », devenu culte, un hommage à la fois au monde étrange d’Alice et au peintre le Douanier Rousseau.

Des études des modes de composition africains ont amené son répertoire vers une sorte de polyphonie globale et mystique magnifiée au marimba sur l’album « Tree of Life », dont la plénitude évoque parfois l’œuvre de Steve Reich.

Revenue à Genève ce printemps, Midori Takada, 73 ans cette année, a enregistré sa nouvelle pièce à deux pas du musée dans un petit studio de l’Espace culturel le Vélodrome. Sons sur sons, couche instrumentale sur couche instrumentale, percussions et marimbas issus du Cameroun, de Madagascar, de la Côte d’Ivoire ou du Congo se marient dans une fascinante polyphonie.

Dans l’exposition « Mémoires, Genève dans le monde colonial », son travail précédent entre en dialogue avec des musiciens Shona et les réflexions d’ethnomusicologues du Zimbabwe. Pour rappeler que la musique n’a pas de frontières et qu’elle peut inventer des territoires imaginaires sans tomber dans les travers du colonialisme ou de l’appropriation culturelle.

rts

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