Les nouveaux droits de douane américains devraient provoquer une hausse de l’inflation aux Etats-Unis. En France, le risque de voir les prix augmenter est moindre pour les consommateurs, mais la croissance pourrait être amputée.
Les menaces ont été mises à exécution. Depuis samedi, tout produit parvenant sur le sol américain est frappé d’un droit de douane de 10 %. Ce taux sera relevé mercredi à 20 % pour l’Union européenne (UE). L’ordre commercial international en vigueur depuis des décennies est officiellement chamboulé. Les conséquences seront nombreuses.
Des observateurs alertent depuis plusieurs mois sur le risque d’une hausse de l’inflation aux Etats-Unis.
L’ampleur des taxes imposées aux importations ne pourra être entièrement absorbée par les entreprises et devra inévitablement se répercuter sur les consommateurs. Les analystes d’Allianz Trade estiment que l’inflation pourrait y culminer à 4,3 % cet été, contre 2,8 % actuellement.
Qu’en sera-t-il en France ?
La Banque centrale européenne (BCE) estimait en mars que « la combinaison des tarifs douaniers américains et des mesures de rétorsion pourrait (…) présenter des risques à la hausse pour l’inflation, notamment à court terme », selon un compte rendu publié jeudi dernier.
Pour cause, nombre de produits américains requièrent l’approvisionnement de matériaux en provenance de pays sous le coup de forts tarifs douaniers, à l’instar de ceux d’Apple. Leur coût devrait donc augmenter et mécaniquement se répercuter sur leur prix en France.
L’inflation ne devrait pas augmenter en France
Un scénario qui fait froid dans le dos. L’indice des prix à la consommation (IPC) – l’instrument de mesure de l’inflation en France – s’était établi à 1,9 % dans l’Hexagone en août 2024, passant ainsi sous la barre symbolique des 2 %. Le pays voyait enfin le bout du tunnel inflationniste de la crise sanitaire qui s’était traduit par une hausse des prix alimentaires à deux chiffres.
En mars 2025, le niveau de l’inflation atteint 0,8 % sur douze mois glissants, rapporte l’Insee.
Véronique Riches-Flores, économiste, se montre rassurante sur un quelconque risque inflationniste sur le territoire. « Les hausses pourront être prises sur les marges des entreprises, dans le contexte actuel de langueur de la demande des ménages, argumente-t-elle. Tout en sachant que l’on n’importe pas beaucoup de biens de consommation en provenance des Etats-Unis. Ce seront plutôt des secteurs comme l’industrie qui seront touchés. »
La BCE a d’ailleurs retenu cette hypothèse à moyen terme.
Francfort notait en mars que l’inflation « pourrait être largement contrebalancée par des pressions à la baisse sur les prix liées à la baisse de la demande ».
Certains spécialistes prévoient même une baisse des prix due à la réorientation des exportations chinoises.
Les taxes de 34 % imposées par les Etats-Unis à la Chine pourraient pousser ses exportateurs à écouler leur surplus en Europe, à des montants inférieurs, et ainsi tirer le reste des prix vers le bas.
Vers un ralentissement de la croissance
Les droits de douane font en revanche peser un risque important sur notre croissance. Les Etats-Unis sont le quatrième client de la France à l’export. L’Hexagone y a fait parvenir 45,2 milliards d’euros de biens en 2023. Les nouvelles taxes représentent un manque à gagner considérable. L’institut RichesFlores Research anticipe que le pays pourrait entrer en récession en 2025 (-0,4 %).
Le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) a aussi réalisé de premières estimations sur l’impact de la politique tarifaire trumpienne.
Antoine Bouët, son directeur, explique qu’en moyenne, le niveau du PIB de la France pourrait être inférieur de 0,4 % chaque année jusqu’à 2040. Le Premier ministre François Bayrou a, lui, estimé le préjudice à 0,5 % de PIB dans un entretien accordé au Parisien ce dimanche.
Eric Lombard, le ministre de l’Economie et des Finances, invité de RMC vendredi, a reconnu que ses indicateurs économiques étaient devenus caducs depuis le Liberation Day. Quelques heures avant les annonces fracassantes de Donald Trump, la ministre du Travail Astrid Panosyan-Bouvet confiait déjà que la perspective de croissance se situait « plutôt vers 0,7 % » que 0,9 %.
Alors la riposte se prépare.
Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne, a indiqué ce matin sur France Inter qu’une liste de produits américains à taxer sera validée dans les prochains jours. Les entreprises du numérique devraient être ciblées. Quoi qu’il en soit, la réponse devra être proportionnée et les taxes ne pourront être généralisées, au risque de faire repartir l’inflation en Europe.
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