Des Phryges, de la danse et un dernier relais… Les moments magiques de la cérémonie d’ouverture

De notre envoyé spécial place de la Concorde – Les Jeux paralympiques de Paris sont officiellement lancés. La cérémonie d’ouverture a offert mercredi place de la Concorde un long spectacle réussi mais moins délirant et provocateur que celui des JO, bien que tout aussi émouvant.

Lors de la cérémonie d’ouverture des JO, Paris 2024 avait mis la barre très haut : la Seine au cœur du spectacle, des tableaux follement variés, des invités de légende et une conclusion sur la Tour Eiffel… De quoi en faire la meilleure cérémonie d’ouverture de tous les temps, selon la presse internationale.

Autant dire que celle des Jeux paralympiques, avec la même équipe aux commandes, était attendue au tournant. Surtout quand le directeur artistique, Thomas Jolly, a promis d’offrir aux para athlètes le même grandiose qu’aux sportifs olympiques et de « sortir des clichés » de l’héroïsation.

Le résultat ? Si l’effet de surprise de la cérémonie olympique s’est dissipé, l’équipe de Paris 2024 a bien réussi à offrir aux athlètes paralympiques un show comparable à celui de leurs homologues.

Il manquait peut-être un peu d’impertinence, malgré les vœux de « révolution paralympique » dans les discours de Tony Estanguet, président de Paris 2024, et d’Andrew Parsons, président du comité international paralympique. Moins délirante, plus sage, la cérémonie était tout aussi émouvante. Voici les moments qui nous ont marqués.

Les Champs-Élysées et la Concorde, écrin de légende

« Mettre les athlètes paralympiques au cœur de la ville, c’est déjà un premier marqueur politique au sens où la ville n’est pas suffisamment adaptée à toutes les personnes en situation de handicap », jurait le directeur artistique.

Les athlètes olympiques ont eu la Seine pour scène, les « paras » ont eu le droit à la plus belle avenue du monde pour défiler et un show de près de 3 heures à la Concorde. Une scène où la créativité des équipes de Thomas Jolly a encore une fois pu se déployer tout au long de la soirée. Cerise sur le gâteau, le soleil était cette fois de la partie, rendant la cérémonie encore plus inoubliable.

Théo Curin et son taxi

C’est une séquence vidéo qui a inauguré la cérémonie avec un film mettant en scène Théo Curin. Amputé des quatre membres à six ans à la suite d’une méningite, le nageur a participé à 16 ans à ses premiers Jeux paralympiques à Rio en 2016, puis est devenu double vice-champion du monde en 2017. Il est depuis devenu animateur télé.

S’il a abandonné le handisport, il continue d’en être l’un des visages. Toutes les semaines, il animait « Théo le taxi », une émission où il accueillait dans son taxi des personnalités paralympiques.

La pastille vidéo a repris le principe de son émission en faisant parler des para athlètes qui s’apprêtent à disputer les Jeux. Cette fois, il a « canalisé sa mascotte intérieure » : son taxi est intégralement recouvert, extérieur comme intérieur, de peluches Phryges de différentes tailles, mascotte rouge des Jeux de Paris inspirée du bonnet phrygien et dotée d’une prothèse de jambe dans sa version paralympique.

Théo Curin et son taxi ont ensuite débarqué en chair et en os pour déclarer « Welcome to Paris! » à la planète entière au pied de l’obélisque.

De la discorde à la Concorde

En guise de fil rouge de la cérémonie, Thomas Jolly a mis à profit la piste de danse géante offerte par la place de la Concorde pour créer « Paradoxe », un spectacle de réflexion sur les corps. D’un côté, on a 140 danseurs valides. De l’autre, 16 autres en situation de handicap. Au départ du show, les premiers sont la « strict society », uniformément vêtu de costumes tels l’agent Smith de Matrix.

De leur côté, les handicapés incarnent le « creative gang ».

Si au début, l’incompréhension et la maladresse dominent les interactions entre les deux groupes, ils vont s’apprivoiser au fil de la soirée et livrer des performances mémorables, notamment celle du chanteur Lucky Love qui interprète « My ability » au milieu du « creative gang ».

Enfin, les deux groupes s’unissent dans une ferveur sportive et créatrice, soucieux de révolutionner l’histoire olympique.

S’ensuivent des chorégraphies collectives, mettant en scène de la course, du vélo et bien d’autres sports. La performance avec ses béquilles de Musa Motha, danseur sud-africain amputé d’une jambe, aura également marqué les esprits. Tout comme le tableau final, une chorégraphie sur le Bolero de Ravel, exécutée avec des flambeaux.

