Au Soudan, la guerre entre les FSR de Hemedti et l’armée d’al-Burhan dure depuis avril 2023. En ciblant des sociétés accusées de soutenir financièrement les rebelles, les USA tentent d’affaiblir leurs capacités militaires tout en relançant le débat sur le rôle des Émirats arabes unis dans ce conflit.
Les États-Unis ont annoncé cette semaine des sanctions contre Mohammad Hamdan Daglo Mousa (Hemedti), chef des Forces de soutien rapide (FSR) du Soudan, ainsi que 7 entreprises basées aux Émirats arabes unis qui lui auraient permis de financer l’acquisition d’armes et de poursuivre le conflit l’opposant à l’armée du général Abdel Fattah al-Burhan.
Le général Abdel Fattah al-Burhan
Les détails de ces sanctions, destinées selon le secrétaire d’État Antony Blinken à « inciter à un changement de comportement positif », relancent les interrogations sur l’ampleur du rapport entre les Émirats et la guerre au Soudan.
Évocation de liens étroits entre Hemedti et Dubaï
Mohammad Hamdan Daglo Mousa, dit Hemedti
Selon le Département du Trésor américain, tous les avoirs des personnes et entités ciblées situés aux États-Unis ou sous contrôle de personnes américaines sont gelés en vertu des sanctions. Les institutions financières et personnes engagées dans des transactions avec ces entités s’exposent également à des mesures punitives.
Les entreprises touchées par ces sanctions comprennent Capital Tap Holding, une holding établie aux Émirats et détenue par le Soudanais Abu Dharr, qui contrôle plus de 50 entreprises dans une dizaine de pays. Plusieurs de ses filiales sont aussi concernées, dont Capital Tap Management Consultancies, Capital Tap General Trading et Horizon Advanced Solutions.
D’autres sociétés liées aux activités économiques des FSR sont également visées, notamment AZ Gold, une entreprise accusée « d’acheter de l’or soudanais au profit des FSR et de le transporter à Dubaï ». Les 2 autres sociétés sont Creative Python, accusée d’être « utilisée pour dissimuler les activités commerciales de Hemedti afin d’échapper aux sanctions », et Al Jil Al Qadem, présentée comme « entretenant des relations de longue date avec les FSR et de participer au financement de leurs opérations ».
Selon les autorités américaines, ces différentes entités auraient facilité la mobilisation de fonds pour les FSR et permis l’achat d’équipements militaires via des flux financiers complexes.
Commerce de l’or, agriculture et autres enjeux
Depuis le début du conflit entre l’armée régulière soudanaise et les FSR, les Émirats arabes unis ont régulièrement été pointés du doigt pour leur rôle présumé dans le financement indirect de ces derniers. Selon plusieurs rapports, Dubaï serait la principale destination de l’or exporté illégalement depuis plusieurs pays africains, y compris le Soudan.
« Le plus grand écart de valeur entre ce que le Soudan déclare exporter et ce que ses partenaires commerciaux déclarent importer se trouve dans le commerce avec les Émirats » apprenait-on ainsi en 2021 dans la presse, qui attribuait ces propos à Lakshmi Kumar, de l’ONG Global Financial Integrity. Un rapport de The Sentry également publié en 2021 estimait que chaque année, environ 4 milliards USD d’or étaient exportés illégalement depuis l’Afrique centrale et orientale (notamment de pays comme la RDC, le Soudan, etc.), et que Dubaï constitue le 1er marché de ce commerce illicite.
Au-delà de l’or, plusieurs analystes considèrent que les Émirats soutiennent les FSR pour garantir leurs intérêts stratégiques au Soudan. Ces intérêts incluent l’accès aux ressources agricoles du pays. Selon des propos attribués à Renée Vellvé, cofondatrice de l’ONG Grain, par Courrier international dans un article en novembre 2024, « les derniers grands investissements des EAU dans l’agriculture soudanaise se focalisent sur le fourrage (surtout l’alfalfa), les céréales et le bétail ».
Ramener la paix
La nouvelle sortie des USA et les liens qu’ils évoquent entre les FSR et Dubaï posent la question de l’ampleur de l’implication des Émirats arabes unis dans ce conflit. Avec ces sanctions, le pays de l’Oncle Sam cherche à limiter la capacité des rebelles à financer la guerre via l’exploitation des ressources naturelles soudanaises.
Reste à savoir quel sera l’impact réel de ces sanctions sur le conflit.
« Le problème des sanctions, c’est toujours de savoir si elles seront effectivement appliquées » note Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’IFRI, cité par RFI. Il indique qu’elles constituent une manière pour les États-Unis de mettre la pression aux autorités émiraties. Selon lui, l’application des sanctions, qu’il présente comme avant tout « symboliques », dépendra largement de l’attitude des autorités émiraties, alors que Dubaï est présenté comme « principal soutien de Hemedti ».
En attendant une issue à ce conflit, les pertes humaines et économiques continuent de s’accumuler.
La guerre au Soudan a déjà entrainé plus de 20 000 morts selon l’ONU. « Plus de 25 millions de Soudanais sont confrontés à une faim aiguë. Beaucoup sont en situation de famine […] et environ 11 millions ont fui leurs foyers dans ce qui est devenu la pire crise humanitaire de la planète » a déclaré en septembre 2024 Linda Thomas-Greenfield, ambassadrice des USA auprès des Nations unies.
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