Opposant d’Erdogan, candidat à la présidentielle… Qui est Ekrem Imamoglu, le maire d’Istanbul incarcéré?

Le maire d’Istanbul depuis 2019, Ekrem Imamoglu, a été incarcéré et démis de ses fonctions ce dimanche 23 mars pour des accusations de « corruption ». L’édile, qui a été désigné ce lundi par son parti pour devenir candidat à la présidentielle de 2028, est le principal opposant du président turc Recep Tayyip Erdogan.

Le maire d’Istanbul, Ekrem Imamoglu, s’est réveillé en prison ce lundi 24 mars. Le principal opposant au président turc Recep Tayyip Erdogan a été incarcéré et démis de ses fonction la veille pour des accusations de « corruption ». Ce qu’il réfute, dénonçant « une exécution sans procès ».

Ekrem Imamoglu, 53 ans, est originaire de la conservatrice région de la mer Noire, au nord de la Turquie, tout comme la famille du chef de l’État.

Il entame ses études à Chypre avant de les terminer à Istanbul et de décrocher un diplôme en administration des affaires. Au sein de l’université d’Istanbul, il commence sérieusement à se politiser en rejoignant les rangs du Parti républicain du peuple (CHP), le parti social-démocrate et laïc du fondateur de la République, Mustafa Kemal Atatürk.

En 2009, Ekrem Imamoglu se lance dans une carrière politique locale.

Ce qui le conduit en 2014 à prendre la tête d’un district d’Istanbul sous la bannière du CHP. Mais il est alors encore inconnu du grand public.

La bête noire d’Erdogan
C’est en 2019 qu’il est propulsé sur la scène nationale lorsqu’il est choisi par son parti pour devenir le candidat à la mairie d’Istanbul. Contre toute attente, il remporte l’élection et ravit la plus grande ville de Turquie au camp du président Erdogan. Le parti AKP (islamo-conservateur) au pouvoir était à la tête de la ville depuis 25 ans. Cette victoire, vue comme une humiliation pour le président qui fut lui-même maire de la capitale économique de 1994 à 1998, n’a pas été sans peine.

Le premier scrutin a été annulé par les autorités électorales en raison d’irrégularités supposées, et une deuxième élection a été organisée.

Ekrem Imamoglu s’est de nouveau imposé dans les urnes, plus largement que la première fois. De là, la figure de l’opposition est devenue l’homme à abattre, la bête noire de Recep Tayyip Erdogan.

Régulièrement classé parmi les personnalités politiques préférées des Turcs, ce musulman pratiquant est parvenu à séduire au-delà de son parti.

« Il peut plaire à tous les segments de l’électorat d’opposition, qu’il s’agisse d’électeurs turcs, kurdes, sunnites, alévis, jeunes ou âgés », estime auprès de l’Agence France-Presse Berk Esen, politiste à l’université Sabanci d’Istanbul.

Désigné candidat à la présidentielle pour 2028
Depuis son arrivée à la mairie d’Istanbul en 2019, les affaires judicaires se multiplient à son encontre. En 2023, l’édile est condamné à plus de deux ans de prison pour « insulte » aux membres du Haut conseil électoral. Une condamnation, dont il a fait appel, qui l’a mis hors-jeu pour la présidentielle de 2023, remportée par le président sortant Recep Tayyip Erdogan.

Selon la BBC, Ekrem Imamoglu a également été visé pour des irrégularités présumées dans les appels d’offres au cours de son mandat de maire de district à Istanbul. Ou encore depuis le 20 janvier pour avoir critiqué un procureur.

Malgré les efforts déployés par le chef de l’État pour lui faire barrage, Ekrem Imamoglu est largement réélu en 2024 à la tête d’Istanbul, poumon économique de la Turquie. Se pose désormais la question de sa candidature à la présidentielle de 2028. Malgré son incarcération, Ekrem Imamoglu a été officiellement désigné candidat par son parti ce lundi 24 mars après une élection primaire ce dimanche où il était le seul candidat. Selon le CHP, quinze millions d’électeurs ont pris part au vote à travers le pays.

Mais sa candidature n’est à ce stade pas assurée.

Le conseil d’administration de l’Université d’Istanbul a récemment annulé son diplôme pour irrégularités. Or, la Constitution turque requiert un diplôme de l’enseignement supérieur pour devenir président.

« Je gagnerai cette guerre »
Si son arrestation risque d’entacher ses ambitions politiques, sa popularité, elle, connaît un large regain. Le maire, qui ne faisait jusqu’ici pas toujours l’unanimité dans son camp, où il était parfois accusé de se soucier davantage de son avenir que de ses administrés, a vu son parti faire front derrière lui depuis son arrestation. Le CHP, qui dénonce depuis des mois le « harcèlement judiciaire » à son encontre, a fustigé un « coup d’État » contre l’opposition et « notre prochain président ».

« Ce que vous avez fait à Ekrem a touché un point sensible qui nous rappelle à tous vos injustices », a lancé l’épouse du maire, Dilek Imamoglu, en direction des autorités.

Outre Ekrem Imamoglu, près de cinquante co-accusés ont également été placés en détention dimanche pour « corruption » et « terrorisme », selon la presse turque. Parmi eux figurent deux maires d’arrondissement d’Istanbul, membres eux aussi du CHP. Les deux élus ont été destitués et l’un d’eux, accusé de « terrorisme », a été remplacé par un administrateur nommé par l’Etat, ont annoncé les autorités.

Une vague de protestation s’est enclenchée en Turquie, la plus importante depuis 2013.

Dimanche, comme chaque soir depuis le jour de son arrestation, des dizaines de milliers de personnes ont envahi les abords de l’hôtel de ville d’Istanbul en signe de soutien. L’édile incarne l’espoir brisé d’un changement proche, mobilisant sur son sort une jeunesse désemparée, frustrée par la crise économique et le manque de perspectives.

« Je suis là. Je porte une chemise blanche et vous ne pourrez pas la salir.

Mon poignet est solide et vous ne pourrez pas le tordre. Je ne reculerai pas d’un pouce. Je gagnerai cette guerre », a-t-il dit dans un message transmis par ses avocats.

bmfdtv

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