Le Bundestag, chambre basse du Parlement allemand sortant, a entamé jeudi une session extraordinaire afin de débattre d’un fonds de 500 milliards d’euros pour les infrastructures et d’une réforme du « frein à l’endettement » qui limite les dépenses fédérales de la plus grande économie de la zone euro.
Vainqueur des élections législatives de février, le prochain chancelier Friedrich Merz tente d’obtenir le feu vert sur ces deux projets avant la constitution du nouveau Parlement, le 25 mars, dans lequel un contingent élargi de députés d’extrême droite et de radicaux de gauche pourrait compliquer la donne.
Le dirigeant a présenté jeudi ses propositions comme un test pour l’Allemagne afin de se maintenir sur la scène internationale et préserver la sécurité européenne.
« Le monde entier a les yeux rivés sur l’Allemagne ces jours-ci et ces semaines-ci. Nous avons une tâche (…) qui dépasse largement les frontières de notre pays et le bien-être de notre peuple », a-t-il déclaré lors de l’examen en première lecture de ses projets.
« Nous devons être à la hauteur de cette responsabilité », a ajouté Friedrich Merz, dont les propositions doivent notamment permettre au pays de dépenser davantage en matière de défense alors que les politiques américaines vis-à-vis de la guerre en Ukraine laissent craindre pour la sécurité du Vieux continent.
Le fonds de 500 milliards d’euros et la réforme du « frein à l’endettement », qui nécessite de modifier la Constitution, émanent d’une proposition commune de l’Union chrétienne-démocrate (CDU), le parti du prochain chancelier, et du Parti social-démocrate (SPD) dévoilée au début du mois et qui a secoué les marchés financiers.
Mais la proposition qui détonne dans un pays connu pour sa rigueur budgétaire ne fait pas l’unanimité. Les conservateurs et sociaux-démocrates, en pourparlers pour former une coalition gouvernementale, doivent notamment convaincre les Verts pour obtenir la majorité des deux tiers au Bundestag nécessaire pour modifier la Constitution.
« QUE VOULEZ-VOUS DE PLUS ? »
Friedrich Merz a déclaré jeudi qu’il avait tenté de répondre aux préoccupations des Verts en proposant d’élargir le champ des dépenses de défense pour inclure celles de la défense civile et du renseignement. « Que voulez-vous de plus de nous en si peu de temps ? », a-t-il lancé.
Irene Mihalic, une influente députée des Verts, a pour sa part déclaré qu’il y aurait encore une majorité suffisante, bien que différente, pour réformer le « frein à l’endettement » au sein du nouveau Parlement, suggérant ainsi que son parti pourrait continuer à s’opposer au projet.
« Au lieu de négocier avec les Verts et la gauche, vous essayez de le faire avec l’ancienne majorité », a-t-elle reproché à Friedrich Merz.
Des dirigeantes des Verts, Katharina Dröge et Britta Hasselmann avaient auparavant confirmé que leur parti voterait contre les propositions du prochain chancelier, une position déjà exprimée en début de semaine, notamment parce que les négociations n’ont pas permis de rapprocher les points de vue.
Le vote du Bundestag sur les projets de Friedrich Merz est prévu le 18 mars avant un passage au Bundesrat, qui représente les régions au Parlement.
Autre écueil à leur concrétisation, la Cour constitutionnelle pourrait rendre dès ce jeudi sa décision sur des recours déposés par la formation d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) et le parti de la gauche radicale Die Linke sur ces projets.
L’IFW RELÈVE SA PRÉVISION DE CROISSANCE POUR 2026
Depuis 2009, la Constitution fédérale impose un « frein à l’endettement » qui limite l’endettement structurel à hauteur de 0,35% du PIB.
Friedrich Merz entend assouplir cette disposition en vue de créer un fonds spécial de 500 milliards d’euros sur dix ans pour la modernisation des infrastructures et la relance de l’économie.
Bien qu’incertains, les projets de Friedrich Merz ont incité l’institut économique allemand IfW à relever jeudi son estimation de croissance pour l’Allemagne en 2026, en anticipant un effet bénéfique d’une hausse des dépenses publiques.
Selon l’IfW, la croissance du produit intérieur brut allemand atteindrait probablement un niveau de 1,5% l’an prochain, au lieu de 0,9% prévu par l’institut en décembre.
Michael Pfister, analyste des changes chez Commerzbank, a déclaré qu’il suivrait attentivement l’issue du débat.
« Si les mesures budgétaires sont mises en œuvre, les marchés s’attendent à une croissance plus élevée en Allemagne, mais aussi dans la zone euro », a-t-il déclaré.
Les rendements des obligations de référence de la zone euro sont restés proches de leurs plus hauts niveaux depuis 17 mois, en prévision d’une dette beaucoup plus importante.
Outre les propositions du CDU et du SPD, le Bundestag examinait jeudi en première lecture des projets concurrents des Verts et du Parti libéral-démocrate (FDP) visant à augmenter les fonds pour la défense.
(Reportage de Sarah Marsh, Holger Hansen, Andreas Rinke, Ludwig Burger, Rachel More, Rae Wee et Lucy Raitano, rédigé par Sarah Marsh et Matthias Williams, version française Blandine Hénault et Benjamin Mallet, édité par Augustin Turpin)
reuters