La tragédie de l’incendie de Notre-Dame de Paris a permis de faire des découvertes majeures lors des travaux de rénovation. Les fouilles archéologiques préventives ont révélé des vestiges qui apportent de nouvelles connaissances sur l’histoire de la cathédrale, de l’Antiquité au XIXe siècle. Une exposition au musée de Cluny, à Paris, permet de contempler ces trésors.
Bustes de crucifiés, visage du Christ, torse d’homme vêtu d’une tunique… Au musée médiéval de Cluny, près de dix siècles d’histoire font face aux visiteurs. Une trentaine de fragments du jubé de Notre-Dame de Paris, une tribune de pierre ornée de statues formant une clôture entre le chœur et la nef où se trouvaient les fidèles, sont présentés pour la première fois au public.
« On pensait ces éléments perdus à jamais », souligne Séverine Lepape, la directrice du musée, en montrant ces sculptures réalisées en 1230.
Ces vestiges ont été mis au jour lors des fouilles préventives menées en parallèle des travaux de rénovation après l’incendie de la cathédrale en 2019. Une quinzaine de ces sculptures médiévales, détruites au XVIIIe siècle, avaient été retrouvées au cours des travaux de restauration dirigés par Eugène Viollet-le-Duc au XIXe siècle.
Les récentes fouilles ont permis d’en retrouver un millier, dont 700 polychromes.
« La polychromie, c’est la parure colorée qui est à la surface. Elle nous renseigne sur ce que voyaient les gens confrontés à ces sculptures avant que l’application des couleurs ne disparaisse », explique Damien Berné, le commissaire de l’exposition « Faire parler les pierres.
Sculptures médiévales de Notre-Dame », qui se tient jusqu’au 16 mars 2025.
Avant l’incendie, les occasions d’étudier d’aussi près le prestigieux édifice religieux avaient été peu nombreuses.
Lors des travaux de restauration menés à partir de 1843 par Eugène Viollet-le-Duc, l’architecte avait fait quelques observations consignées dans son journal. Mais ce n’est qu’en 1847 qu’une première campagne de fouilles avait été menée par Théodore Vacquer sur la partie orientale du parvis. La construction d’un parc de stationnement sous ce dernier dans les années 1960 avait aussi permis de mener de fouilles et de créer la crypte archéologique de l’île de la Cité.
« D’un point de vue archéologique, à l’exception du parvis, c’était un secteur qui était très mal connu.
Notre-Dame était considérée comme un monument historique, mais pas comme un gisement archéologique », résume Dorothée Chaoui-Derieux, conservatrice en chef du patrimoine à la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC) d’Île-de-France, qui a coordonné depuis 2019 toutes les opérations d’archéologie à Notre-Dame prescrites par l’État pour accompagner le projet de restauration. « Nous avons mené une vingtaine d’opérations de diagnostics ou de fouilles dans le cadre de ce chantier qui ont permis de révéler près de 2 000 ans d’histoire. »
Depuis des siècles, les différentes occupations se sont superposées les unes sur les autres. Les niveaux les plus anciens remontent au commencement de l’Antiquité. Lors des travaux, une demeure du tout début du Ier siècle a ainsi été mise au jour à 3,50 mètres de profondeur dans la cave Soufflot, au cœur de la cathédrale. Pour le Bas-Empire, ce sont des vestiges liés à l’habitat et à l’artisanat qui ont été découverts sous le parvis.
Les fouilles ont également permis d’identifier des vestiges du Moyen-Âge antérieurs à la construction de la cathédrale, dont un vaste bâtiment carolingien. Pour la première fois, les fondations de la cathédrale ont aussi pu être observées. « Cela montre vraiment les niveaux d’occupation du site du tout Ier siècle jusqu’à notre ère », souligne Christophe Besnier. « Nous avons récolté des indices sur à peu près toutes les périodes. Nous allons pouvoir reconstituer plus de 2 000 ans d’histoire sur cette partie de l’île de la Cité. »
Un « gisement de données »
La mise au jour en 2022 de deux sarcophages de plomb à la croisée du transept avait été particulièrement médiatisée. Si l’identification du chanoine Antoine de La Porte avait été facilitée par l’épitaphe figurant sur son cercueil, l’autre défunt restait anonyme. En septembre dernier, l’archéologue Éric Crubézy avait finalement annoncé qu’il pourrait s’agir du poète Joachim du Bellay, inhumé dans la cathédrale au XVIe siècle, d’après les analyses effectuées à l’institut médico-légal du CHU de Toulouse.
Mais selon Dorothée Chaoui-Derieux, il reste des doutes : « À ce jour, les études sont loin d’être terminées. Il y a d’autres indices qui laissent présager qu’on n’aurait pas affaire à Joachim du Bellay, mais à un autre individu. »
Lors des travaux, les gravats laissés par l’incendie ont également été précieusement collectés et inventoriés.
« Ils sont considérés comme des vestiges archéologiques. Ils sont désormais accessibles à la communauté scientifique », précise Dorothée Chaoui-Derieux. « Il y a ainsi des spécialistes du bois, de la pierre et du métal qui viennent dans nos réserves pour faire des prélèvements sur ces matériaux. Ils pourront nous en dire plus, notamment, sur la construction de la charpente, ou encore sur les différentes phases de restauration.
C’est un véritable gisement de données. »
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