La chasse à Eto’o

Double passeport, épisode Marc Brys, contrat 1XBet, matchs truqués, tout est bon pour attaquer Samuel Eto’o Fils en cette période. Qu’il est loin le temps où l’élection de l’ancien double Ballon d’Or africain à la tête de la FECAFOOT apparaissait comme une bouffée d’espoir pour tout le football africain… Mais sûrement pas pour les dirigeants qui contrôlent encore le foot africain. Et ils nous le font bien sentir !  

Ce dimanche, le Président de la FECAFOOT était à Ngambe, dans la région du Littoral sur le « continent » camerounais. Histoire de donner le coup d’envoi du 6e Festi Foot de Ngambe, village de 6 000 habitants. Interpelé, Samuel Eto’o n’a pas hésité à prendre un enfant sous son aile et lui offrir l’accès à un centre de formation et payer sa scolarité. Quoi que l’on pense de la star camerounaise, impossible de mettre en cause l’amour de son pays et de son football. 

Un bref répit dans la véritable chasse à l’homme qui semble engagée contre la star camerounaise. Pourtant, quand d’autres anciens footballeurs africains visent des postes ici et là, il est rare de trouver une détermination aussi authentique que celle de Samuel Eto’o Fils, l’enfant du quartier New Bell à Douala. La première fois que j’ai rencontré Samuel, il n’est pas venu vers moi pour me parler de lui ou sa carrière. Non, il voulait m’inviter dans son pays, me montrer toute sa beauté.

Le vrai Samuel… 

Pro et anti-Eto’o !

Son attachement au Cameroun est aussi entier que sa personnalité, très clivante. Depuis son retour au pays, les polémiques ne cessent d’entourer son parcours de dirigeant du football camerounais. On a déjà mis sous le tapis sa passe d’armes avec le Ministre des Sports autour de la nomination de Marc Brys à la tête de la sélection.

Quatre points en deux matches plus loin, on est passé à d’autres conflits avec une dernière semaine de tous les dangers. 

Son double passeport passionne un pays où la double nationalité est interdite. Tandis que son passage devant le jury disciplinaire de la CAF alimentait déjà les débats sur l’avenir camerounais, continental, voire mondial de la star. Bref, impossible d’échapper aux clivages pro ou anti-Eto’o…

En fait, Samuel Eto’o a toujours divisé. Son franc-parler, ses emportements ne peuvent laisser indifférent.

En Europe, ce côté bravache et fier amuse. En Afrique, il touche au cœur les petits Africains qui rêvent de devenir comme lui. Son élection à la Présidence de la FECAFOOT a même suscité un espoir continental. Celui d’un « football aux footballeurs », avec des dirigeants qui comprendraient joueurs et entraîneurs et seraient au service de leur sport. 

Après l’élection de Samuel Eto’o, on a imaginé les champions à la tête de leurs fédérations respectives : Drogba en Côte d’Ivoire, Okocha au Nigeria, Fadiga au Sénégal, etc.

Samuel Eto'o, Didier Drogba, Côte d'Ivoire, Cameroun, CAN 2006

Le football aux footballeurs !

Mais ce pronostic et cet espoir sont précisément le cauchemar des dirigeants de football dans bien des pays. Eto’o bénéficie d’une popularité considérable. Qui fait peur. Dans le milieu du football local, on est habitué aux élections entre soi. Et on comprend vite que l’intervention d’une star revenue d’Europe fausse la donne et risque de les éjecter du jeu.  

Un sentiment qui dépasse largement le football. Il y a quelques jours, Samuel Eto’o a carrément annoncé qu’il ne visait pas la présidence de la république camerounaise… Depuis que George Weah a été élu au Liberia, toutes les vedettes africaines de retour au pays sont suspectes. On se demande toujours si elles ne viennent pas prendre les postes des locaux. Voire viser les plus hauts sommets…

La question se pose forcément lorsque les prétendants se nomment Eto’o ou Drogba !

Mais si Didier Drogba a échoué dans sa quête en Côte d’Ivoire, Samuel Eto’o a défoncé les portes pour arracher la FECAFOOT au Cameroun. Sans doute aussi parce que l’ancienne star du Barça est un garçon de Douala, ayant grandi sur les terrains des académies camerounaises, avant de dispenser son talent et gagner les cœurs en Espagne, Italie, Russie, Angleterre, Italie, Turquie, ou Qatar pour finir. 

