Saturation des centres d’accueil, transferts des mineurs : le Premier ministre espagnol très attendu aux Canaries

Pedro Sánchez rencontre ce vendredi le président des Canaries Fernando Clavijo, alors que les arrivées de migrants dans l’archipel sont en nette augmentation. Les autorités canariennes appellent depuis des mois à plus de transferts d’exilés sur la péninsule, en vain.

Sa venue était très attendue. Ce vendredi 23 août, le Premier ministre Pedro Sánchez se rend aux Canaries pour rencontrer le président de la région Fernando Clavijo.

Au menu des discussions : le transfert des migrants de l’archipel, débordée, sur le continent.

Depuis des mois, les autorités canariennes réclament plus de soutien du pouvoir central dans la gestion de l’accueil des exilés.

Fernando Clavijo, membre du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) au pouvoir, exige un « pacte national » et la promulgation d’une réforme législative déposée au Parlement le 22 juillet dernier. Cette mesure oblige notamment les régions d’Espagne à accueillir les mineurs lorsque les structures des points d’entrée espagnols – Canaries, enclaves de Ceuta et Melilla – sont débordées.

Et ce, de manière obligatoire et non volontaire, comme c’est le cas actuellement.

« Cette réunion aurait dû avoir lieu il y a plusieurs mois, car cette situation d’urgence due à une crise humanitaire n’est pas nouvelle, a déclaré de son côté Jacob Qadri, coordinateur aux Canaries du Parti populaire (PP), de droite. Les îles Canaries ne peuvent pas continuer à être seules face au drame de l’immigration ».

Des arrivées en augmentation de 126%
Chaque jour ou presque, des embarcations chargées de migrants accostent sur ses îles. Ce matin, les secours espagnols ont porté assistance à une pirogue au large de El Hierro avec 173 personnes à bord – dont six bébés et huit femmes.

Un corps a également été découvert à l’intérieur de la pirogue.

Hier aussi, 346 personnes réparties dans trois embarcations ont débarqué à El Hierro et Grande Canarie, et s’ajoutent aux 150 autres arrivées la veille.

Les passagers étaient en majorité originaires du Sénégal, du Mali, de Gambie et de Guinée. Quelques ressortissants bangladais et pakistanais ont aussi été secourus.

Entre le 1er janvier et le 15 août, 22 304 personnes au total ont débarqué aux Canaries, soit 126% de plus qu’en 2023 à la même période, d’après le ministère de l’Intérieur.

Conséquence, les centres d’hébergement de l’archipel sont saturés, notamment ceux qui accueillent les mineurs. Plus de 5 200 jeunes exilés sont actuellement pris en charge aux Canaries, pour une capacité de 2 000 places.

Bien que les chiffres y soient moins importants, la même problématique s’applique de l’autre côté de l’Atlantique, à Ceuta.

Depuis février, les arrivées de jeunes migrants après une traversée à la nage sont régulières. Jeudi 22 août encore, une vingtaine d’entre eux ont accosté sur une plage de ce petit territoire frontalier du Maroc.

D’après les autorités, 434 mineurs non accompagnés sont pris en charge dans l’enclave.

Un chiffre qui dépasse de 400% la capacité maximale des centres d’accueil, conçu pour accueillir 132 mineurs.

Pour éviter de laisser ces mineurs sans solution, les autorités de Ceuta ont mis à disposition la semaine dernière deux entrepôts industriels, déjà utilisés lors des arrivées de mai 2021, lorsque 10 000 exilés avaient débarqué en un week-end sur le territoire. Le centre d’accueil pour adultes (CETI), lui, hébergeait il y a encore deux semaines près de 600 personnes, pour 512 places. Face à l’impossibilité d’accueillir davantage d’exilés, la structure a fermé ses portes aux nouveaux arrivants le 1er août.

« Les droits des enfants ne sont pas respectés »
Les trop rares transferts vers la péninsule ibérique accentuent la pression sur les structures d’accueil de Ceuta et des Canaries, et détériorent de fait les conditions de vie des migrants, y compris celles des mineurs. Le 9 juillet, l’antenne espagnole de l’Unicef avait tiré la sonnette d’alarme : aux Canaries, « les droits [des enfants] ne sont pas respectés en raison de la saturation absolue du système de protection ».

« Ces enfants et adolescents arrivés sur l’archipel après un voyage dangereux ont besoin d’espaces sûrs », avait insisté l’institution onusienne dans un communiqué.

Des mineurs marocains près du centre d'Arinaga, à Grande Canarie, le 11 juillet 2024. Crédit : Reuters

À l’issue d’une réunion, le 10 juillet, entre le gouvernement espagnol et les présidents de régions, le transfert sur la péninsule de 400 jeunes avait été décidé.

Y compris dans des régions dirigées par la droite espagnole, le Parti populaire (PP), qui jusqu’ici rechignait à accueillir ces mineurs.

« Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la droite dans son ensemble est favorable à la répartition, qu’elle considère comme un devoir de solidarité, a affirmé Benoît Pellistrandi, historien spécialiste de l’Espagne contemporaine à InfoMigrants. Mais certains présidents de région du PP ont été élus avec le soutien de Vox, d’extrême-droite, vent debout contre la réforme et qui surfe sur la question migratoire pour séduire les électeurs. C’est cette compétition au sein des droites qui peut entraver le compromis ».

Et rallonger, d’autant plus, le séjour des migrants dans les centres surpeuplés.

reuter

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