Spécialité culinaire des Ebrié de Côte d’Ivoire, l’attiéké – une des composantes, avec le thon frit, du garba – est en voie de labellisation.
Pour qui s’intéresse à la Côte d’Ivoire, difficile, voire impossible de n’avoir jamais entendu parler de l’attiéké. Semoule à base de tubercule de manioc, cette spécialité culinaire du peuple Ébrié est sans aucun doute le plat le plus représentatif du pays des Éléphants. Bien que le mot attiéké soit ébrié, il est possible qu’il ait quelque rapport avec le mot tchaakri, une semoule de sorgho, en langue pulaar. Est-ce un emprunt culinaire ?
L’attiéké se décline sous plusieurs formes selon le calibre du grain. Et l’une de ces formes, souvent de troisième gamme, est, avec du thon frit, une des composantes du garba, un fast-food local qui détient inéluctablement la palme d’or des menus de rue, surtout dans les métropoles comme Abidjan ou Yamoussoukro. Dans l’imaginaire national, le mot garba vient de Garba, un nom propre supposé être celui d’un ressortissant nigérien célèbre pour la commercialisation de ce mets dans les années 1980. En dépit du fait que cette considération soit répandue même dans les milieux scientifiques et médiatiques, des données factuelles tendent à prouver le contraire. L’histoire du garba commence plutôt dans les années 1970.
Le 5 janvier 1970, le président ivoirien Félix Houphouët-Boigny met en place un nouveau gouvernement, le sixième de la première République. Il nomme Dicoh Garba au ministère de la Production animale. Pour rappel, celui-ci occupait le poste de directeur adjoint des Pêches maritimes et lagunaires à Abidjan, au sein du même ministère depuis 1966. Ce docteur en médecine vétérinaire, reconduit dans les gouvernements successifs, a dirigé ce département ministériel pendant une dizaine d’années, au cours de laquelle il a valorisé la pêche du thon. Cette initiative halieutique va avoir un impact sur les habitudes alimentaires des populations au point que certaines d’entre elles finiront par désigner le thon par l’expression « poisson garba ». C’est sans doute ce qui explique la présence sur le marché ivoirien depuis quelques années d’une conserve de thon au nom de marque stratégique de garba.
Garbamania
Au fil de la décennie 1970, le fait d’associer systématiquement le thon frit à l’attiéké a conduit à appeler garba – par synecdoque (métonymie ndlr)- ce plat composé principalement des deux aliments sus-évoqués. Aujourd’hui, le garba est généralement agrémenté de tomates, d’oignons et de piment haché, ce dernier ayant historiquement toujours été présent. Il convient de préciser que l’association de l’attiéké avec tout autre poisson frit que du thon ne saurait être considérée comme du garba. Tel est, en quelques mots, l’origine du garba retracé au moyen de la « gastronymie », une science qui a pour objet l’étude des noms des aliments.
Le garba tend à se faire une place sur un segment du fast-food. Ainsi, l’on voit apparaître, jour après jour, des enseignes locales qui en font l’un des menus principaux. On identifie celles-ci en général par les dénominations qui portent le mot garba. Il existe, à ce propos, deux néologismes connus de tous. Il y a, d’une part, garbadrome, formé de garba et du français -drome, qui désigne le lieu de commercialisation et de consommation du garba et, d’autre part, garbatigui, avec comme deuxième élément tigui, en langue dioula, qui signifie propriétaire (dudit lieu).
Labellisation en cours
Les dénominations commerciales telles IGarba, Garba Garbadrome Choco, Balfer Garba Ivoire, Garbadrome du virage ou encore Référence Garba Choco en sont une parfaite illustration. Depuis avril 2021, l’attiéké est éligible à une démarche d’indication géographique à l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI), sous l’appellation attiéké des Lagunes, d’après le Projet d’appui à la mise en place des indications géographiques (PAMPIG 2). Autrement dit, la labellisation de l’attiéké pourrait donner lieu à une reconfiguration économique du garba. Et à cette allure, il n’est pas impossible que, dans quelques années, les enseignes étrangères de fast-food s’y mettent.
Source: snacking
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