Nouveau drame dans la Manche : une migrante retrouvée morte dans un canot surchargé

Une femme exilée a été retrouvée sans vie dans un canot surchargé de 75 personnes, dimanche. Si la victime et 35 exilés ont été secourus par les autorités françaises, les autres passagers de l’embarcation ont préféré continuer leur route vers l’Angleterre. Une enquête pour homicide involontaire a été ouverte.

Les drames se succèdent dans la Manche durant cet été 2024. Une migrante a été retrouvée morte dimanche 28 juillet dans un canot surchargé qui tentait de rejoindre le Royaume-Uni. Cette nouvelle tragédie survient quelques jours seulement après une série de six décès au cours de trois autres tentatives de traversées.

La personne décédée dimanche n’a pas été récupérée dans l’eau mais trouvée inanimée dans un canot dont une partie des passagers avaient appelé à l’aide, a rapporté la préfecture de la Manche et de la Mer du Nord (Premar).

Selon la Premar, environ 75 personnes se trouvaient à bord de l’embarcation surchargée et 35 ont été secourues par les moyens français, dont la personne finalement décédée. Les autres ont poursuivi leur route vers l’Angleterre.

La Premar a décrit à l’AFP un « phénomène nouveau » de personnes « qui périssent en mer, pas par noyade mais par malaise ou bousculade ».

Depuis plusieurs mois, les traversées de la Manche ont « changé… en pire », affirmait également, fin mai, à InfoMigrants Salomé Bahri, coordinatrice de l’association Utopia 56 à Grande-Synthe, présente depuis des années sur le littoral français. « On a remarqué que les décès [de migrants] se produis[ai]ent désormais près des côtes. On meurt plus au moment de l’embarcation, et moins en pleine mer », résumait-elle. « On peut aussi mourir avant même d’avoir atteint la Manche. »

Les autres ont poursuivi leur route
Dans la nuit de samedi à dimanche, ce canot avait été signalé au large de Calais au centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Gris-Nez. Le CROSS a alors envoyé un navire de la gendarmerie et un patrouilleur des garde-côtes des douanes dans cette zone et vers 5h30 du matin, « une partie des personnes à bord [ont demandé] assistance ».

Lors du transfert à bord des deux navires de personnes en difficulté, « il [a été] constaté qu’une personne [était] inanimée », a expliqué la préfecture maritime dans un communiqué.

Cette personne « [a été] prise en charge à bord et les premiers secours [ont été] immédiatement prodigués ». La victime a ensuite été hélitreuillée vers l’hôpital de Boulogne-sur-Mer.

« Elle sera malheureusement déclarée décédée », a encore écrit la Premar.

Les autres passagers du canot ont refusé l’assistance proposée. « Compte tenu des risques de chute à la mer ou de blessure encourus pour les personnes en cas d’intervention contrainte, le choix [a été] fait de (les) laisser poursuivre leur route », explique encore le communiqué.

Selon le quotidien britannique The Guardian, les personnes se trouvant sur le bateau, étaient majoritairement de nationalité syrienne. En se basant sur des témoignages de survivants, le quotidien a rapidement affirmé que la victime était une femme. L’association l’Auberge des migrants a donné la même information quelques heures plus tard.

Et l’identité de la victime a pu être formellement confirmée le lendemain du drame par le parquet de Boulogne-sur-Mer qui a indiqué qu’il s’agissait d’une jeune femme née en 2003 au Koweït.

Le parquet a également annoncé qu’une enquête avait été ouverte pour homicide involontaire. L’autopsie du corps de la victime n’a pas encore pu être réalisée mais, selon cette même source, « l’hypothèse de l’étouffement est sérieusement envisagée ».

Six morts en une semaine
Ce nouveau drame vient s’ajouter à une série noire de décès dans la Manche. Entre le 12 et le 19 juillet, six migrants sont morts dans des tentatives de traversée sur des canots très chargés : quatre hommes le 12 juillet, une femme érythréenne le 17 puis un homme le 19. Au total : 23 personnes sont mortes dans ce couloir maritime entre la France et l’Angleterre, depuis le début de l’année 2024, d’après le décompte de la préfecture.

Sur l’ensemble de l’année 2023, 12 migrants étaient décédés en tentant de gagner l’Angleterre par la mer.

Pour faire face à l’augmentation constante des traversées dans la Manche – plus de 16 000 personnes ont traversé la Manche depuis le début de l’année -, les autorités françaises ont renforcé depuis 2021 la surveillance dans la zone. Des équipes de la Marine nationale, de la gendarmerie et des douanes, réparties dans six navires, sillonnent quotidiennement le détroit à la recherche de « small boats » en détresse. Le Centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage maritimes (CROSS) Gris-Nez est responsable de la coordination du sauvetage.

« Dès qu’une embarcation lui a été signalée par les forces de sécurité intérieures à terre, par un bateau de commerce ou de plaisance, ou par les migrants eux-mêmes, le CROSS nous appelle et nous demande d’aller sur le secteur pour voir ce qu’il se passe », avait expliqué à InfoMigrants Véronique Magnin, porte-parole de la Premar en poste sur l’Abeille Normandie, affrété par la Marine nationale.

« Absence de voies de passage sûres »
Ce nouveau décès « n’est pas un accident, c’est le résultat direct des politiques qui sont mises en place aujourd’hui, l’absence de voies de passage sûres et la répression sur le littoral », s’est indignée la coordinatrice de l’Auberge des migrants, Flore Judet, réagissant au décès de la personne exilée dimanche.

« Ils sont de plus en plus nombreux [sur chaque embarcation], c’est effrayant », s’est également émue Claire Millot, vice-président de l’association Salam.

La France et le Royaume-Uni tentent depuis des années d’enrayer ces tentatives de traversées de la Manche sur des canots pneumatiques. Le président français Emmanuel Macron et le nouveau Premier ministre britannique Keir Starmer se sont engagés mi-juillet à « renforcer leur coopération en matière de migration irrégulière », en marge d’un sommet avec 40 dirigeants européens.

À peine arrivé au pouvoir début juillet, Keir Starmer a confirmé l’abandon du projet controversé d’expulser des migrants au Rwanda, lancé en 2022 mais jamais concrétisé.

À la place, il a annoncé vouloir accélérer le traitement des dossiers de demandeurs d’asile tout en durcissant la lutte contre les passeurs pour « renforcer » les frontières. « Nous remplacerons le [projet d’expulser des migrants au Rwanda] par un programme sérieux de retour et d’application de la loi », a affirmé la ministre de l’Intérieur, Yvette Cooper. Jeudi 25 juillet, 46 exilés ont été renvoyés par charters vers le Vietnam et le Timor oriental.

INFOMIGRANTS

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