Le chef de l’État ivoirien entretient toujours le flou sur son éventuelle candidature à un quatrième mandat, en octobre prochain. Les présidentiables de son parti semblent attendre son éventuel désistement, avant de franchir le Rubicon.
Il est de notoriété politicienne publique qu’un élu doit annoncer aussi tard que possible une non-candidature à sa propre succession, pour ne pas démonétiser son influence sur sa cour et sa capacité à réformer. Il est aussi limpide qu’un président censément au-dessus des partis perd un peu le bénéfice de la bienséance due au chef, le jour où il descend dans l’arène pré-électorale.
Jusqu’à quand le flou peut-il être entretenu ?
En Côte d’Ivoire, les observateurs tentent de lire dans les interstices de signaux contradictoires envoyés par le chef de l’État, à environ neuf mois de la prochaine élection présidentielle.
La question d’une éventuelle candidature d’Alassane Ouattara pourrait paraître particulièrement incongrue, et pas seulement parce que celui-ci est âgé de 83 ans.
Elle ne devrait guère être posée, si l’on considérait qu’«ADO» avait bien souhaité passer la main à une nouvelle génération, en 2020, ne revenant sur ses envies de retraite qu’à la suite d’un décès – celui de son dauphin, Amadou Gon Coulibaly – qu’il n’avait pas pu anticiper. Mais les voies du pouvoir sont impénétrables.
Légalité et légitimité
« Il ira », décryptent certains de ceux qui ont entendu le président de la République affirmer, le 9 janvier dernier, qu’il était « désireux de continuer à servir » son pays et qu’il était en pleine santé. Lui affirme ne pas avoir « encore pris de décision » au sujet de son éventuelle candidature. Pudeur de gazelle, sincères hésitations ou dissimulation stratégique ?
Il reste indéniable qu’aucune porte ne semble fermée. Que ce soit du fait du sortant ou de ses proches, tout semble architecturé pour rendre possible une quatrième candidature.
Du point de vue de la légalité, si la Constitution de 2016 limite à deux le nombre de mandats présidentiels, les partisans du « oui » ont beau jeu de rappeler que la lettre de la loi – à défaut de l’esprit – a réinitialisé le compteur, au moment du changement constitutionnel. Du côté de la légitimité, les ouattaristes vantent un bilan constitué notamment d’infrastructures et de stabilité politique, après les soubresauts du début du millénaire…
Pénurie de présidentiables ?
Pour les premiers responsables du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), en tout cas, l’option officielle est claire. En 2024, le parti au pouvoir a multiplié les meetings, répétant à l’envi qu’Ouattara était le « candidat naturel » du parti. Officiellement, lors de la précédente campagne présidentielle, c’est à la demande du RHDP qu’ADO avait changé d’avis, expliquant des années plus tard qu’il pensait avoir bien fait d’accepter l’appel à candidature.
La formation politique manquerait-elle donc de pointures capables de vaincre, dans les urnes, Pascal Affi N’Guessan ou Simone Ehivet Gbagbo, voire Tidjane Thiam – pas encore désigné – ou Laurent Gbagbo, déclaré mais pour l’heure inéligible ? Alassane Ouattara a lui-même estimé que son parti regorgeait d’«au moins une demi-douzaine de candidats» pour lui succéder. Tout irait donc pour le mieux dans le meilleur des houphouëtismes, à condition que l’onction du président sortant soit considérée comme incontournable.
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