Le président de Médecins sans frontières, le chirurgien grec Christos Christou, a accusé l’Italie de criminaliser les ONG de secours en Méditerranée après que le Geo Barents a été autorisé à retourner en mer, mercredi, par une décision en appel du tribunal de Salerne. Le justice italienne avait ordonné, le 26 août, l’immobilisation du navire humanitaire pour une période de 60 jours.
Médecin sans frontières (MSF) a poussé un ouf de soulagement. Après deux semaines d’immobilisation, le Geo Barents va pouvoir reprendre la mer et les sauvetages en Méditerranée. Le navire humanitaire de l’ONG était immobilisé depuis le 26 août au port de Salerne, dans le sud de l’Italie, placé en détention administrative par les autorités italiennes pour avoir effectuer plusieurs sauvetages de migrants en mer à la suite.
Mais MSF a fait appel et le tribunal de Salerne a annulé mercredi 11 septembre cette mesure.
Selon l’ONG, les autorités italiennes ciblait MSF sur une opération précise : le troisième sauvetage – sur cinq ce jour-là – survenu dans la matinée du 23 août. « Cette opération-là a eu lieu après avoir constaté qu’un nombre important de personnes étaient à l’eau à proximité du navire. C’était au milieu de la nuit ; nous avons vu des gens sauter d’un bateau en fibre de verre, tomber ou être poussés à l’eau.
Nos équipes n’avaient d’autre choix que d’aller récupérer les personnes et les sortir de l’eau le plus rapidement possible », avaient décrit les humanitaires après cette opération.
🟢UPDATE
The detention of the Geo Barents has been suspended by the court of #Salerno!
The ship is free to rescue lives! pic.twitter.com/TieN9OYYWF
— MSF Sea (@MSF_Sea) September 11, 2024
Mais selon Rome, le Geo Barents aurait dû attendre le feu vert du MRCC (centre de coordination) avant de procéder au sauvetage.
En théorie, la loi stipule que c’est bien ce centre qui coordonne les opérations de secours. Mais les règles maritimes internationales indiquent aussi que le capitaine d’un navire a le dernier mot en ce qui concerne la sécurité de son équipage et des personnes en danger de mort en mer.
« La seule chose à faire était de les sortir de l’eau »
Dans un entretien accordé à l’AFP, le président de l’ONG médicale, le chirurgien grec Christos Christou est revenu sur ce sauvetage opéré dans l’urgence et a dénoncé la décision des autorités italiennes, affirmant que leur intention est de « criminaliser l’aide humanitaire fournie par les navires » humanitaires.
Le responsable a récusé les accusations de l’Italie selon lesquelles l’ONG n’aurait pas préalablement prévenu les autorités de coordination lors de multiples sauvetages effectués le 23 août. Selon Christos Christou, ce jour-là, alors que le navire humanitaire venait d’effectuer un sauvetage et qu’il suivait les instructions des autorités italiennes pour se rendre au port, il a repéré un autre bateau de migrants en détresse.
« Les gens sautaient dans la mer. Ils étaient là, sans défense, sans gilet de sauvetage », a -t-il expliqué.
« Nous avons essayé de recontacter les garde-côtes libyens, mais ils n’ont pas répondu. En regardant les gens dans la mer, à ce moment-là, la seule chose à faire était de leur tendre la main et de les sortir de l’eau ».
Immobilisation de bateaux et ports lointains
Il s’agissait de la troisième immobilisation du Geo Barents en vertu d’un décret-loi italien datant de janvier 2023, qui a également bloqué des navires de sauvetage d’autres ONG comme SOS Méditerranée, Sea-Eye et Sea-Watch pour des périodes pouvant aller jusqu’à 60 jours, des immobilisations souvent annulées dans le passé par les tribunaux italiens, la dernière fois en juin.
Right now, Italy is blocking our ship. The Italian authorities are systematically sabotaging the entire civil fleet. Just hours ago, the Salerno court suspended the unlawful blockade of @MSF_Sea's rescue ship. While 🇮🇹 breaks the law, people on the move are paying the price. pic.twitter.com/2MIh5qaPQz
— Sea-Watch International (@seawatch_intl) September 11, 2024
Les détentions de navires de sauvetage par l’Italie s’inscrivent dans un « ensemble de mesures et de moyens visant à créer des obstacles à ce que nous faisons en Méditerranée », selon Christos Christou.
En vertu de la loi italienne, les navires des ONG sont tenus de n’effectuer qu’un seul sauvetage à la fois, une disposition qui met les vies d’autres migrants en danger, dénoncent les humanitaires. Ils sont également obligés de débarquer les migrants dans des ports éloignés, ce qui augmente les délais et les coûts de retour en mer pour d’autres sauvetages.
Depuis 2017, l’Italie et le gouvernement libyen de Tripoli, soutenu par l’ONU, se sont associés dans le cadre d’un accord controversé sur les migrants approuvé par l’Union européenne (UE). Cet accord permet, selon des ONG de défense des droits humains, de renvoyer des milliers de migrants en Libye où ils subissent des tortures et des abus dans des centres de détention.
Dans le cadre de cet accord, l’Italie fournit une formation et un financement aux garde-côtes libyens afin d’endiguer les départs de migrants ou de renvoyer en Libye ceux qui sont déjà en mer.
La traversée de l’Afrique du Nord vers l’Europe, en Méditerranée centrale, est la route migratoire la plus meurtrière au monde. Au moins 2 526 migrants y sont morts ou y ont disparu l’année dernière, et au moins 1 116 depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) qui a recensé plus de 17 000 morts ou disparus depuis 2014.
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