Les Phryges sauvent la parade

Passage protocolaire obligé, la parade des 168 délégations tourne vite à la litanie de noms dans l’ordre alphabétique. Les spectateurs présents à la Concorde pouvaient cependant compter sur un spectacle loufoque pour faire passer le temps.

Pendant que les para athlètes défilaient, sur la scène de l’obélisque, une quinzaine de Phryges géantes assuraient le show, sur la musique du DJ Myd.

En plus des danses, les phryges ont été aperçues sur scène en train de lire le journal, de faire la chenille, de tourner autour de l’obélisque, de lancer une ola ou même de manger du pop-corn en regardant la parade. Elles ont même improvisé des jeux entre elles : un bowling, un colin-maillard, un facteur et 1 ! 2 ! 3 ! Soleil ! Bref, les mascottes n’ont visiblement pas terminé de vivre leur meilleure vie.

La Palestine, les réfugiés, l’Ukraine acclamés
Si le public a tenté un temps de crier les noms de chaque délégation à la suite du speaker, il s’est vite lassé à mesure que la parade s’étirait. Quelques délégations ont cependant sorti les spectateurs de la torpeur du ventre mou de la cérémonie.

La première délégation qui a déclenché une réaction fut celle de la Palestine, composée du seul Fadi Aldeeb. La délégation des réfugiés, où figure Zakia Khudadadi, a également eu le droit à une bonne ovation, tout comme celle, beaucoup plus massive, des Ukrainiens.

L’arrivée de la délégation française

Si les trois précédentes délégations ont déclenché des applaudissements, ce ne fut rien par rapport au tonnerre qui s’est abattu sur la Concorde lorsque les Français ont enfin débarqué. Sur « Aux Champs-Élysées » de Joe Dassin. Évidemment.

S’en est suivi un tour d’honneur de la place en chantant une playlist résolument variété : une version revisitée de « Que je t’aime » de Johnny Halliday, « Dans le port d’Amsterdam » de Jacques Brel, « La valse d’Amélie » de Yann Tiersen et même « Les cornichons » de Nino Ferrer.

Alors que les spectateurs agitaient leurs portables avec la lampe de poche allumée dans les tribunes, les sportifs en bas ne boudaient pas leur plaisir.

À commencer par Nantenin Keïta (para athlétisme), intenable devant le peloton, et Alexis Hanquinquant (para triathlon) qui secouait le drapeau français comme si sa vie en dépendait. Des chants « Allez les Bleus ! Allez les Bleus »! ont remplacé le silence quand la musique s’est tue.

John McFall apporte le drapeau olympique

Le Britannique John McFall, premier astronaute en situation de handicap, a apporté le drapeau paralympique sur la scène. Cet ex-médaillé paralympique au 100 m de 43 ans s’entraîne actuellement pour devenir le premier homme en situation de handicap à aller dans l’espace.

Médecin et ancien spécialiste du sprint amputé de la jambe droite, il avait été sélectionné en 2022 par l’Agence spatiale européenne pour rejoindre son programme d’entraînement. Un sacré exemple de résilience.

Pluie de stars pour le dernier relais

Le moment le plus attendu de la soirée n’a pas déçu. Les derniers porteurs de la flamme paralympique se sont découverts. Le nageur Florent Manaudou a fait le lien entre JO et « Paras », amenant la flamme place de la Concorde pour la donner à l’ancien champion de tennis-fauteuil Michael Jeremiasz. Les figures internationales de l’handisport ont ensuite eu leur moment de gloire : l’escrimeuse italienne Bebe Vio, la para-cycliste américaine Oksana Masters et l’athlète allemand Markus Rehm.

Ce dernier s’est ensuite dirigé vers le Jardin des Tuileries.

Des champions français ont alors pris le relais : Assia El Hannouni (para athlétisme), Christian Lachaud (para escrime) et Béatrice Hess (para natation) ont ensuite passé le relais au dernier relayeur. Ou plutôt aux cinq derniers relayeurs : Charles Antoine Kouakou, Elodie Lorandi, Fabien Lamirault, Nantenin Keïta et Alexis Hanquinquant ont allumé conjointement la vasque.

La particularité de ce choix : ils représentent cinq handicaps différents, à savoir les déficiences physique (amputation et paralysie), moteur, visuelle et intellectuelle. L’inclusion jusqu’au bout.

france24

You may like