La compétition de breaking, art de la danse issu de la culture hip-hop, débute vendredi place de la Concorde à Paris avec les 33 meilleurs danseurs et danseuses de la planète. Parmi eux se trouve Manizha Talash, qui concourt pour l’équipe des réfugiés. La jeune femme a fui l’Afghanistan pour continuer à assouvir sa passion.
C’est sous le nom de Manizha Talash que les spectateurs des JO vont découvrir, vendredi 9 août, cette B-girl qui participera à l’épreuve olympique sur la place de la Concorde. Mais il s’agit d’un nom d’emprunt pour préserver la sécurité de cette jeune Afghane et de sa famille qui ont fui le régime des Taliban.
En août 2021, alors que les fondamentalistes islamistes prennent le contrôle du pays, elle décide de se réfugier au Pakistan avec son frère de 12 ans.
« Si j’étais restée en Afghanistan, je ne pense pas que j’aurais survécu », a raconté Manizha Talash à la BBC. « Ils m’auraient exécutée ou lapidée jusqu’à ce que mort s’ensuive. »
Des menaces de mort
Sa passion n’est en effet pas bien vue par les maîtres du pays. Née à Kaboul il y a 21 ans, la jeune fille pratique le breakdance, une discipline qu’elle a découverte en 2020 dans une vidéo du rappeur afghan Jawad Saberi. « Je ne pouvais pas croire que c’était réel », raconte-t-elle. Intrépide, elle le contacte sur Facebook et commence à s’entraîner avec son groupe Superiors Crew. Elle est la seule femme dans une troupe de 55 hommes.
Mais très vite, la nouvelle se répand et le club reçoit des menaces de mort.
« Tout le monde me jugeait. Certains de mes proches parlaient derrière mon dos et se plaignaient auprès de ma mère », se souvient Manizha Talash. La tension est de plus en plus palpable. Trois bombes explosent à proximité du club et un homme se présente même muni d’une ceinture explosive à un entraînement.
La jeune femme ne se laisse pas pour autant intimider, comme l’a décrit Jawad Saberi auprès de la BBC : « Nous étions attaqués, mais elle est revenue. Je voyais bien qu’elle avait le rêve de participer aux JO de 2024. Elle se battait pour cela et je me suis dit qu’elle pouvait y arriver. J’ai lu dans l’avenir. »
Mais la police finit par fermer le club. Manizha Talash continue de s’entraîner secrètement.
En août 2021, son destin bascule avec le retour des Taliban au pouvoir. Elle n’a pas d’autre choix que de quitter son pays. Après un an passé au Pakistan, elle trouve refuge en Espagne avec d’autres membres du Superiors Crew, dont son mentor Jawad Saberi.
En Europe, malgré les difficultés du quotidien, son rêve olympique est toujours bien présent.
Une amie journaliste présente un dossier de candidature au nom de Manizha Talash pour qu’elle puisse participer aux JO de Paris au sein de l’équipe des réfugiés. Le Comité international olympique (CIO) y répond positivement en mars 2024 : « Quand ils ont annoncé mon nom, j’étais heureuse et en colère à la fois. J’étais triste parce que quand j’ai quitté l’Afghanistan, j’ai dû laisser ma famille derrière moi. J’ai choisi mon objectif plutôt que leur sécurité. »
« Les jeunes filles d’Afghanistan ne se rendront jamais »
Heureusement, ses proches ont réussi à la rejoindre en Espagne. C’est donc en toute sérénité que Manizha Talash a pu se préparer pour cette discipline spectaculaire. Vendredi, sur la place de la Concorde, lors de duels, de vraies joutes dansantes, elle sera opposée aux meilleures B-girls de la planète. Elle devra alors exécuter des figures pour obtenir les votes de neuf juges, qui désigneront le vainqueur à la majorité.
Même si elle sait qu’elle a peu de chances de remporter une médaille, sa victoire est ailleurs.
« Je vais y participer pour mes amis, pour leurs rêves et leurs espoirs », a-t-elle résumé. « Les jeunes filles d’Afghanistan ne se rendront jamais. Peu importent la pression exercée sur elles, les restrictions ou même les emprisonnements, elles trouveront toujours un moyen de s’en sortir et d’accomplir leurs objectifs. Nous allons nous battre et gagner. »
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