Exsangues, les Ehpad en quête d’un nouveau modèle économique

« Le système est à bout de souffle » : asphyxiés par l’inflation et la hausse des charges, sous perfusion des pouvoirs publics, les Ehpad sont en quête d’un nouveau modèle économique dont les contours restent encore à définir.

« Le modèle économique est périmé, tous les financeurs sont à bout de ce qu’ils peuvent faire », souligne auprès de l’AFP Didier Sapy, directeur général de la Fnaqpa, la fédération nationale des organismes gestionnaires d’établissements pour personnes âgées à but non lucratif.

Résultat, « on est sous perfusion.

Un coup de l’État, un coup des départements, un coup des personnes âgées elles-mêmes », ajoute-t-il en marge des assises nationales des Ehpad organisées à Paris mardi et mercredi. « Ces rustines sont inefficaces sur le long terme, c’est comme mettre du carburant dans un réservoir percé. Ca ne peut plus durer comme ça, il faut repenser complètement le modèle économique ».

Conçu au début des années 2000, le modèle économique des Etablissements d’hébergement pour les personnes âgées dépendantes (Ehpad) repose sur trois sources de financement : le résident pour la partie hébergement, le Conseil départemental pour la partie dépendance et l’Agence régionale de santé pour la partie soins.

Jugée depuis longtemps trop complexe par ses détracteurs, cette architecture financière s’est enrayée en 2020 avec la crise du Covid-19 et celle du « scandale Orpea » lié aux révélations en janvier 2022 sur des cas de maltraitances et de malversations financières.

Côté Ehpad privé, ces révélations se sont traduites par une frilosité des investisseurs. Côté Ehpad public par une défiance des familles et une désaffection croissante des structures.

A cela s’est ajoutée une hausse inédite des charges salariales, le tout dans un contexte de forte inflation, alourdissant les budgets énergie et alimentation des quelque 7.000 Ehpad, qu’ils soient publics, associatifs ou privés commerciaux.

« Aides insuffisantes »

Résultat : en 2022, pratiquement deux tiers (60,3%) des établissements publics et privés non lucratif étaient en situation de déficit contre 49,3% en 2021, selon une étude de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) publiée en juillet.

Dans le privé commercial, si « la confiance revient progressivement avec un taux d’occupation en hausse », « nous sommes encore très fragilisés », souligne Jean-Christophe Amarantinis, président du principal syndicat des Ehpad privés, le Synerpa. « L’inflation a plombé nos équilibres économiques et fait que les charges progressent plus vite que les recettes ».

Face à la dégradation de la situation, les pouvoirs publics ont débloqué des enveloppes supplémentaires mais ces sommes sont insuffisantes pour financer les investissements nécessaires (mises aux normes de sécurité, adaptation aux périodes de canicule ou au nombre croissant de résidents présentant des troubles neurologiques…), avait relevé le centre de réflexion Matières grises dans une note publiée en juin.

Autre problématique qui n’a toujours pas été réglée, celle du manque d’attractivité du secteur.

– Solidarité nationale ?-

Or le temps presse face à « une décennie 2020-2030 qui verra l’explosion des 75-85 ans » (+2 millions, soit +49%), a souligné le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) Thierry Beaudet lors des assises.

Si la création en 2021 d’une cinquième branche de la sécurité sociale dédiée à l’autonomie des personnes âgées notamment est une bonne chose, elle n’apporte « pas de recettes supplémentaires suffisantes », a-t-il estimé.

« Les coûts actuels, et surtout à venir, sont tels que la solidarité nationale n’y suffira pas.

Un financement complémentaire est inévitable, à condition qu’il s’inscrive sur le long terme et soit équitable », a-t-il ajouté.

« Il y a un moment où il faut se poser la question de quel rôle doit jouer l’Ehpad dans notre société? Qui paye? Quelle doit être la part du collectif et de l’individuel? », abonde Didier Sapy.

Pour Pierre Roux, président de l’Association des directeurs au service des personnes âgées (AD-PA), ce sont avant tout des « choix politiques et des choix de société ».

« Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas normal que, pour continuer à vivre dans nos établissements, les personnes aient à débourser des restes à charge aussi importants ».

AFP

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