Le chef des travaillistes britanniques Keir Starmer a été nommé vendredi Premier ministre par le roi Charles III après la victoire écrasante de son parti aux législatives. De son côté, Rishi Sunak a annoncé sa démission de la tête du parti conservateur britannique.
Le Royaume-Uni a un nouveau Premier ministre : Keir Starmer a été formellement missionné vendredi 5 juillet par le roi Charles III pour former un nouveau gouvernement, après la victoire écrasante du parti travailliste aux élections législatives.
À son arrivée à Downing Street, il a promis que son gouvernement allait « commencer le travail du changement immédiatement » et « reconstruire le Royaume-Uni » après 14 ans de gouvernements conservateurs. « Cela prendra un certain temps, mais n’ayez aucun doute sur le fait que le travail du changement commence immédiatement.
N’ayez aucun doute que nous reconstruirons la Grande-Bretagne en créant de la richesse dans chaque communauté », a-t-il déclaré.
C’est la première fois depuis 2010 que le Labour (centre-gauche) va diriger le pays, après 14 ans de gouvernements conservateurs et une succession de crises – austérité, Brexit, envolée des prix ou encore valse des Premiers ministres.
Comme de coutume, le palais de Buckingham a publié une photo du souverain recevant le nouveau chef de gouvernement.
🤝 The King received in Audience The Rt Hon Sir Keir Starmer MP today and requested him to form a new Administration.
Sir Keir accepted His Majesty's offer and was appointed Prime Minister and First Lord of the Treasury. pic.twitter.com/g1TwdPObbD
— The Royal Family (@RoyalFamily) July 5, 2024
Sans attendre les résultats des 650 circonscriptions en jeu, le Premier ministre sortant Rishi Sunak avait reconnu la défaite de son camp, annonçant avoir appelé le chef du Labour Keir Starmer pour le féliciter et assumant la responsabilité d’un échec qui apparaît d’ores et déjà historique.
Il a annoncé vendredi sa démission de la tête du parti conservateur, présentant ses excuses aux Britanniques en quittant Downing Street.
« Après ce résultat, je quitterai le poste de chef de parti, pas immédiatement, mais une fois que tout sera en place pour désigner mon successeur », a-t-il précisé avant d’aller présenter sa démission du gouvernement au roi Charles III.
C’est donc un dirigeant modéré de centre-gauche qui va entrer dans la foulée au 10, Downing Street, au moment où l’extrême droite est susceptible d’accéder au pouvoir en France et que Donald Trump semble bien placé pour retourner à la Maison Blanche.
Défaite historique des conservateurs
« Le changement commence maintenant », a martelé le futur Premier ministre, remerciant ses partisans et renouvelant sa promesse de « renouveau national ». « Je ne vous promets pas que ce sera facile. Il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton pour changer un pays. Cela demande un travail difficile, un travail patient, un travail déterminé ».
Les résultats révélés vendredi au petit matin confirment l’ampleur du succès pour le Labour et la défaite historique des conservateurs, annoncés depuis des mois par les sondages.
The work of change begins today. pic.twitter.com/DfP1UG1Upr
— Keir Starmer (@Keir_Starmer) July 5, 2024
Vers 04 H 30 GMT, le Labour avait sécurisé plus de 367 sièges, soit plus que les 326 sièges nécessaires pour obtenir la majorité absolue à la Chambre des Communes et pouvoir former seul le futur gouvernement britannique.
Selon la dernière estimation de la BBC après l’annonce d’un tiers des résultats, le Labour remporterait au total 408 sièges sur les 650 de la Chambre des Communes, soit un peu moins que le score historique de Tony Blair en 1997 (418).
Le parti conservateur du Premier ministre sortant Rishi Sunak ressort lui désavoué avec ce qui s’annonce comme son pire résultat depuis le début du XXe siècle: 136 députés élus, contre 365 il y a cinq ans sous Boris Johnson.
Plusieurs de ses poids lourds ont été emportés par la vague de rejet qu’il a suscitée, comme les ministres de la Défense Grant Shapps ou des relations avec le Parlement Penny Mordaunt, qui était considérée comme une possible future cheffe de parti.
« Choix difficiles »
Unanimement, les Unes de la presse britannique insistent vendredi sur le « raz de marée » travailliste remporté par Keir Starmer.
Durant la campagne, ce dernier, entré en politique il y a seulement neuf ans, a promis le retour de la « stabilité » et du « sérieux », avec une gestion des dépenses publiques très rigoureuse.
Peu charismatique, il promet de transformer le pays comme il a redressé, sans état d’âme, le Labour après avoir succédé au très à gauche Jeremy Corbyn en 2020, le recentrant sur le plan économique et luttant contre l’antisémitisme.
