En Zambie, l’exploitation des déchets de plomb laissés par une mine industrielle abandonnée dans la ville de Kabwe, à 150 km au nord de Lusaka, suscite de vives inquiétudes. Plus de 95 % des enfants vivant à proximité de l’ancienne mine présentent des taux alarmants de plomb dans le sang.
Un rapport publié le 5 mars 2025 par Human Rights Watch met en lumière les effets catastrophiques de cette pollution sur la santé publique et appelle à une action urgente des autorités zambiennes et des entreprises responsables.
Une pollution dévastatrice héritée du colonialisme
La mine de plomb et de zinc de Kabwe, ouverte sous la colonisation britannique, a été fermée en 1994, mais laisse un héritage toxique : environ 6,4 millions de tonnes de déchets de plomb non recouverts contaminent encore aujourd’hui l’environnement. Ces résidus sont dispersés dans les zones résidentielles de Kabwe, exposant jusqu’à 200 000 habitants à des risques sanitaires graves. Les enfants, plus vulnérables à l’exposition au plomb, sont particulièrement affectés, le métal lourd étant facilement ingéré ou inhalé.
Des effets dévastateurs pour les enfants et les femmes enceintes
Même de faibles doses de plomb, absorbées sur de longues périodes, peuvent entraîner des troubles irréversibles du développement chez les enfants. Cela inclut des retards intellectuels, des troubles du langage et du comportement, des difficultés motrices, une perte partielle de l’audition, et dans les cas graves, le coma ou la mort. Chez les femmes enceintes, l’ingestion de plomb peut entraîner une fausse couche, des troubles de la croissance chez le fœtus, ou encore des retards d’apprentissage après la naissance.
L’exploitation des déchets de plomb par des entreprises locales et étrangères
Le rapport de Human Rights Watch souligne que des entreprises locales et internationales, dont des sociétés sud-africaines et chinoises, extraient et traitent les résidus miniers dans la région de Kabwe.
Elles placent ces déchets sur des tas à ciel ouvert dans différents quartiers, aggravant ainsi la situation.
Les mineurs artisanaux, souvent non régulés, ont également recours à des méthodes dangereuses d’extraction de plomb, de zinc et d’autres minéraux. Certains sites, comme celui contrôlé par la société sud-africaine Jubilee Metals, sont devenus des zones de conflit où les mineurs non autorisés extraient des minerais dans des conditions précaires.
Une contamination à l’échelle mondiale
Le plomb et le zinc, des métaux essentiels pour la transition énergétique mondiale, sont recherchés pour la production de batteries et autres technologies vertes. Cependant, l’exploitation des déchets toxiques de plomb à Kabwe aggrave la contamination de l’environnement et les risques pour la santé. Les tas de résidus visibles à l’extérieur des usines de traitement sont une source continue de pollution.
Selon des images satellites, neuf grands tas de déchets miniers étaient encore présents dans la ville en janvier 2024. La contamination du sol est extrême, atteignant jusqu’à 60 000 milligrammes de plomb par kilogramme, bien au-dessus du seuil de danger établi par l’Agence américaine de protection de l’environnement (EPA), qui fixe ce seuil à 200 mg/kg.
Une situation sanitaire alarmante
Les conséquences sur la santé publique sont catastrophiques. Une étude médicale a révélé que les niveaux de plomb dans le sang des habitants du quartier Kasanda, proche de la mine, sont en moyenne de 60,2 µg/dl, bien au-dessus du seuil de 5 µg/dl considéré comme dangereux par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Plus de 95 % des enfants vivant près de l’ancienne mine présentent des niveaux élevés de plomb dans le sang, et environ la moitié d’entre eux nécessitent des soins médicaux urgents.
L’inaction du gouvernement et la nécessité d’une action rapide
Le gouvernement zambien n’a pas pris les mesures nécessaires pour faire respecter les réglementations en matière de sécurité minière, environnementale et de santé publique. Bien que des sanctions existent pour les entreprises créant des environnements de travail dangereux ou générant une pollution incontrôlable, ces lois ne sont pas appliquées de manière adéquate. De plus, la décontamination de l’ancienne mine de Kabwe, entamée par le biais du « Projet d’assainissement et d’amélioration de l’exploitation minière et de l’environnement en Zambie » financé par la Banque mondiale, reste inachevée.
L’appel de Human Rights Watch
Human Rights Watch appelle le gouvernement zambien à annuler les licences des entreprises impliquées dans l’extraction, le traitement et l’élimination des déchets de plomb à Kabwe et à mettre en place un programme rigoureux pour nettoyer la région. L’ONG recommande également de solliciter un soutien technique et financier auprès des donateurs internationaux et des entreprises responsables de la pollution.
La gestion des mines abandonnées en Afrique, un défi majeur
Au-delà de la situation de Kabwe, le rapport soulève la question urgente de la gestion des mines abandonnées en Afrique. De nombreux pays peinent encore à traiter les séquelles des décennies d’exploitation minière, et des résidus toxiques continuent de contaminer l’environnement, posant des risques sanitaires considérables pour les populations locales. La décontamination et la gestion responsable de ces sites sont cruciales pour protéger la santé des habitants et garantir un avenir sain et durable.
VivAfrik