La Fashion Week de Copenhague, (top) modèle d’une mode durable en Europe ?

La Fashion Week de Copenhague impose aux marques qui proposent des défilés et autres événements officiels de répondre à des critères minimum de durabilité. En place depuis 2023, ceux-ci viennent d’être révisés. S’ils sont salués par de nombreux acteurs du secteur, certains activistes environnementaux ont un regard plus critique.

“Cette robe sent le thé parce qu’elle est faite à partir de thé, de résidus liés à la production de thé.

Je trouve que c’est assez cool”, explique Félix von Bahder, le cofondateur de la marque Deadwood, en backstage quelques heures avant son défilé. Cette marque basée à Stockholm a vu le jour en 2012. Félix et son associé Carl Olson ont commencé à créer des vêtements en cuir upcyclé, au départ à partir de vestes trouvées dans les magasins de seconde main. Aujourd’hui, cette marque indépendante défile pour la troisième fois à la Fashion Week de Copenhague, aux côtés de nombreux acteurs de la mode d’Europe du Nord.

Depuis 2023, cette Fashion Week a mis en place des critères minimum que les marques doivent remplir pour participer. Objectif : encourager une mode plus durable. C’est une première en Europe. Elle a depuis été suivie par la Fashion Week de Berlin et récemment par celle de Londres. Pour Deadwood, se conformer à ces critères a été facile : “Le développement durable est ancré dans notre ADN, se félicite Félix. Mais les standards sont élevés et beaucoup de marques ont dû mal à les respecter.”

Des critères exigeants ?

Dans ces 19 critères, qui viennent d’être révisés, on retrouve des consignes assez claires, comme une liste de “matériaux à favoriser” qui doivent représenter 60 % de la production, l’interdiction de la fourrure vierge, des plumes et peaux d’animaux sauvages ou encore l’interdiction du plastique à usage unique pour les packagings. D’autres standards sont un peu plus flous. Les marques sont par exemple invitées à réduire les émissions et les déchets liés à leur défilé et à créer des produits de qualité. Enfin, certains sont simplement alignés avec les réglementations européennes, comme l’interdiction de détruire les invendus.

Deux marques ont été recalées depuis 2023, en raison des matières utilisées.

Mais pour plusieurs activistes et associations environnementales, les standards imposés à Copenhague ne sont pas assez contraignants. “ Le problème de ces critères est qu’ils n’ont rien à voir avec le développement durable et qu’ils ne sont pas très exigeants. Ils finissent souvent par être facultatifs et le jargon reste très vague, ce qui ne permet pas d’avoir des preuves étayées par des données objectives”, explique Gittemarie Johansen, une activiste environnementale danoise.

“Il s’agit simplement de normes minimales et elles sont ambitieuses pour certaines marques, et moins pour d’autres, en fonction de leurs valeurs, se défend Gizem Arici, la directrice du développement durable de la Fashion Week de Copenhague. Mais cela ne signifie pas qu’une fois qu’une marque respecte ces normes, elle peut dire qu’elle est écolo et qu’elle fait tout ce qu’il faut.”

Zalando, principal sponsor

Pour Mette Hoffgaard Ranfelt, conseillère principale en matière de politique environnementale à la Société danoise pour la conservation de la nature, “l’écueil est ailleurs. Ils se concentrent sur la substitution de matériaux ou le recyclage, mais cela ne résoudra pas les causes profondes du problème, à savoir la surproduction”, a-t-elle déclaré auprès d’AP.

Difficile en effet quand le principal sponsor de l’événement est Zalando, un site de revente qui a été épinglé par la Commission européenne pour greenwashing et dont l’empreinte carbone en 2021 était deux fois plus importante que celle de l’Islande.

L’industrie textile est responsable de 10 % des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, d’après les Nations Unies, c’est plus que le transport aérien et maritime. Et, malgré leur image écolo, les pays nordiques ne font pas mieux que les autres. En moyenne, une personne du Nord de l’Europe achète entre 26 et 48 vêtements chaque année et se débarrasse de 11 kg de textile par an.

Seulement 1% est recyclé. Pour Nazarena Pelleriti, bénévole pour l’ONG Fashion Revolution, cette dissonance cognitive s’explique par les salaires élevés au Danemark. “D’un côté, il y a beaucoup de personnes qui s’intéressent à la transition, pas seulement dans la mode. Mais de l’autre, il y a une forte consommation”, explique-t-elle. C’est le paradoxe danois.

france24

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