Les habitants de Lure, en Haute-Saône, sont inquiets après l’assignation à résidence d’un ancien jihadiste, frère d’un terroriste du Bataclan. Malgré les assurances du ministre de l’Intérieur, le maire exprime son désaccord face à cette situation.
Une situation temporaire, mais qui inquiète les habitants de Lure, en Haute-Saône. Le maire de cette commune en a appelé à l’État lundi 10 février face à la « psychose naissante » dans sa commune autour de la présence d’un homme fiché S, assigné à résidence en attendant son expulsion du territoire.
Karim Mohamed-Aggad, 34 ans, est le frère de Foued Mohamed-Aggad, l’un des tueurs du Bataclan, mort lors de l’attentat du 13 novembre 2015 à Paris.
« Je demande d’organiser une rotation (entre plusieurs lieux de résidence, ndlr) en attendant que l’expulsion soit validée par les pays d’accueil », a déclaré à l’AFP Éric Houlley, maire socialiste de Lure, commune d’environ 8.000 habitants.
« Pourquoi à Lure? »
Auprès de BFMTV, le maire dit avoir exprimé « son désaccord » lors de cette assignation décidée par le ministre de l’Intérieur d’alors, Gérald Darmanin, en juin 2024.
« Je considère que ma position a été extrêmement claire, ferme depuis le début, que je ne souhaitais pas que cette personne ne reste sur le territoire luron, j’ai demandé une solution, je n’ai pas été entendu et écouté », nous dit-il.
Quant aux habitants de la commune, qui ont appris la nouvelle par la presse locale, bon nombre sont contre cette présence.
« Pourquoi on l’a mis ici à Lure? Pourquoi Lure? Nous on veut être tranquilles », « je suis un petit peu inquiète, on va toujours regarder derrière soi », confient deux d’entre eux.
D’autres prennent la situation avec plus de recul. « Il faut bien qu’il soit quelque part, ce n’est pas lui qui a choisi d’être à Lure, il aurait pu être à Angoulême ou au Havre, il est ici ce n’est pas de sa faute à lui », relativise un riverain.
Déchu de sa nationalité
Fiché S, Karim Mohamed-Aggad avait été condamné en mai 2017 à neuf ans de prison par la cour d’appel de Paris pour « association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste », après avoir passé plusieurs mois en Syrie en 2013 et 2014, selon le quotidien régional L’Est Républicain.
Après avoir purgé sa peine, il a de nouveau été condamné à six mois de prison pour le non-respect des mesures de surveillance qui lui étaient imposées. Il a été déchu de sa nationalité en novembre 2023 et placé au centre de rétention administrative de Metz, puis assigné à résidence à Lure fin juin 2024 par arrêté du ministre de l’Intérieur, selon le journal.
Imbroglio diplomatique
De père algérien et de mère marocaine, la mesure d’éloignement le visant n’a pas abouti: ni l’Algérie ni le Maroc n’ont délivré le laissez-passer consulaire indispensable à son expulsion, selon la même source. « Tout n’a pas été fait au niveau de l’État central (…) pour aboutir à un résultat et éviter qu’on ait cette psychose naissante », estime le maire socialiste.
« Il faut changer les règles », a déclaré lundi 10 février le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, en marge d’un déplacement à Strasbourg. « On doit changer les règles de droit. Je suis pour un État de droit mais l’état du droit, actuellement, est en train de nous paralyser. C’est pour ça que je plaide auprès de la Commission (européenne) pour changer la politique retour, la politique des éloignements », a-t-il ajouté.
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« Il y a eu des alertes sur les réseaux sociaux, des salariés dans les grandes surfaces, de la CPAM qui se sont inquiétés », souligne encore Éric Houlley, précisant que l’homme « pointe régulièrement » et « respecte son contrôle judiciaire ».
AFP