Le retour au pouvoir de Donald Trump aux États-Unis a ravivé les espoirs de l’extrême droite brésilienne, qui compte bien redorer son image et mobiliser ses troupes avant la présidentielle de 2026. Seul bémol : Jair Bolsonaro, ancien chef d’État du Brésil est inéligible jusqu’en 2030. Son camp s’active au Congrès pour tenter de faire restaurer ses droits politiques.
Le retour de Donald Trump à la Maison Blanche l’a bien revigoré. Jair Bolsonaro, l’ex-président brésilien, confiait en janvier dans une interview au New York Times se sentir “comme un enfant” : “je suis excité, je ne prends même plus de viagra”. Depuis l’élection du dirigeant américain, un vent d’espoir souffle sur le camp bolsonariste au Brésil.
Pourtant, plus d’un mois après l’investiture de Donald Trump, ce dernier n’a toujours pas prononcé le tant attendu message de soutien envers Jair Bolsonaro.
C’était pourtant l’une des certitudes de l’extrême droite brésilienne, qui s’est rendue en force à Washington en janvier pour l’investiture du nouveau président nord-américain. Une délégation de 21 parlementaires a fait le déplacement, dont Eduardo Bolsonaro, député et fils de l’ex-président, ainsi que Michelle Bolsonaro, l’ex-première dame. “Le monde est plus trumpiste, la droite mondiale est en ascension et cela produit un sentiment d’inéluctabilité.
La droite brésilienne veut profiter de ce moment pour se renforcer dans la course électorale”, analyse le politologue Oliver Stuenkel, rappelant ce qu’il s’est passé en 2018, quand Jair Bolsonaro, alors surnommé “le Trump des tropiques”, a remporté la présidentielle brésilienne, deux ans après la victoire de son mentor nord-américain.

Certains partisans du champion de l’extrême droite brésilienne, dont le mantra “Milei 2023, Trump 2024, Bolsonaro 2026” circule sur les réseaux sociaux, restent persuadés que Donald Trump pourrait aller jusqu’à faire pression sur le Brésil pour annuler les huit ans d’inéligibilité de Jair Bolsonaro, condamné en 2023 par la justice électorale pour abus de pouvoir. “C’est une folie, une rêverie”, rétorque Rodrigo Valadares, député du parti Union Brésil (droite) et ami de l’ex-président.
“Il n’y aura pas d’intervention directe du gouvernement américain, mais cet alignement idéologique va pouvoir profiter à Bolsonaro”, ajoute-t-il.

“Je suis le seul candidat”
Le 20 janvier, Rodrigo Valadares a assisté à l’investiture de Donald Trump en compagnie de Jair Bolsonaro au siège du parti libéral, l’ex-président étant interdit de quitter le territoire. Son passeport a été confisqué en février 2024 dans le cadre de nombreuses enquêtes judiciaires.
En novembre dernier, la police fédérale brésilienne a demandé son inculpation pour “abolition violente de l’État démocratique de droit”, l’accusant d’être le chef d’une organisation criminelle ayant planifié un coup d’État pour le maintenir au pouvoir après sa défaite à la présidentielle de 2022. Une accusation qualifiée d’“acharnement politique” par l’ancien dirigeant qui ne renonce pas à se présenter à l’élection de 2026. “Je suis vivant et le seul candidat”, déclarait-il en novembre aux médias brésiliens.
“Je pense que la droite doit rester unie autour de lui. Il a créé un mouvement au Brésil jamais vu auparavant”, insiste Rodrigo Valadares.
Le député et d’autres parlementaires bolsonaristes ont entrepris une course contre la montre pour tenter d’annuler l’inéligibilité de leur “grand leader”. Rodrigo Valadares est rapporteur d’un projet de loi inspiré du décret de Donald Trump qui a gracié les émeutiers du Capitole du 6 janvier 2021. Le “PL da anistia” (projet de loi de l’amnistie), qui pourrait être discuté à la Chambre des députés dans les semaines à venir, vise à pardonner les personnes condamnées pour les émeutes du 8 janvier 2023, lorsque des partisans de Jair Bolsonaro avaient envahi et saccagé les sièges des trois pouvoirs à Brasiliá.
“L’amnistie serait un instrument de pacification sociale pour le pays.
Nous avons suffisamment de voix pour qu’elle soit approuvée.”, assure Rodrigo Valadares. Début février, Hugo Motta, tout juste élu président de la Chambre des députés pour le parti Républicains (droite) a confirmé que le sujet serait bien mis sur la table. C’était la condition majeure pour s’assurer les votes du groupe parlementaire bolsonariste pour son élection.
Cette initiative, qui pourrait ouvrir une brèche pour gracier l’ancien dirigeant s’il est condamné dans l’affaire de la tentative supposée de coup d’État, n’est pas la seule envisagée.
Deux projets de révision de la loi de la “ficha limpa” (“casier judiciaire vierge”) visent pour l’un à réduire la durée d’inéligibilité de huit à deux ans, pour l’autre à exiger une condamnation pénale, en plus de la condamnation électorale.
Si, pour Oliver Stuenkel, le climat actuel n’est pas favorable à Jair Bolsonaro, “tout reste possible”. “Le judiciaire brésilien a un long historique de décisions inattendues”, rappelle l’analyste politique. Luiz Inácio Lula da Silva en est l’exemple parfait : condamné et emprisonné en 2018 pour corruption, il a été libéré un an plus tard et innocenté en 2021, ce qui lui a permis de se présenter et de remporter l’élection présidentielle de 2022.
Elon Musk à la rescousse ?
Si ces projets échouent, le camp bolsonariste pourra compter sur la guerre des récits. Un combat déjà engagé sur les réseaux sociaux qui reprennent les discours sur la “censure” supposée du pouvoir judiciaire brésilien. Dans le viseur des pro-Bolsonaro, Alexandre de Moraes, juge de la Cour suprême, qualifié de « dictateur ». C’est lui qui a supervisé les enquêtes contre Jair Bolsonaro et prononcé son inéligibilité.
Dans cette bataille, la droite brésilienne a un allié de poids : Elon Musk, désormais membre du gouvernement Donald Trump et farouche détracteur d’Alexandre de Moraes. Un bras de fer entre les deux hommes avait conduit à la suspension du réseau X (anciennement Twitter) au Brésil pendant plus d’un mois. “Elon Musk a déjà soutenu l’extrême droite allemande. Il est probable qu’il intervienne au Brésil en 2026, vu l’importance de l’élection présidentielle”, explique Oliver Stuenkel.
Le 12 février, Elon Musk a affirmé sur X que l’administration Joe Biden avait financé la victoire de Lula contre Jair Bolsonaro en 2022, sans preuve.
L’accusation a rapidement été reprise par le député Eduardo Bolsonaro, actuellement aux États-Unis pour rencontrer des parlementaires républicains. Le prochain grand rendez-vous pour la droite brésilienne sera à Washington, du 19 au 22 février, à la Conservative Political Action Conference (CPAC), un forum américain qui accueille des conservateurs venus du monde entier.
Les alliés de Jair Bolsonaro espèrent que celui-ci fera une demande auprès de la justice brésilienne pour y assister.
Le refus, quasi certain, viendrait selon eux renforcer le discours de persécution politique et l’appui international à l’ex-dirigeant lors de l’événement. Leur rêve ? Que Donald Trump lui-même puisse plaider la cause de leur champion devant les figures de la droite mondiale. Un scénario qui semble de plus en plus improbable.
france24