Nouveau Premier ministre : François Bayrou nommé à Matignon

Politique Paris VIIIe, le 7 mai 2022 Cérémonie d’investiture du Président Emmanuel Macron au palais de l'Elysée. François Bayrou Photo LP / Fred Dugit

Emmanuel Macron a nommé ce vendredi le président du MoDem à la tête du gouvernement. La consécration d’une longue carrière. Mais la mission s’annonce ardue, faute de socle solide.

Ce vendredi matin, après l’avoir reçu pendant plus d’1h30 et au bout d’un long suspense, Emmanuel Macron a décidé de nommer François Bayrou au poste de Premier ministre. Ce 13 décembre, date anniversaire d’Henri IV, la figure historique qui passionne le maire de Pau qui lui a consacré un livre. Comme un clin d’œil ?

C’est la quatrième fois que le chef de l’État et le président du MoDem échangent sur Matignon en peu de temps. 

Après un déjeuner jeudi dernier, un entretien mardi comme l’avait raconté Le Parisien puis un échange téléphonique jeudi soir, voilà donc la confirmation du choix présidentiel. Même si jusqu’à la minute, François Bayrou ne savait pas s’il serait l’heureux élu ce 13 décembre.

Ce choix n’a rien d’anodin sur le plan politique. C’est un allié historique du chef de l’État qui fait son entrée à Matignon. Emmanuel Macron lui doit en partie son destin présidentiel. En se retirant de la course à son profit en 2017, dans les dernières semaines de la campagne, le Béarnais avait permis au candidat d’En Marche de réussir son assaut sur l’Élysée. Le chef de l’État ne l’a jamais oublié. Et François Bayrou n’a jamais manqué de lui rappeler cette dette.

Un passage éphémère à la Justice

Dans le premier gouvernement, le maire de Pau est nommé garde des Sceaux. Un bail qui ne durera guère. Affaibli par l’affaire des assistants parlementaires des eurodéputés, il quitte la chancellerie au bout de 35 jours. La blessure politique et personnelle mettra longtemps à cicatriser. En 2020, il est propulsé à la tête du Haut-Commissariat au plan, un poste imaginé sur mesure pour lui par le chef de l’État.

Toujours consulté, présent à tous les dîners politiques à l’Élysée, Bayrou s’est rendu incontournable, au point de s’entretenir régulièrement avec Emmanuel Macron.

Âgé de 73 ans (comme Michel Barnier qu’il remplace), il a un profil pourtant aux antipodes du « nouveau monde » promu à l’origine par En Marche. Le maire de Pau affiche une carrière politique à l’ancienne. Il a enchaîné presque tous les postes d’élu : vingt-cinq ans conseiller général des Pyrénées-Atlantiques, dix-neuf ans député, huit ans président de conseil général, dix ans maire de Pau, quatre ans ministre de l’Éducation nationale dans les gouvernements Balladur et Alain Juppé.

L’opposition de la droite

Il est trois fois candidat à la présidentielle. Son meilleur résultat, il l’obtient en 2007, où il arrive troisième. Dans l’entre-deux-tours, il ne soutient pas Nicolas Sarkozy, qui lui en voudra durablement. D’autant que, cinq ans plus tard, le centriste appelle à voter François Hollande au second tour contre le président sortant. Des décisions politiques qui font de lui pour une partie de l’électorat de droite, « un homme de gauche ». Encore ces derniers jours, les parlementaires de droite le lui reprochaient, jugeant compliqué de travailler avec lui.

Voyant cette opposition se lever, François Bayrou a tout fait pour la déminer, échangeant ainsi quelques mots avec Bruno Retailleau à Notre-Dame, samedi.

Père de six enfants, ce démocrate chrétien a dirigé l’UDF puis le MoDem. Il a régulièrement cherché à faire entendre une voix singulière au sein de la macronie. François Bayrou, avec son caractère bien trempé, hésite rarement à faire entendre avec fracas ses différences, comme ce fut le cas au moment de la réforme des retraites et de l’épisode des Gilets jaunes. Le maire de Pau plaide alors publiquement pour « un changement profond de méthode de gouvernance ».

Parmi les thématiques qui lui sont chères : refus des positionnements dogmatiques, lutte contre la dette, mise en place de la proportionnelle, défense de l’école, etc. Ses rapports avec la droite sont compliqués. Avec la gauche, il entretient de bonnes relations avec Bernard Cazeneuve, qu’il aurait aimé voir arriver à Matignon à la place de Michel Barnier.

La bienveillance du RN

Avec le RN, ses liens sont corrects. Il a donné en 2022 son parrainage à Marine Le Pen quand celle-ci disait en manquer, au nom du pluralisme démocratique. « Il n’a jamais caricaturé, ni offensé Marine Le Pen. Je pense même que, au fond, il la respecte. Sur la proportionnelle, il est aligné avec le RN, décrit un ministre sortant. Le président sait très bien que François a une blessure personnelle et d’orgueil : qu’il ne lui ait jamais proposé Matignon. En tout cas il s’y prépare depuis des semaines, ça se voit qu’il en crève d’envie.

Il a longtemps souffert de ne pas avoir été déjà appelé pour Matignon par lui. »

Relaxé dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem au Parlement européen (le parquet de Paris a fait appel de la décision), François Bayrou est pressenti pour entrer dans le gouvernement dirigé par Gabriel Attal, début 2024. Son nom circule pour les Armées, l’Éducation nationale et l’Aménagement du territoire.

Mais la nomination capote, sur fond de méfiance de la part du jeune Premier ministre.

François Bayrou juge alors la composition de cette équipe trop à droite et pointe un manque « d’accord profond sur la politique à suivre ». C’est à lui maintenant qu’il incombe de composer une équipe aux équilibres aussi précaires que complexes.

leparisien

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