France : François Bayrou annonce de nouvelles mesures pour « reprendre le contrôle » de l’immigration

Remises en cause des accords avec l’Algérie, restrictions dans la délivrance des visas, hausse du nombre de places en centres de rétention, généralisation de la « force frontière »… Lors d’un conseil interministériel mercredi, le Premier ministre français a annoncé une nouvelle série de mesures afin de « reprendre le contrôle des flux migratoires ».

Le Premier ministre français a réunit mercredi 26 février une partie de son gouvernement afin de débattre des moyens visant à « reprendre le contrôle des flux migratoires » et de définir ses « orientations » en la matière.

À partir de 14h, une dizaine de ministres se sont rassemblés autour de François Bayrou pour un « Conseil interministériel de contrôle de l’immigration » (CICI).

Créé en 2005, le CICI a été réactivé – par un décret du 22 janvier – par le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau « dans le contexte d’une immigration importante » et « pour répondre aux attentes des Français en faveur d’une plus grande maîtrise des flux migratoires ».

Annoncé fin janvier puis reporté, ce rendez-vous s’est finalement tenu après l’attaque survenue samedi 22 février à Mulhouse (Haut-Rhin), dans laquelle un Algérien de 37 ans en situation irrégulière est accusé d’avoir tué un personne à l’arme blanche et d’en avoir blessé sept autres.

Cette nouvelle affaire est venue aggraver un peu plus les tensions entre Paris et Alger, qui a refusé à de multiples reprises ces derniers mois de laisser entrer sur son sol plusieurs de ses ressortissants expulsés de France.

Remise en cause des accords d’Alger
« Les victimes (…) sont les victimes directes du refus d’application » des accords de 1968 entre Paris et Alger, a déploré le chef du gouvernement français qui s’exprimait devant la presse à l’issue de ce comité. Ces accords règlementent les circulations, l’emploi et le séjour des ressortissants algériens en France.

L’assaillant de Mulhouse avait été présenté « 14 fois » aux autorités algériennes, mais elles ont toujours refusé de le reprendre.

La France a donc haussé le ton.

« [Nous allons présenter] au gouvernement algérien une liste ‘d’urgence’ de personnes qui doivent pouvoir retourner dans leur pays et que nous considérons comme particulièrement sensibles », a ajouté le Premier ministre, sans en préciser le nombre.

Et de brandir la menace de la remise en cause des accords d’Alger, souhaitée par Bruno Retailleau : « S’il n’y avait pas de réponse au bout du chemin, il n’y a pas de doute que c’est la dénonciation des accords qui serait la seule issue possible », même si « ce n’est pas celle que nous souhaitons », a prévenu François Bayrou.

Les accords de 1968 ont déjà été révisés à trois reprises depuis 1968. Paris et Alger avaient convenu en 2022 de les modifier une nouvelle fois, mais sans concrétisation à ce jour.

Le Premier ministre a toutefois tenu à nuancer ses propos, assurant qu’il ne voulait pas d' »escalade » avec Alger. Cependant, Paris a déjà pris des mesures contre l’Algérie, notamment « de restriction de circulation et d’accès au territoire national pour certains dignitaires algériens », avait révélé mardi le ministre des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot. Ce dispositif, en vigueur depuis « quelques semaines, concerne « quelques centaines de personnes », a précisé mercredi François Bayrou.

Ces mesures concernant les dignitaires ont suscité « l’étonnement » des autorités algériennes qui ont dénoncé une nouvelle « provocation ».

Restrictions dans la délivrance des visas
Outre la coopération avec l’Algérie, le CICI de mercredi a également abordé la question des visas. D’après François Bayrou, la France est le pays d’Europe qui a délivré le plus de visas en 2024, avec 2,8 millions accordés.

Il a ainsi demandé un « audit interministériel » sur la « politique de délivrance des visas » par la France aux inspections générales de la police et des Affaires étrangères. Délivrance qui « tiendra compte de la qualité de la coopération migratoire des pays d’origine ».

Par ailleurs, son ministre des Affaires étrangères a proposé que leurs délivrances soient réduites « par tous les pays européens en même temps ».

« Si un pays ne coopère pas avec les autorités françaises, je vais proposer que tous les pays européens en même temps puissent restreindre leur délivrance de visas », a affirmé Jean-Noël Barrot sur la chaîne France 2, quelques heures avant la réunion interministérielle de mercredi. « Quand on le fait à titre national, malheureusement, ça ne fonctionne pas ».

À l’inverse, il a suggéré que l’Union européenne baisse les droits de douanes pour les pays avec qui la coopération pour la reprise de leurs ressortissants s’améliore.

« C’est un levier qui est particulièrement puissant », selon le ministre.

La délivrance des visas est une question récurrente des différents gouvernements. En 2021 déjà, la France avait décidé de durcir les conditions d’obtention des visas à l’égard du Maroc, de l’Algérie et de la Tunisie. La raison était déjà la même qu’aujourd’hui : ces trois pays rechignent à reprendre leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire français.

Lutte contre l’immigration irrégulière
Les ministres ont également abordé la transposition du Pacte européen asile et migration, adopté en mai et censé entrer en vigueur mi-2026. Ce texte prévoit un durcissement du « filtrage » aux frontières et un mécanisme de solidarité entre les Vingt-Sept.

Au sujet de la lutte contre l’immigration irrégulière, le Premier ministre a aussi annoncé plusieurs mesures, certaines déjà existantes. Ainsi, François Bayrou veut mettre en place « un plan d’action spécial pour renforcer le niveau d’exécution des Obligations de quitter le territoire français (OQTF) » – l’an dernier en France, sur environ 140 000 OQTF prononcées, moins de 7 % ont été exécutées, selon l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii).

Pour ce faire, le chef du gouvernement a affirmé que « des arbitrages seront pris pour atteindre la cible de 3 000 places de rétention en 2027 et des évolutions juridiques seront préparées pour pouvoir maintenir en rétention les publics dangereux jusqu’à leur expulsion effective du territoire. ».

Cette mesure avait déjà été annoncée en octobre 2023 par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Gérald Darmanin.

Ce dernier avait même listé les 11 villes françaises où se situeraient ces nouveaux centres de rétention (CRA) : Dijon, Oissel, Nantes, Béziers, Aix-en-Provence, Goussainville, Nice, Olivet, Mérignac, ainsi que dans le Dunkerquois et à Mayotte.

Enfin, les autorités veulent généraliser le recours à la « force frontière » « à l’ensemble des frontières de l’hexagone ».

Cette unité « reposera sur un état-major national et sur une doctrine d’emploi qui permettra de mobiliser plusieurs centaines de renforts à nos frontières, issus de la police, de la gendarmerie, des douanes et des armées, avec la possibilité de faire appel à des réservistes. »

Cette « force frontière » est déjà expérimentée à la frontière franco-italienne, depuis près de deux ans.

Elle est dénoncée par les associations qui avaient alors fustigé des « mesures de contrôle et de surveillance mises en place au détriment du respect des droits » des migrants. « On assiste toujours aux mêmes pratiques illégales : privations de liberté sans cadre légal et sans la présence d’un avocat, refoulements de mineurs, entretiens expéditifs, restrictions pour déposer une demande d’asile, contrôles discriminatoires… », avait détaillé à InfoMigrants Agnès Lerolle, coordinatrice de cinq ONG à la frontière franco-italienne.

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