Paris– Désarçonnés par le dialogue américano-russe sur l’Ukraine, les dirigeants de pays-clés européens, réunis en urgence lundi à Paris, ont exhorté les Etats-Unis à rester impliqués dans la sécurité en Europe, mais ont aussi étalé leurs divisions sur l’envoi de troupes de maintien de la paix.
Je suis prêt à envisager un engagement des forces britanniques au sol aux côtés d’autres si un accord de paix durable est conclu, a déclaré le Premier ministre britannique Keir Starmer à l’issue de cette rencontre qui a duré plus de trois heures, au palais de l’Elysée.
Mais il doit y avoir un soutien des États-Unis, car une garantie de sécurité des États-Unis est le seul moyen de dissuader efficacement la Russie d’attaquer à nouveau l’Ukraine, a-t-il prévenu.
Peu avant, le chancelier allemand Olaf Scholz avait affirmé que l’Europe et les Etats-Unis devaient agir toujours ensemble pour la sécurité collective. Même si, de l’aveu du Premier ministre polonais Donald Tusk, tous les participants ont pris acte d’une nouvelle phase de la relation transatlantique.
Le président américain Donald Trump a semé le désarroi chez ses alliés européens en parlant la semaine dernière avec son homologue russe Vladimir Poutine, faisant planer la menace de voir le Vieux Continent rester spectateur d’une négociation en tête-à-tête pour mettre fin à trois ans de guerre en Ukraine.
D’autant que l’émissaire américain Keith Kellogg a de nouveau clairement affirmé qu’il n’était pas raisonnable ou faisable d’avoir tout le monde autour de la table.
Alors que ces initiatives semblent s’accélérer, le président français Emmanuel Macron a convoqué à la hâte ce mini-sommet informel avec une dizaine de dirigeants de pays européens, de l’Union européenne (UE) et de l’Otan. Juste avant de les accueillir, il a parlé une vingtaine de minutes au téléphone avec Donald Trump, selon son entourage qui n’a pas précisé la teneur de cet échange.
Envoi de troupes prématuré
Le secrétaire général de l’Otan, Mark Rutte, a décelé lors de cette réunion une Europe qui a la volonté de se renforcer, de prendre l’initiative de fournir des garanties de sécurité à l’Ukraine.
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Dimanche, un conseiller d’Emmanuel Macron soulignait la nécessité pour les Européens de faire plus, mieux et de manière cohérente pour notre sécurité collective.
Nous ne serons pas en mesure d’aider efficacement l’Ukraine si nous ne prenons pas immédiatement des mesures concrètes concernant nos propres capacités de défense, a renchéri lundi Donald Tusk avant la réunion de Paris.
Au sortir de celle-ci, Olaf Scholz a aussi plaidé pour un financement accru de cet effort, en dérogeant aux règles budgétaires sacro-saintes en Allemagne.
Mais au-delà de cette entente pour doper leur effort de défense, les Européens se sont écharpés publiquement sur un autre débat, celui de l’envoi de militaires en Ukraine pour assurer une éventuelle future trêve, pourtant au coeur des garanties de sécurité qu’ils sont appelés à fournir à Kiev dans des négociations avec Moscou.
M. Starmer, qui ira la semaine prochaine voir M. Trump à Washington et aimerait jouer un rôle de facilitateur entre les Etats-Unis et les Européens, s’y était dit prêt dès dimanche.
Ce débat est hautement inapproprié et prématuré, a en revanche protesté lundi le chancelier allemand, un peu irrité de le voir surgir maintenant. Donald Tusk, un fort soutien de Kiev, a aussi fait savoir que la Pologne ne déploierait pas de militaires.
Pourparlers en Arabie saoudite
Proche à la fois de Moscou et du président américain mais non invitée à Paris, la Hongrie de Viktor Orban a quant à elle fustigé des dirigeants européens frustrés, pro-guerre et anti-Trump qui se réunissent pour empêcher un accord de paix.
La rencontre de l’Elysée se tenait au lendemain d’une conférence sur la sécurité à Munich, où le discours hostile du vice-président américain JD Vance à l’encontre des alliés des Etats-Unis a sidéré les Européens.
Et elle inaugure un ballet diplomatique qui se poursuivra avec des pourparlers inédits américano-russes prévus mardi en Arabie saoudite.
Ils concerneront en particulier de possibles négociations sur l’Ukraine, selon le Kremlin, même si la diplomatie américaine en a minimisé la portée en assurant qu’il ne s’agirait pas du début d’une négociation.
Le chef de l’Etat ukrainien Volodymyr Zelensky se rendra en tout cas également en Arabie saoudite mercredi, décidé à ne reconnaître aucun accord conclu sans Kiev.
Dans un entretien à la chaîne allemande ARD, il a déploré lundi que Washington veuille faire plaisir à Poutine, et insisté sur le fait que l’Europe, faible en matière de défense, avait encore besoin du parapluie de sécurité américain.
Comme en écho, les dirigeants de l’UE Ursula von der Leyen et Antonio Costa ont assuré que la réunion de Paris avait martelé le message que l’Ukraine mérite la paix par la force.
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La Russie menace malheureusement toute l’Europe maintenant, a mis en garde la Première ministre danoise Mette Frederiksen après la réunion.
Car le rendez-vous que tous attendent désormais, et beaucoup redoutent, est le face-à-face Trump-Poutine. Il devrait avoir lieu très bientôt, a fait savoir le président américain.
Et il pourrait être exclusif: pour le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov, l’Europe n’a pas sa place dans les futures négociations car elle veut continuer la guerre.
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