Deux signalements à la Cour de justice de la République (CJR) concernant l’inaction de François Bayrou lorsqu’il était ministre de l’Education en lien avec les accusations de violences et d’agressions sexuelles à Bétharram ont été classés sans suite, a annoncé le procureur général près la Cour de cassation lundi.
Sous pression depuis plusieurs semaines dans l’affaire de Bétharram, le Premier ministre François Bayrou bénéficie d’un répit: deux signalements adressés à la Cour de justice de la République (CJR) dénonçant son inaction lorsqu’il était ministre de l’Education ont été classés.
« Après analyse, en l’état des éléments portés à la connaissance du parquet général et du résultat des vérifications effectuées, aucune infraction relevant de la compétence de la Cour de justice de la République (CJR) ne paraît susceptible d’être caractérisée à l’encontre de Monsieur François Bayrou, en sa qualité d’ancien ministre de l’Éducation nationale entre le 30 mars 1993 et le 2 juin 1997″, écrit lundi dans un communiqué Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation exerçant les fonctions de ministère public à la CJR.
Classement
Il a donc été décidé de classer ces signalements et « de ne pas saisir la commission des requêtes en vue de l’ouverture d’une information judiciaire », précise-t-il. Cependant, si d’autres éléments plus étayés suggérant une connaissance des faits par François Bayrou étaient signalés à la CJR ultérieurement, une procédure pourrait être ouverte. Par ailleurs, la décision de la CJR n’a pas d’incidence sur la plainte pour « entrave à la justice » et « recel de crime » déposée mi-février à Pau.
Les députés LFI Mathilde Panot et Jean-François Coulomme avaient adressé les 16 et 17 février à M. Heitz deux signalements « mettant en cause Monsieur François Bayrou pour des faits qualifiés de non-dénonciation de mauvais traitement sur mineurs et d’abstention volontaire d’empêcher un crime ou un délit contre l’intégrité des personnes », relate M. Heitz.
« Ces signalements, qui s’inscrivent dans le prolongement de plusieurs articles de presse relatifs à l’établissement privé catholique Notre-Dame de Bétharram, rapportent que Monsieur François Bayrou aurait été informé de faits de violences commis au sein de cet établissement, sans en saisir les autorités judiciaires compétentes », ajoute le procureur général.
Des témoins accusent François Bayrou, ministre de l’Éducation de 1993 à 1997, d’avoir été au courant à l’époque d’accusations de violences sexuelles au sein de cet établissement du Béarn fréquenté par plusieurs de ses enfants, ce qu’il dément.
La « confiance » du président
Les deux premières plaintes ont été déposées au printemps 1996 par le père d’un élève, victime d’une claque d’un surveillant qui lui perce le tympan, puis une enseignante qui dénonce un « climat de violences ». En 1997, une plainte pour viol est déposée alors que François Bayrou vient de quitter la rue de Grenelle.
Mais le juge d’instruction chargé des investigations affirme que ce dernier aurait « fait la démarche » d’aller le voir pour évoquer le dossier.
Originaire de la région, où il est élu de longue date, M. Bayrou maintient n’avoir « jamais été informé de quoi que ce soit de violences ou de violences a fortiori sexuelles » par le passé. Il a reçu des victimes de cet établissement à la mairie de Pau mi-février.
Il a dénoncé en février « la mécanique du scandale qu’on cherche » et les attaques visant sa « famille » au lendemain de la diffusion, par Mediapart, d’une vidéo. Une ancienne professeure de Bétharram y réaffirme avoir alerté, au milieu des années 1990, le couple Bayrou – lui était à l’Éducation, elle enseignait le catéchisme dans l’école.
Le président Emmanuel Macron a cependant assuré le 22 février que le Premier ministre avait « toute (sa) confiance », estimant que François Bayrou avait « répondu à toutes les questions sur ce sujet avec beaucoup de clarté ». Le parquet de Pau avait ouvert, le 1ᵉʳ février 2024, une enquête préliminaire après le dépôt d’une vingtaine de plaintes d’anciens élèves de l’établissement catholique.
Dans ce dossier, qui a fait l’objet de l’ouverture d’une information judiciaire en février dernier, un ex-surveillant général de Bétharram a été mis en examen pour viols entre 1991 et 1994 par personne ayant autorité, ainsi que pour agressions sexuelles sur mineur en 2002 et 2004 et placé en détention provisoire. Deux autres hommes qui avaient été placés en garde à vue ont été relâchés, bénéficiant de la prescription.
Le collectif des victimes a recensé à ce jour 152 dénonciations, dont près de 70 relatives à des faits d’ordre sexuel, très souvent prescrits. La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions.
RMC