Des colonnes d’hommes du M23 sont entrées dimanche au petit matin à Bukavu, ville de l’est de la République du Congo, deux jours après une première incursion des forces rebelles et de leurs soutiens rwandais. « Il faut éviter à tout prix une escalade régionale » a alerté le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, lors du sommet de l’Union africaine.
Après une avancée éclaire fin janvier à Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, le groupe armé M23 (« Mouvement du 23 mars ») soutenu par le Rwanda progresse désormais dans la région voisine du Sud-Kivu.
Dimanche 16 février, « des colonnes d’hommes du M23 sont entrées au petit matin à Bukavu », la capitale de la province, explique la correspondante de France 24, Aurélie Bazzara Kibangula, citant des sources sécuritaires.
Vendredi, les rebelles avaient déjà pris le contrôle de l’aéroport de Kavumu, à une trentaine de kilomètres de la ville avant de pénétrer dans la capitale du Sud-Kivu par ses quartiers nord-ouest.
Depuis Kinshasa, le président de la RD Congo, Félix Tshisekedi, a présidé, samedi, une réunion stratégique sur la situation sécuritaire dans l’est du pays. Dans un tweet publié cette nuit sur X, l’armée de la République démocratique du Congo (FARDC) affirmait encore que Bukavu était « sous contrôle total des forces loyalistes congolaises ».
La chute de Bukavu, déjà tombée en 2004 aux mains de soldats dissidents de l’armée congolaise, donnerait au M23 et aux troupes rwandaises le contrôle total du Lac Kivu, qui s’étire le long de la frontière rwandaise. Environ 4 000 militaires rwandais interviennent dans l’Est de la RD Congo, selon l’ONU. En face, l’armée congolaise est notamment soutenue par des troupes sud-africaines et burundaises.
Risque d' »escalade régionale »
Ce weekend, la situation en République démocratique du Congo était sur toutes les lèvres lors du sommet de l’Union africaine (UA), organisé dans la capitale éthiopienne. « Il faut éviter à tout prix une escalade régionale » dans le conflit qui ravage l’est du pays, a affirmé depuis à Addis Abeba le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.
« La souveraineté et l’intégrité territoriale de la RD Congo doivent être respectées », a exhorté le chef de l’ONU, lors de l’ouverture du sommet annuel de l’Union africaine (UA).
S’il a pointé du doigt la responsabilité du M23, le secrétaire général de l’ONU n’a pas mentionné le Rwanda.
Il a par ailleurs appelé au dialogue entre les parties belligérantes : « Il n’y a pas de solution militaire. L’impasse doit cesser, le dialogue doit commencer », a-t-il dit.
Le gouvernement congolais refuse de son côté tout dialogue avec le M23 qu’il qualifie de « groupe terroriste », à la solde du Rwanda.
« La violation en cours de l’intégrité territoriale de la RD Congo ne restera pas sans réponse », a affirmé, samedi, un porte-parole de l’UE pour les Affaires étrangères, Anouar El Anouni, tout en blâmant des « forces du M23, soutenues par le Rwanda ». « L’UE examine en urgence toutes les options à sa disposition », a-t-il poursuivi.
Emmanuel Macron a appelé à un cessez-le-feu immédiat dans la province du Sud-Kivu et au retrait des rebelles soutenus par le Rwanda, de la ville de Bukavu et de l’aéroport de Kavumu, en exhortant Kigali à soutenir ces mesures d’urgence.
Ce conflit fait planer le risque d’une guerre régionale, plusieurs des voisins de la RD Congo, immense pays de l’Afrique centrale, ayant une présence militaire sur le sol congolais.
L’UA impuissante ?
Depuis la récente intensification du conflit, et alors que Kinshasa réclame en vain des sanctions internationales contre Kigali, les appels de la communauté internationale à une désescalade et à un cessez-le-feu se sont multipliés, notamment de la part des dirigeants d’Afrique de l’Est. Mais ils sont restés lettres mortes.
Félix Tshisekedi était initialement annoncé présent au sommet de l’UA ce week-end, mais y a finalement renoncé.
L’organisation a été critiquée dans certaines de ses positions, jugées trop timorées et favorables à Kigali. Certains communiqués du président sortant de la Commission de l’UA, le Tchadien Moussa Faki Mahamat, s’ils appelaient à la fin des combats, ne mentionnaient pas le Rwanda.
« L’UA n’a aucun pouvoir dans ce conflit et est spectatrice », pointe du doigt auprès de l’AFP Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri).
À l’issue du sommet, un nouveau président de la Commission de l’UA a été désigné pour succéder au Tchadien Moussa Faki Mahamat : le ministre des Affaires étrangères djiboutien Mahmoud Ali Youssouf, qui concourait face au vétéran de l’opposition kényane Raila Odinga et à l’ancien ministre des Affaires étrangères malgache Richard Randriamandrato.
Outre le conflit en RD Congo, les chefs d’État ont abordé la question des « réparations » des crimes de la colonisation, thème de ce 38e sommet. Les dirigeants du continent divergent sur les montants et formes de ces réparations financières.
AFP