Les deux partis, qui n’avaient pas voté la censure contre François Bayrou jusqu’ici, brandissent la menace depuis plusieurs jours.
François Bayrou peut souffler. Il vient d’atteindre, ce dimanche 23 octobre, les 100 jours à Matignon, laissant le record peu flatteur du bail le plus court comme Premier ministre à son prédécesseur Michel Barnier. Mais la respiration sera-t-elle de courte durée?
Car, s’ils ont refusé de voter la motion de censure jusqu’ici, que ce soit sur la déclaration de politique générale de François Bayrou ou ses projets de budget, le Parti socialiste et le Rassemblement national menacent de changer de braquet. Pierre Jouvet, secrétaire général du PS, s’est chargé de le rappeler dans La Tribune Dimanche ce week-end.
Un Premier ministre qui a « menti »
Le Premier ministre « ferait bien d’écouter attentivement ce que disent les socialistes », avertit le député européen, soulignant que « la question de la censure est sur la table ». Ni plus ni moins ce qu’Olivier Faure, premier secrétaire du PS dont il est très proche, disait déjà dans Le Parisien vendredi.
« S’il continue à improviser et à mépriser le Parlement, ses jours à Matignon sont comptés », mettait en garde le député de Seine-et-Marne, candidat à sa réélection pour un congrès socialiste qui pourrait directement influencer cette réflexion.
Le parti au poing et à la rose reproche au Premier ministre sa méthode, Pierre Jouvet décrivant un François Bayrou « confus », « qui patauge » et « revient quasiment de façon hebdomadaire sur la parole donnée ».
Le socialiste accuse ce dernier d’avoir « menti », aussi bien sur « le déficit du système des retraites », que sur l’affaire « Betharram » et la « concertation » des partenaires sociaux sur les retraites.
C’est surtout ce dernier point qui provoque la colère des élus roses, déjà largement refroidis par les attaques sans ménagement de François Bayrou lors de la présentation mercredi 19 février de leur motion de censure spontanée, en réaction à ses propos sur un sentiment de « submersion » migratoire.
Le PS demande au gouvernement de « ne plus se mêler aux discussions » sur les retraites
Alors que le Premier ministre avait promis des discussions entre syndicats et patronat « sans totem, ni tabou », il a fermé la porte ce dimanche 16 mars à un retour à la retraite à 62 ans. Une « trahison de la parole donnée », selon Olivier Faure, tandis que la CGT a claqué la porte, devenant le troisième membre du conclave à se retirer après Force ouvrière et l’organisation patronale U2P.
Suffisant pour que le PS passe aux actes et vote, par exemple, une motion de censure spontanée du reste de la gauche?
Pour l’instant, le parti demande des actes et n’enterre pas le conclave, « même si, en l’état, tout démontre que le gouvernement veut (le) torpiller », selon Pierre Jouvet. Lequel explique à La Tribune Dimanche:
« Le dialogue social doit pouvoir s’exprimer.
Pour cela, nous demandons au gouvernement de ne plus se mêler des discussions. Si un accord est trouvé à l’issue du conclave alors il faudra l’étudier. S’ils ne parviennent pas à s’entendre, nous exigeons un débat parlementaire, suivi d’un vote. Et si le gouvernement refuse de s’en remettre à l’Assemblée nationale, alors nous demandons la tenue d’un référendum sur le système des Français pour consulter directement les Français ».
Au RN, « les sujets s’accumulent » pour une censure
Les voix des 66 députés PS, s’ils votaient la censure, ne suffiraient pas à atteindre les 289 suffrages nécessaires sur un total de 577 députés pour renverser le gouvernement. L’extrême droite permettrait de faire la bascule. Au Rassemblement national, les cadres laissent planer la menace.
François Bayrou, « nous pourrions parfaitement le censurer parce qu’en réalité ce gouvernement, c’est beaucoup de bruit, très peu d’actes », a lâché Jordan Bardella, patron du parti d’extrême droite, ce lundi sur BFMTV-RMC.
« Les grands sujets du quotidien des Français, qu’il s’agisse du pouvoir d’achat, de l’insécurité ou du contrôle de l’immigration, ne sont pas réglés », a-t-il poursuivi. Avant de citer « les opérations de communication du ministre de l’Intérieur », Bruno Retailleau, dont le RN cherche à contrer la montée en puissance.
La veille, Jean-Philippe Tanguy jugeait sur LCI que « les sujets s’accumulent » pour motiver un renversement du gouvernement, insistant sur la planification énergétique ou l’immigration, tout en estimant que l’âge de départ à la retraite relèverait davantage de futures élections.
Au micro de BFMTV-RMC, Jordan Bardella ne s’attarde pas uniquement sur la censure.
« Moi je continue à réclamer une dissolution parce que je pense que rien de sain ne peut émerger de ce paysage politique et que précisément notre devoir est de nous tenir prêt. Et le devoir des Français sera de choisir au moment où il le faudra », explique-t-il.
Pour autant, rien n’est acté chez les lepénistes.
L’agenda immédiat est surtout celui concernant les soupçons d’emplois fictifs dans l’affaire des assistants parlementaires du parti frontiste. Le jugement, prévu le 31 mars, est particulièrement attendu. Et pour cause: parmi les réquisitions formulées par le parquet, figure une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution provisoire à l’encontre de Marine Le Pen. Ce qui compromettrait la participation de cette dernière à la prochaine élection présidentielle en 2027.
bmftv