Dans la version 2024 des comptes de la nation, l’Insee intègre pour la première fois les comptes d’émissions de gaz à effet de serre.
L’Insee produit chaque année les comptes de la nation dans un format dont le périmètre est resté quasiment inchangé depuis les années 1960. Ils visent à fournir une image quantifiée de l’activité économique du pays à travers un ensemble de grands indicateurs agrégés, tels le PIB, la consommation des ménages et l’épargne. Ces comptes nationaux étaient jusqu’ici aveugles aux enjeux climatiques.
En effet, les indicateurs de production, de revenu et d’épargne ne comptabilisaient pas le fait que les émissions de gaz à effet de serre (GES) induites par certaines activités économiques réduisent le patrimoine transmis aux générations futures.
Pourtant, ces émissions causent bien des coûts futurs : adaptation à des extrêmes climatiques plus intenses et plus fréquents, effets négatifs sur la santé humaine et celle des écosystèmes, pertes de productivité, de rendements agricoles…
L’activité économique de la nation n’est pas durable
Dans sa version 2024, l’Insee intègre pour la première fois les comptes d’émissions de GES, et propose de nouveaux indicateurs agrégés telle l’épargne nette « ajustée ». L’épargne nette nationale est définie comme la différence entre le revenu national et l’ensemble des consommations nationales ; elle s’élevait à 68 milliards d’euros en 2023.
L’ajustement prenant en compte les effets des GES conduit à déduire 201 milliards d’euros de cette estimation, établissant l’épargne nette « ajustée » à -133 milliards.
Ce chiffre négatif veut tout simplement dire que l’activité économique de la nation n’est pas durable, et annonce un appauvrissement futur, si un changement d’ambition pour la décarbonation de nos activités n’est pas acté immédiatement.
Par Céline Guivarch, directrice de recherche à l’École des ponts, auteure principale du 6e rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), groupe 3. Et Christophe Cassou, directeur de recherche au CNRS, auteur principal du 6e rapport du Giec, groupe 1.
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