On pense généralement que la vie est apparue au niveau des sources hydrothermales dans l’océan profond de la Terre primitive alors que ni ses eaux ni son atmosphère ne contenaient vraiment de l’oxygène. Une mystérieuse source de ce gaz vient pourtant d’être découverte dans une plaine abyssale, peut-être liée à l’électrochimie des mythiques nodules polymétalliques des années 1970 et 1980 que l’on envisage d’exploiter pour équiper le monde en batteries.
On ne sait pas très bien comment ni quand la vie est apparue sur Terre.
Est-ce avant la fin de l’Hadéen il y a 4 milliards d’années ou juste après pendant l’Archéen ? Est-elle apparue au niveau de sources hydrothermales comme celle que l’on connaît au fond des océans depuis presque 50 ans comme beaucoup le pensent ?
On croit cependant que les premières formes de vie étaient anaérobies, car l’atmosphère initiale de la Terre et même ses océans en étaient quasiment dépourvus, et qu’il a fallu attendre l’apparition des premiers organismes photosynthétiques oxygéniques il y a quelques milliards d’années pour que d’autres organismes se mettent à utiliser de l’oxygène, ce qui leur a fourni une source d’énergie beaucoup plus efficace que les précédentes.
C’est donc une petite bombe dans le domaine de l’exobiologie et de la géochimie des océans, questionnant l’origine et l’évolution de la vie non seulement sur Terre mais aussi ailleurs dans la Système solaire, en particulier avec les lunes glacées de Jupiter et Saturne, Europe et Encelade, qui vient d’exploser via un article dans Nature Geoscience.
— Nature Geoscience (@NatureGeosci) July 22, 2024
Une équipe internationale de chercheurs, dont Franz Geiger, un chimiste de l’université Northwestern aux États-Unis et Andrew Sweetman, de l’Association écossaise pour les sciences marines (SAMS) y annoncent avec leurs collègues avoir découvert que les fameux nodules polymétalliques présents au fond des océans peuvent se comporter comme une source d’oxygène « noire » à plusieurs milliers de mètres.
C’est en tout cas ce qui semble se passer au niveau des nodules de l’immense plaine abyssale de la zone de Clarion-Clipperton (CCZ), bien connue pour sa richesse en ces concrétions de la taille moyenne d’une pomme de terre formées de métaux tels que le cobalt, le nickel, le cuivre, le lithium et le manganèse.
Inutile de dire que ces nodules font rêver les compagnies minières depuis des années et ce d’autant plus en raison de la transition énergétique nécessaire pour sauver le climat qui nécessitent des batteries électriques performantes.
Une énigme géochimique depuis une décennie
Un communiqué de l’université Northwestern donne des détails sur cette découverte, ainsi qu’un article grand public dans Nature.
Sweetman, qui dirige le groupe de recherche sur l’écologie et la biogéochimie des fonds marins au SAMS, y déclare donc que « pour que la vie aérobie puisse commencer sur la planète, il devait y avoir de l’oxygène, et notre compréhension est que l’approvisionnement en oxygène de la Terre a commencé avec des organismes photosynthétiques.
Mais nous savons maintenant que de l’oxygène est produit dans les profondeurs marines, là où il n’y a pas de lumière. Je pense que nous devons donc revisiter des questions telles que : où la vie aérobique a-t-elle pu commencer ? ».
En corolaire de la découverte, Geiger, professeur de chimie et membre de l’Institut Paula M. Trienens pour l’énergie et le développement durable, déclare quant à lui qu’en raison de la présence dans les nodules des éléments essentiels utilisés dans les batteries « plusieurs sociétés minières à grande échelle visent désormais à extraire ces précieux éléments des fonds marins à des profondeurs de 3 000 à 6 000 mètres sous la surface. Nous devons repenser la manière d’exploiter ces matériaux, afin de ne pas épuiser une source d’oxygène nécessaire à la vie sous-marine ».
Nous rentrions à la maison et re-calibrions les capteurs, mais, pendant 10 ans, ces étranges lectures d’oxygène n’ont cessé d’apparaître.
Nous avons décidé d’adopter une méthode de secours qui fonctionnait différemment des capteurs optodes (un capteur optique qui mesure une substance spécifique, généralement à l’aide d’un transducteur chimique NdR) que nous utilisions. Lorsque les deux méthodes ont abouti au même résultat, nous savions que nous étions sur quelque chose de révolutionnaire et d’impensé », raconte Sweetman qui s’est finalement tourné en 2023 vers Geiger pour essayer de trouver une explication.
Les nodules polymétalliques, des géobatteries naturelles ?
Geiger avait en effet autrefois découvert que la rouille, combinée à l’eau salée, peut produire de l’électricité. Ce qui conduisait naturellement à se demander si les nodules polymétalliques pouvaient produire suffisamment d’électricité pour générer de l’oxygène par électrolyse.
En étudiant plusieurs kilos de ces nodules provenant de la CCZ, Geiger est arrivé à la conclusion suivante : « il semble que nous ayons découvert une géobatterie « naturelle ». Ces géobatteries constituent la base d’une explication possible de la production d’oxygène sombre par l’océan ».
En effet, de simples expériences de mesure de potentiel électrique dans l’eau montrent des tensions allant jusqu’à 0,95 volt à la surface de nodules uniques et plus lorsque plusieurs nodules se regroupent, tout comme lorsque les batteries sont connectées en série.
Or, seulement 1,5 volt – la même tension qu’une pile AA typique – suffit pour diviser l’eau de mer, comme le rappelle le communiqué de l’université Northwestern qui se conclut par une mise en garde de Geiger après avoir déclaré que la masse totale de nodules polymétalliques dans la zone Clarion-Clipperton est à elle seule suffisante pour répondre à la demande mondiale d’énergie pendant des décennies.
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