Géorgie : le nouveau président prête serment, Salomé Zourabichvili se dit toujours « légitime »

Mikheïl Kavelachvili, le nouveau président de la Géorgie, a prêté serment dimanche lors d’une courte cérémonie au Parlement. Il succède à la proeuropéenne Salomé Zourabichvili, qui conteste sa légitimité mais a finalement décidé de quitter le palais présidentiel.

Il est désormais officiellement investi. Le nouveau président de la Géorgie, Mikheïl Kavelachvili, loyal au parti au pouvoir, a prêté serment, dimanche 29 décembre, pour succéder à la proeuropéenne Salomé Zourabichvili.

Mikheïl Kavelachvili, ancien footballeur connu pour ses positions ultraconservatrices et anti-occidentales, avait été élu le 14 décembre par un collège électoral contrôlé par le parti au pouvoir, Rêve géorgien.

« Notre histoire montre clairement qu’après d’innombrables luttes pour défendre notre patrie et nos traditions, la paix a toujours été l’un des principaux objectifs et l’une des principales valeurs du peuple géorgien », a déclaré Mikheïl Kavelachvili dans son discours, alors que son camp se présente comme un rempart contre l’Occident qui voudrait entraîner Tbilissi dans la guerre entre la Russie et l’Ukraine.

Il a également appelé au respect de « nos traditions, nos valeurs, notre identité nationale, du caractère sacré de la famille et de la foi ».

Quelques minutes plus tôt, après avoir laissé planer le suspense sur ses intentions, la présidente sortante avait finalement annoncé quitter le palais présidentiel, tout en se disant toujours la « seule présidente légitime » du pays et promettant de continuer la lutte.

« Je reste la seule présidente légitime de la Géorgie », a-t-elle déclaré face à une foule de partisans. « Je vais quitter le palais présidentiel pour me tenir à vos côtés, portant avec moi la légitimité, le drapeau et votre confiance », a-t-elle ajouté.

Après l’investiture du nouveau chef de l’État, quelques milliers de protestataires ont marché de la présidence jusqu’au Parlement, haut lieu des manifestations qui rythment la vie dans la capitale géorgienne depuis des semaines.

Certains ont brandi des cartons rouges, en référence au passé de footballeur du nouveau président.

Puis la plupart se sont dispersés dans le calme, certains promettant de manifester à nouveau dans la soirée et quelques dizaines d’autres restant sur place.

Si certains regrettaient le choix de la présidente sortante de quitter le palais présidentiel, ils se disaient aussi déterminés à continuer leur lutte.

Chaîne humaine
La Géorgie, pays du Caucase et de l’ex-URSS, est dans la tourmente depuis les élections législatives du 26 octobre, remportées par le parti du Rêve géorgien, au pouvoir depuis 2012, mais dénoncées comme truquées par l’opposition pro-occidentale. Celle-ci réclame un nouveau scrutin, tout comme Salomé Zourabichvili.

La situation a été exacerbée le 28 novembre lorsque le Premier ministre, Irakli Kobakhidzé a annoncé reporter les efforts d’intégration de son pays à l’Union européenne à 2028, déclenchant des manifestations proeuropéennes quotidiennes qui n’ont pas cessé depuis et qui réunissent des milliers de personnes.

Avec le départ de Salomé Zourabichvili, les manifestants perdent leur principal soutien au sein des institutions.

Bien que limitée par des prérogatives restreintes, la présidente sortante a apporté tout son soutien à la rue et joué de son influence, notamment à l’international, pour accroître la pression sur le Rêve géorgien et tenter d’obtenir l’organisation de nouvelles législatives, ce que le gouvernement continue de refuser.

Cette ancienne diplomate française avait ainsi rejoint les manifestants pro-UE samedi pour une chaîne humaine qui a rassemblé plusieurs milliers de personnes sur les rives de la rivière traversant Tbilissi.

Le Rêve géorgien dément de son côté toute fraude aux législatives et accuse l’opposition de vouloir provoquer une révolution, selon lui, financée de l’étranger.

Le Premier ministre Irakli Kobakhidzé avait prévenu que si Salomé Zourabichvili refusait de quitter le palais présidentiel, cela « constituerait une infraction pénale passible de nombreuses années d’emprisonnement ».

« Torture » de détenus
Au cours des dix premiers jours de manifestations à Tbilissi fin novembre et début décembre, la police a dispersé la foule à l’aide de canons à eau et de gaz lacrymogène. Des manifestants ont, pour leur part, tiré des feux d’artifice et jeté des pierres et d’autres objets sur les forces de l’ordre.

Les manifestations restent quotidiennes, mais les affrontements sont beaucoup plus rares.

Au total, plus de 400 personnes ont été arrêtées, dont des meneurs de l’opposition, et des dizaines de policiers ont été blessés. Le commissaire géorgien aux droits humains, Levan Iosseliani, a fait état de « tortures » de détenus par les forces de l’ordre.

La semaine dernière, les États-Unis et le Royaume-Uni ont imposé des sanctions à plusieurs hauts responsables géorgiens. Vendredi, Washington a annoncé avoir pris de telles mesures à l’encontre cette fois du milliardaire Bidzina Ivanichvili, considéré comme celui qui tire les ficelles du Rêve géorgien.

Au-delà de la crise actuelle, le Rêve géorgien est accusé par ses détracteurs d’avoir abandonné un programme libéral et proeuropéen initial au profit d’une dérive autoritaire et de vouloir tourner le pays vers Moscou.

Au pouvoir depuis plus de dix ans, ce parti a voté cette année des lois controversées similaires à celles existant en Russie, visant la société civile, les médias indépendants et les droits des LGBT+.

AFP

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