Il assure vouloir relancer la croissance, redresser les services publics, renforcer les droits des travailleurs, réduire l’immigration et rapprocher le Royaume-Uni de l’Union européenne – sans revenir sur le Brexit, sujet tabou de la campagne.
Le futur gouvernement devra faire « des choix difficiles » face à « l’ampleur du défi », a toutefois prévenu Rachel Reeves, amené à devenir ministre des Finances, une première pour une femme au Royaume-Uni.
Droite dure
Dans ce parlement bouleversé, les libéraux-démocrates (centristes) vont eux redevenir la troisième force en présence, avec 66 députés selon les projections.
L’entrée au Parlement du parti anti-immigration et anti-système Reform UK, avec quatre sièges, constitue un bouleversement dans la politique britannique. Son chef, la figure de la droite dure Nigel Farage, va devenir député après sa huitième tentative. L’ancien héraut du Brexit a salué le début d’une « révolte contre l’establishment ».
The revolt against the establishment is underway. pic.twitter.com/xB7DQuvXWT
— Nigel Farage MP (@Nigel_Farage) July 4, 2024
En Écosse, les indépendantistes du Scottish National Party subissent un sérieux revers, pressentis pour n’emporter que huit des 57 circonscriptions.
Campagne calamiteuse
Au pouvoir, le Labour devra répondre à une aspiration considérable au changement.
Le Brexit a déchiré le pays et n’a pas rempli les promesses de ses partisans. L’envolée des prix des deux dernières années a appauvri les familles, plus nombreuses que jamais à dépendre des banques alimentaires.
Il faut attendre parfois des mois pour obtenir des rendez-vous médicaux dans le service public NHS. Les prisons risquent de manquer de places dès les jours qui viennent.
Dans une ambiance de luttes fratricides permanentes chez les conservateurs, les scandales politiques sous Boris Johnson et les errements budgétaires de Liz Truss, qui n’a tenu que 49 jours au pouvoir, ont achevé d’exaspérer les électeurs.
En 20 mois à Downing Street, leur successeur Rishi Sunak, cinquième Premier ministre conservateur depuis 2010, n’est jamais parvenu à redresser la barre dans l’opinion.
L’ancien banquier d’affaires et ministre des Finances de 44 ans avait tenté un coup de poker en convoquant ces élections en juillet sans attendre l’automne comme beaucoup le pensaient, mais sa campagne a tourné au calvaire.
Charles Michel salue « une victoire historique »
Le président français Emmanuel Macron a adressé vendredi ses « félicitations » au futur Premier ministre britannique Keir Starmer.
« Félicitations Keir Starmer pour votre victoire. Heureux de notre premier échange. Nous allons poursuivre le travail engagé avec le Royaume-Uni pour notre coopération bilatérale, pour la paix et la sécurité de l’Europe, pour le climat et l’IA », a écrit sur X le président français.
Félicitations @Keir_Starmer pour votre victoire. Heureux de notre premier échange.
Nous allons poursuivre le travail engagé avec le Royaume-Uni pour notre coopération bilatérale, pour la paix et la sécurité de l’Europe, pour le climat et l'IA.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) July 5, 2024
Le président du Conseil européen Charles Michel a également félicité vendredi Keir Starmer pour sa « victoire électorale historique » aux législatives, déclarant se réjouir de travailler avec Londres sous un gouvernement travailliste.
« L’Union européenne et le Royaume-Uni sont des partenaires essentiels, qui coopèrent dans tous les domaines d’intérêt mutuel pour nos citoyens », a déclaré Charles Michel sur le réseau social X.
Il a ajouté qu’il rencontrerait Keir Starmer lors du sommet de la Communauté politique européenne prévu le 18 juillet : « Nous (y) discuterons des défis communs tels que la stabilité, la sécurité, l’énergie et l’immigration ».
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a aussi félicité Keir Starmer: « J’ai hâte de travailler avec vous dans un partenariat constructif pour répondre aux défis communs et renforcer la sécurité européenne », a-t-elle affirmé sur X.
Congratulations @Keir_Starmer on your electoral victory.
I look forward to working with you in a constructive partnership to address common challenges and strengthen European security.
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) July 5, 2024
La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, et la Première ministre estonienne Kaja Kallas, récemment nommée cheffe de la diplomatie européenne, lui ont aussi apporté leur soutien.
Congratulations @Keir_Starmer!
The relationship between the European Union and the United Kingdom is rooted in our shared values and longstanding friendship.
As allies and partners, it is in our common interest to continue working closely together.
🇪🇺🇬🇧
— Roberta Metsola (@EP_President) July 5, 2024
La Grande-Bretagne a officiellement quitté l’UE le 31 janvier 2020, après un referendum en 2016 que les « Brexiters » ont remporté avec près de 52 % des voix.
L’UE et Londres ont signé un accord encadrant leurs nouvelles relations le 30 décembre 2020, entré en vigueur le 1er janvier 2021.
AFP