Trente-huit corps de migrants retrouvés ces derniers jours dans le désert algérien

Douze migrants syriens et deux algériens ont été retrouvés morts en plein désert près de la frontière avec la Libye, a indiqué lundi 8 juillet un ressortissant syrien, Bassem Farroukh, qui a été chargé par son ambassade de suivre le dossier sur place.

« Les victimes étaient parties mardi (dernier) de Libye à bord d’un véhicule en direction de l’Algérie (…) Elles ont été retrouvées samedi (6 juillet) après s’être égarées dans le désert », a-t-il précisé. Les corps sont actuellement à l’hôpital Bordj Omar Idriss (1 300 km au sud-est d’Alger), selon Bassem Faroukh. 

Les corps des 12 Syriens et des deux Algériens ont été retrouves dans la région frontalière de la Libye. Crédit : Google maps

Sur le compte Facebook de l’Association algérienne de recherche et sauvetage, une ONG spécialisée dans le sauvetage des personnes perdues dans le désert algérien, les identités des victimes ont été publiées. L’une d’elles, Mohamed Munzer, avait 10 ans. Un autre garçon, Asaf Faras, avait 16 ans.

Les corps ont été retrouvés à environ 70 km de la commune de Bordj Omar Driss, dans la province méridionale d’Illizi, par l’Association algérienne de recherche et sauvetage.

Cinq autres personnes sont portées disparues, a ajouté Bassem Farroukh qui a accusé les autorités libyennes d’avoir « expulsé tous les migrants irréguliers, y compris les Syriens ». « D’autres Syriens vont être expulsés de Libye de la même manière vers l’Algérie et je crains que nous devions nous préparer à d’autres tragédies », a-t-il mis en garde.

Sur Facebook, la même association algérienne a publié des communiqués sur deux autres drames similaires : mardi 9 juillet, une publication fait état de la mort de 16 personnes découvertes dans une voiture, en plein désert algérien toujours, mais de l’autre côté du pays. Cette fois-ci, le véhicule a été retrouvé dans la région de Tanzrouft, à la frontière malienne. À l’intérieur, les membres de l’association ont retrouvé trois Algériens et 13 Africains.

Les corps ont été emmenés dans la ville de Tamanrasset, dans le sud de l’Algérie.

Les corps de huit personnes (ici placés dans des sacs mortuaires blancs) ont été retrouvés par une association algérienne vers Aïn Salah, dans le centre de l'Algérie, en plein désert. Crédit : capture d'écran du Facebook.

Dans un deuxième post, l’association algérienne a communiqué autour de la mort de huit autres migrants, de nationalité africaine, découverts vers Aïn Salah, en plein centre du pays. Parmi les victimes se trouvait une femme.

Difficile de savoir pour l’heure les causes de la mort de ces dernières personnes. Venaient-elles du Mali, du Niger ? Se sont-elles elles aussi perdues dans l’immensité du Sahara ? Ont-elles été expulsées ? Beaucoup de questions sans réponses.

Expulsions forcées de Libye…

En ce qui concerne les 12 victimes syriennes, Bassem Farroukh accuse donc la Libye d’être responsables de leur mort. Ce n’est pas la première fois que le pays est pointé du doigt pour ses renvois forcés.

Les autorités avaient déjà expulsé en décembre 2023 près de 1 000 migrants égyptiens et nigérians qui séjournaient illégalement dans le pays, avaient indiqué à l’époque des journalistes de l’AFP. En juin de la même année, des médias libyens avaient diffusé des vidéos, non authentifiées, montrant des centaines d’Égyptiens expulsés par les autorités de l’Est et contraints de rejoindre la frontière égyptienne à pied, sous la garde de militaires.

En 2021, des migrants soudanais avaient aussi été expulsés de Libye, dans le désert du Sahara, le long de la frontière avec le Soudan « sans aucun respect des procédures légales », s’était alors alarmée l’ONU.

… Et de Tunisie

La Tunisie aussi expulse les exilés hors de ses frontières. Les migrants qui y vivent, dans leur immense majorité, ne souhaitent pas y rester. Ils patientent le temps de réunir l’argent pour traverser la Méditerranée et tenter de rejoindre l’Europe.

Exaspéré par leur simple présence, Tunis les déporte depuis plusieurs mois vers les pays voisins, dont la Libye et l’Algérie. L’été dernier, notamment, a été marqué par le refoulement de milliers de migrants vers des zones désertiques. 

Emmenés de force par la garde nationale tunisienne dans le désert, croulant sous la chaleur, en manque d’eau ou de nourriture, plus d’une centaine d’entre eux sont morts de faim et de soif.

Des migrants abandonnés dans le désert entre la Tunisie et la Libye, le 12 juillet 2023. Crédit : DR

Et à l’instar de la Tunisie et de la Libye, l’Algérie est aussi sous le feu des critiques. En 2023, plus de 22 250 migrants noirs ont été expulsés à Assamaka, au Niger, par les autorités algériennes, selon l’ONG Médecins sans frontières.

Et depuis le début de l’année 2024, plus de 10 000 autres ont déjà été abandonnés à Point Zéro, à la frontière algérois-nigérienne.

Depuis des années, les associations d’aide aux étrangers dénoncent les rafles par les autorités algériennes dans les villes du pays. Aujourd’hui, la situation empire, « on arrête les Noirs dans leur appartement, dans la rue, sur leur lieu de travail, sur les terrains de sport et puis on les envoie vers Point zéro », explique notamment l’organisation Alarme Phone Sahara, qui vient en aide aux étrangers expulsés au Niger.

Il existe aussi des renvois « dominos ». La Tunisie par exemple, expulse vers l’Algérie et « quand les autorités algériennes constatent que des Noirs ont traversé la frontière, ils les arrêtent ».

Puis ces migrants « sont expulsés à leur tour » vers le Niger, expliquait en détail Azizou Chehou, l’un des membres d’Alarme Phone Sahara.

Une arrivée de migrants à Assamaka, au Niger, après leur expulsion d'Algérie. Crédit : Alarme phone Sahara

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