Près de cent millions de Mexicains sont appelés aux urnes dimanche 2 juin 2024. Ils choisiront entre deux femmes pour devenir leur nouvelle présidente. Il s’agit de grandes élections fédérales et locales dont la campagne a été marqué par une violence extrême.
Ces élections générales sont les plus grandes jamais organisées au Mexique. Elles sont aussi les plus violentes. Trente candidats ont été assassinés en neuf mois de campagne. La base de données Voter entre les balles, alimentée par l’organisation citoyenne Data Cívica, recense environ 600 attaques et agressions liées à la politique au cours de cette dernière année.
Dimanche 2 juin 2024, en plus d’élire pour la première fois une femme présidente, les Mexicains doivent se prononcer pour l’ensemble du Congrès (500 députés et 128 sénateurs), neuf gouverneurs d’État et une grande partie des conseils municipaux du pays. En tout, plus de 20 000 mandats seront renouvelés.
La violence électorale cible avant tout les enjeux locaux.
Dans 77% des cas, les victimes d’attaques politiques travaillent au niveau municipal, que ces gens soient fonctionnaires, élus ou candidats. Aucune région du Mexique n’est épargnée et la violence ne fait aucune distinction entre les partis. « Qu’ils soient des acteurs qui la génèrent ou des acteurs qui y résistent, il y a une grande responsabilité de tous les partis politiques », explique Céline González, chercheuse au département sécurité du centre d’analyse México Evalúa.
« Les partis ne devraient pas présenter des candidatures associées à des profils ayant des antécédents de violence, de collusion ou d’impunité et ils devraient prendre des mesures pour sanctionner ces personnes qui veulent entrer en politique », ajoute l’analyste.
Participation citoyenne en baisse
La violence politico-électorale est le signal d’un conflit entre des groupes criminels pour le contrôle d’un territoire. La bataille se traduit sur le terrain électoral, en premier lieu dans les municipalités, pour obtenir l’accès à des postes stratégiques au sein de la police ou des administrations publiques.
Un outil utilisé par le crime organisé pour influer sur la vie publique des États et protéger leurs activités délinquantes, analyse le rapport La démocratie bafouée de México Evalúa.
La violence électorale est donc le signe que le crime organisé s’installe dans une municipalité, selon Céline González : « Ces attaques ont un effet direct sur l’augmentation de la violence dans les années futures. »
Le phénomène n’est pas nouveau. Même si l’année 2023 a été la plus violente jamais enregistrée, avec 353 assassinats de personnes impliquées dans la politique, l’organisation Data Cívica met en exergue que le nombre d’attaques a fortement augmenté en 2018.
Pire, depuis les dernières élections municipales de 2021, les niveaux de violence n’ont pas baissé.
Les assassinats ont un impact négatif sur la participation dans les municipalités où ils ont eu lieu. La violence augmente la perception du risque de participer aux élections et la confiance des électeurs : « Si l’électorat voit de la violence dans sa municipalité, quelle valeur accorde-t-il à son vote pour changer ces trajectoires ? », s’interroge Céline González.
La chercheuse souligne également que la violence a un effet sur l’organisation de l’élection dans les bureaux de vote. Les fonctionnaires ont peur de sortir de chez eux et se désistent. « Cela en dit long sur le fait que le crime organisé cherche à mobiliser ou démobiliser l’électorat. »
Une violence niée
Le sujet dérange au sein de l’État et dans la classe politique. À commencer par les candidats à la présidentielle : aucun des trois candidats n’a mentionné le sujet lors du troisième débat, pourtant consacré en partie au thème de la violence. Quant au président actuel Andrés Manuel López Obrador, il n’a eu de cesse de minimiser les violences électorales. Lors d’une conférence de presse donnée au Chiapas, le 17 mai, au lendemain du meurtre d’une candidate à la mairie du village de La Concordia dans le même État, il nie le nombre d’agressions ces derniers mois.
Il qualifie les médias de « vautours » et les accuse « d’utiliser la douleur humaine ».
Le gouvernement a pourtant annoncé offrir une protection fédérale à plus de 500 candidats à travers le pays. Une mesure insuffisante puisque certains assassinats concernent des candidats qui en bénéficiaient. L’insécurité sera l’un des principaux défis pour celle qui deviendra présidente du Mexique.
Le gouvernement actuel n’est pas parvenu à endiguer le fléau. « Les violences qui surviennent dans les candidatures municipales sont le reflet de la violence structurelle au Mexique », déclare la chercheuse et féministe Raquel Güereca. Pour elle, il s’agit du résultat de « la négligence dans laquelle se trouve le tissu social et le quotidien dans lequel nous évoluons ».
RFI