En 2024, le produit intérieur brut de l’Espagne a atteint 3,2%, soit l’un des plus hauts taux de croissance de l’Union européenne. Des chiffres qui s’expliquent notamment par l’apport des travailleurs étrangers à l’économie du pays : dans certains secteurs, ils représentent près de 50% de la main-d’œuvre.
Alors que la croissance européenne patine, l’économie espagnole, elle, affiche de belles couleurs. En 2024, son produit intérieur brut (PIB) a bondi de 3,2% d’après les chiffres publiés par l’Institut national de la statistique (INE). En 2023, elle était de 2,7%. Parmi les causes qui expliquent cette embellie ?
Le tourisme, la consommation des ménages, mais aussi l’immigration, battant en brèche les idées reçues sur l’impact négatif d’une présence étrangère.
« La forte immigration de travail en Espagne compense la faiblesse démographique. Cette main-d’œuvre étrangère contribue à la production et à la consommation en Espagne », explique l’économiste Philippe Crevel à Atlantico.
Ainsi, l’immigration constitue l’un des piliers qui permet aujourd’hui à l’Espagne « d’être un des pays de l’OCDE qui connaît la plus forte croissance ».
« Grâce aux migrants, le déclin de la population active a été compensé », affirme également le média Diario Red, dans un pays où les départs à la retraite et le faible taux de natalité des dernières décennies a créé une forte pénurie de main-d’œuvre.
En mai 2024 déjà, l’OCDE avait désigné l’Espagne comme le pays connaissant la croissance la plus rapide de l’UE, notamment grâce à l’immigration.
Contabilidad Nacional Trimestral de España (CNTR). Cuarto trimestre 2024 @es_INE
Las horas trabajadas variaron un 2,8% interanual y el empleo en términos de ocupados un 2,3% –en comparación con el 1,3% y el 2,1% del trimestre precedente–
Nota de prensa
👇https://t.co/Xzt3rAfhZz…— INE España (@es_INE) January 29, 2025
Selon l’enquête sur la population active de l’INE, sur les 468 000 emplois créés l’an dernier, seuls 59 000 étaient occupés par des Espagnols.
Près de 90% de ces emplois ont donc été promus par des travailleurs étrangers ou ayant la double nationalité. En 2023 par ailleurs, la moitié des contrats d’ouvriers agricoles étaient occupés par des personnes étrangères, ainsi que 42 % des maçons ou 68 % des employés de maison.
Dans l’hôtellerie, élément clé du secteur touristique, un serveur sur cinq et un cuisinier sur trois sont immigrés.
« L’immigration est synonyme de richesse »
Le 27 janvier, la présidente du Congrès Francina Armengol (PSOE, la coalition au pouvoir), a défendu « la contribution des migrants à [la] société » lors d’une réunion de l’Union pour la Méditerranée organisée aux Canaries. « C’est vital et cela continuera de l’être », a-t-elle insisté. Tout en rappelant que dans les années 1960, deux millions d’Espagnols avaient émigré, dont la moitié illégalement, Francina Armengol a assuré sur son compte X que « sans immigration, certains secteurs économiques dans lesquels la majorité des travailleurs sont des étrangers s’effondreraient ».
Des propos dans la lignée de ceux du Premier ministre espagnol Pedro Sánchez.
Lors d’un discours au Parlement en octobre, le chef du gouvernement a vanté les bénéfices de l’immigration dans une Espagne vieillissante en manque de main-d’œuvre, et a déconstruit les discours de « haine » véhiculés pas l’extrême droite.
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« L’immigration est synonyme de richesse.
Sans elle, nous perdrions 30 millions de personnes en âge de travailler dans les années à venir en Europe (…) L’immigration n’est pas seulement une question d’humanité, elle est aussi nécessaire pour notre économie et notre prospérité », a-t-il déclaré.
Pedro Sánchez n’a pas non plus manqué de déconstruire les stéréotypes sur les migrants et les fausses affirmations portées par les dirigeants nationalistes. Ainsi, les immigrés ne profitent pas du système espagnol. Pour preuve selon le Premier ministre, les étrangers « versent 10% de leurs revenus à la Sécurité sociale. Et ils utilisent les services publics et les prestations sociales 40% de moins que ceux nés en Espagne ».
Un chômage tenace pour les exilés
Ces dernières années, l’Espagne a pris plusieurs mesures pour faciliter l’accès à l’emploi des exilés qui s’installent sur son territoire. En septembre 2024, Madrid a lancé un nouveau titre de séjour accessible aux personnes en situation irrégulière qui disposent d’un emploi, appelé « Arraigo Sociolaboral ».
Deux ans auparavant, le gouvernement a validé une réforme permettant à des milliers d’entre eux d’accéder au marché du travail.
Celle-ci a notamment permis aux personnes en situation irrégulière mais qui peuvent justifier d’un séjour dans le pays d’au moins deux ans d’obtenir un titre de séjour de 12 mois, à une condition : effectuer une formation dans les secteurs qui manquent de main-d’œuvre. À savoir, le tourisme, les transports, l’agriculture et la construction.
Si l’accès à l’emploi est largement encouragé en Espagne, accéder à un travail dans le pays constitue tout de même pour beaucoup de migrants une gageure.
D’après Eurostat, office chargé des statistiques des Vingt-Sept, 18,9 % des personnes nées en dehors de l’UE sont au chômage dans le pays, contre 11,6 % des Espagnols.
Lamine Sarr, exilé sénégalais installé à Barcelone, n’a eu d’autre choix que de se tourner vers la vente à la sauvette à son arrivée en Espagne. « Le travail informel, c’était la seule solution car je n’avais pas de titre de séjour. J’ai passé trois ans à vendre des objets dans la rue, je devais me contenter du maigre salaire que je gagnais, avait-t-il confié à InfoMigrants. C’était de la survie ».
Désormais président du syndicat des vendeurs ambulants Manteros, Lamine Sarr a fini par obtenir un titre de séjour en 2019, soit plusieurs années après avoir foulé le sol espagnol.
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