Et, si sa victoire a déclenché une forte curiosité et attente, elle a aussi engendré la peur, les attaques et la polémique.

Au niveau camerouno-camerounais. Eto’o a ainsi été « accusé » d’avoir un passeport espagnol, la double nationalité étant interdite dans les textes au Cameroun (même si le sujet est débattu au parlement…). En poussant la mauvaise foi jusqu’au bout, le syndicat des clubs « amateurs » camerounais a osé : ayant un passeport espagnol, Samuel Eto’o aurait donc dû être déchu de la nationalité camerounaise et n’aurait donc pas dû pouvoir se présenter à l’élection fédérale ! En omettant soigneusement de préciser que bien des dirigeants passés de la FECAFOOT (et d’ailleurs encore) étaient évidemment dans le même cas…

Quand Eto’o porte plainte lui aussi…

Par ces temps de questionnement identitaire, cette polémique n’a pas même fait sourire toute l’Afrique sur les particularités du « continent camerounais » ! 

Surtout, la salve suivante était bien plus épicée. Et soigneusement transmise à la CAF et à la FIFA depuis juillet 2023. En l’occurrence, des soupçons de championnats truqués et de contrat non éthique avec une société de paris sportifs. Raison pour laquelle Samuel Eto’o comparaissait la semaine passée devant le jury disciplinaire de la CAF. Comme un vulgaire joueur en activité… Rappelons que la CAF n’est pas dotée d’une commission d’éthique ! N’est-ce pas la FIFA qui aurait donc dû se saisir du cas Eto’o ? 

Le moment opportun pour rappeler que, avant même cet épisode, Samuel Eto’o avait porté plainte contre Veron Mosengo-Omba, Secrétaire Général de la CAF, et ex-futur de la FIFA. Pour « harcèlement »… S’agissait-il donc, en contrepartie, de s’attaquer à Eto’o pour diminuer la charge, voire le pousser à retirer sa plainte ? Malgré des enregistrements audios, l’affaire des matches truqués (pour faire monter des clubs « amis ») n’a pas offert de terrain propice aux accusateurs. 

« Absence de preuves suffisantes », dossier classé

Samuel Eto'o, président Fecafoot

Mais le « procès Eto’o » était surtout attendu sur son contrat « 1XBet », une société de paris sportifs.

Lors de la séance devant le jury, l’ancien attaquant du Barça a évoqué des revenus ensuite versés à des fondations ou associations. Il a aussi pu jouer sur le fait que « 1XBet » est, maintenant, grâce à lui, sponsor de la FECAFOOT. Tout en étant également, par ailleurs, partenaire de la CAF…  

Mais le jury a retenu « de graves violations aux principes éthiques, d’intégrité et d’esprit sportif », selon l’article 2 alinéa 3 des statuts de la CAF. Suspension du président (jusqu’à 3 ans, selon les textes) ? Comité de normalisation ? Point du tout. Plutôt que d’en faire un martyr, le jury préféra sanctionner Eto’o d’une amende salée, unique dans les annales de la CAF : 200 000 dollars ! 

Comment comprendre cette sanction ambivalente ? A la lecture du personnage de Samuel Eto’o, au caractère très fort et pas toujours maîtrisable par les leaders de la CAF et de la FIFA, il apparaît clair que l’un des objectifs est d’écarter Samuel Eto’o de ses ambitions continentales, voire mondiales. Les relations du Président de la FECAFOOT avec Motsepe et Infantino sont de l’ordre du yo-yo. Rien de rassurant donc pour les hommes au pouvoir. Si, dans le clan Eto’o, on considère que la sanction ne rend pas leur champion inéligible, on va tout de même faire appel de cette sanction ! 

L’ancien vainqueur de deux CAN et trois Ligues des Champions est, en effet, toujours prêt au combat. Rien ne lui fait peur. Et surtout pas l’élection à la CAF qui devrait se tenir en mars 2025 ! Or, Gianni Infantino, le Président de la FIFA, veut continuer de maîtriser la CAF et ses 54 voix.

Et se préserver d’un éventuel adversaire dans le futur…

Gianni Infantino, Patrice Motsepe, CAF, FIFA

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