Les négociations sur le budget se tendent dans la dernière ligne droite

Au moment où se tient la commission mixte paritaire réunissant 14 députés et sénateurs pour finaliser un budget pour 2025, le RN et le PS ont remis sur la table l’hypothèse de la censure du gouvernement.

La petite musique de la censure se fait entendre de plus en plus fort aux oreilles de François Bayrou, confronté à une équation politique presque impossible autour de son projet de budget pour 2025. Avant même la réunion de la commission mixte paritaire (CMP) réunissant sept sénateurs et autant de députés qui a débuté ce jeudi à l’Assemblée nationale, le Rassemblement national (RN) et le Parti socialiste (PS) ont fait monter la pression, menaçant le Premier ministre de connaître le même sort que son prédécesseur.

Marine Le Pen est entrée en jeu mercredi soir sur LCI. La cheffe de file des députés RN a laissé entendre que son parti n’avait pas dit son dernier mot sur le budget.

Après avoir provoqué, avec la gauche, la chute du gouvernement Barnier, le RN ne veut pas laisser croire que la survie du Premier ministre, François Bayrou, serait acquise. « Tant que la commission mixte paritaire ne s’est pas exprimée, on ne sait rien. On sait juste que ce budget ne réglera aucun des problèmes de la France, même pas le problème de l’endettement […] Les mêmes causes entraîneront les mêmes effets », a-t-elle prévenu, rappelant ce faisant le sort réservé à Michel Barnier.

Le « bloc central » tient, LR vigilant
Dans la foulée, Jean-Philippe Tanguy, l’un des deux députés RN présent en CMP, a menacé ouvertement de voter la censure. « La menace de censure a toujours été sérieuse », a-t-il prévenu jeudi devant les journalistes au Palais-Bourbon. Dans le viseur du RN, l’article 4 du projet de budget, finalement adopté en CMP, qui concerne la taxation des prix de l’électricité. « La présence de cet article a toujours été une ligne rouge », a ajouté le député RN de la Somme. Marine Le Pen, Jordan Bardella et le groupe « seront les seuls arbitres » pour décider ou non de voter en faveur d’une motion de censure, précise-t-il.

Le RN mise toujours sur une nouvelle dissolution dès cette année.

« Je pense que les Français ont intégré l’idée que nous sommes en crise politique, qu’il n’y a plus de majorité, de possibilité de légiférer ou d’avoir un budget », rappelle Sébastien Chenu, député et vice-président du RN.

Au sein de la CMP, le « bloc central » composé des parlementaires de l’ancienne majorité macroniste et des Républicains (LR) a tenu.

Du côté de LR, l’heure est à la défense du texte voté au Sénat, où il est majoritaire avec les centristes. La droite espère maintenir la trajectoire des déficits sans trop de renoncements. « Nous essayons de trouver une voie de sagesse, qui est étroite, complexe, mais indispensable à l’avenir du pays », a plaidé le député DR Phillipe Juvin.

Après avoir martelé que son soutien à l’exécutif se ferait « texte par texte » et sous conditions, LR se voit obligé de faire front commun avec le gouvernement (auquel il participe) pour éviter une nouvelle censure.

« Nous avons fait des arbitrages quasiment au million près. Je ne suis pas sûr qu’il y ait une cohérence à faire échouer une CMP quand tous les Français réclament à cor et à cri un budget », justifie le président du groupe LR au Sénat, Mathieu Darnaud, auprès des « Echos ».

La gauche avait aussi des attentes fortes.

La sortie de François Bayrou sur le « sentiment de submersion » lié à l’immigration a jeté une ombre sur les relations avec les socialistes et compliqué les négociations sur le budget. « Nous sommes prêts au débat, prêts au compromis », mais « si le socle commun, n’en fait qu’à sa tête, ne prend pas en compte nos propositions, alors il expose le pays à de graves difficultés », prévenait jeudi matin Philippe Brun, un des trois émissaires PS au sein de la CMP, agitant lui aussi le risque de censure.

A la mi-journée, les discussions se passaient « mal », déplorait un négociateur de gauche.

« Il n’y a aucune ouverture pour accepter les propositions des oppositions », observait un autre émissaire du NFP. Balayées les tentatives socialistes sur la «flat tax» et sur l’ «exit tax», évacuées par le socle commun.

Test vendredi pour le PS
Loin des avancées espérées par la gauche, et « pire » que le statu quo, la discussion accumule les reculs, juge la gauche. Elle pointe le « rabot » sur la contribution exceptionnelle des grandes entreprises, ramenée à un an, contre deux dans le texte issu du Sénat. La taxation des transactions financières, que la gauche espérait voir atteindre ou dépasser les 0,5 %, est finalement passée de 0,3 % à 0,4 %.

Il y a quand même eu du positif.

« Sur les recettes, les engagements obtenus auprès du Premier ministre sont tenus », positivait à l’heure du goûter un socialiste. Celui-ci a fait valoir « deux ou trois bougés » dans l’après-midi, notamment sur le versement mobilité, majoré de « 500 millions d’euros ». Pour le PS, le vrai test aura lieu ce vendredi, quand se joueront l’augmentation du Fond vert, l’enveloppe de l’Aide Médicale d’Etat, ou le coup de pouce sur la prime d’activité, qu’ils réclament.

Au-delà de la tension politique qu’il suscite, menaçant le fragile équilibre du gouvernement Bayrou, le projet de budget pour 2025 fait face à un feu nourri de critiques.

Elles montent du côté des milieux économiques, au moment où, l’économie française connaît un coup d’arrêt au quatrième trimestre et le chômage remonte . Sur RTL ce jeudi matin, Patrick Martin, le président du Medef, a fustigé les choix du gouvernement. Plusieurs patrons de grandes entreprises, comme Bernard Arnault, président de LVMH (propriétaire des « Echos ») sont également montés au créneau. Sans oublier les réserves du Haut Conseil pour les finances publiques , qui a jugé « fragile » la copie du gouvernement.

« Ce n’est pas un budget parfait, on le sait, mais il faut un budget », rappelle-t-on dans l’entourage de François Bayrou.

Emmanuel Macron est aussi venu mettre son grain de sel. « Une politique qui aide les entreprises à investir, qui récompense le travail et qui aide à réinvestir et à innover c’est une politique qui permet de créer de l’emploi et d’industrialiser. Il n’y a pas de secret », a-t-il rappelé à l’occasion d’une visite dans l’Aisne.

Privé d’une partie de son pouvoir depuis la dissolution et la défaire de son camp aux élections législatives de l’été dernier, le chef de l’Etat cherche à ne pas se faire oublier et à défendre son bilan.

La CMP doit s’achever vendredi. En cas d’accord, scénario le plus probable, le budget arrivera lundi à l’Assemblée nationale. François Bayrou dégainera fort probablement le 49.3, déclenchant, mécaniquement, une motion de censure de La France insoumise. Ce sera alors l’heure des comptes politiques.

lesechos

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