Le secteur de l’outsourcing, qui occupe actuellement 1,1 million de personnes sur le continent, devrait désormais s’adapter à l’intelligence artificielle, au risque de subir une destruction massive d’emplois.
Plus de 40% des tâches assurées actuellement par les humains dans le secteur africain de l’externalisation des processus métiers (business process outsourcing / BPO) et des services fondés sur les technologies de l’information (information technology–enabled service/ ITES) sont automatisables, avec à la clef un risque de destruction des emplois concernés, souligne un rapport publié le vendredi 4 avril par les cabinets de conseil Caribou Digital et Genesis Analytics en collaboration avec la Fondation MasterCard.
Intitulé « Preparing for AI in the BPO and ITES Sector in Africa », le rapport précise que le secteur de l’outsourcing connaît une croissance rapide et gagne en importance dans le paysage économique africain. Ce marché (segments nationaux et internationaux combinés) devrait atteindre une valeur de 35 milliards de dollars en Afrique d’ici 2028, soit un taux de croissance annuel moyen de 14,2 %.
L’Afrique du Sud reste le leader du marché avec une valeur de 5,2 milliards de dollars US, suivie de l’Egypte (4,3 milliards), du Maroc (2,9 milliards) et de la Tunisie (2,4 milliards). Le Kenya, le Rwanda, le Sénégal, le Ghana, l’Ouganda et le Nigeria se positionnent de plus en plus comme des acteurs émergents.
Actuellement, l’outsourcing emploie environ 1,1 million de personnes en Afrique, ce qui représente 2 % de la main-d’œuvre totale dans le secteur à l’échelle mondiale.
Le potentiel de création d’emplois du secteur est cependant considérable sur le continent. Une augmentation de la part de marché de l’Afrique de 10 points de pourcentage pourrait générer 5 millions d’emplois directs et 7 millions d’emplois indirects. Une telle croissance est possible si le secteur africain suit des trajectoires similaires à celles de l’Inde et des Philippines.
Toutefois, les projections les plus réalistes estiment à 1,8 million le nombre d’emplois directs supplémentaires qui pourraient être créés dans le secteur de l’outsourcing sur le continent d’ici 2030.
Mettre le secteur sur une trajectoire de croissance plus accélérée pour réaliser son potentiel de création d’emplois nécessite des investissements dans les compétences, la connectivité, l’espace de bureaux et les équipements ainsi qu’une modification des perceptions relatives à la qualité de l’offre d’externalisation du continent. Mais des investissements d’une telle ampleur ne se font pas rapidement, ni facilement. D’autant plus que les progrès technologiques risquent fort de bouleverser le secteur.
Les fonctions « junior » et les femmes sont plus vulnérables
L’essor de l’intelligence artificielle (IA), en particulier de l’IA générative, présente une réalité à double tranchant. Si elle offre des possibilités de productivité et d’expansion des services, cette technologie menace également les emplois et modifie fondamentalement le paysage du travail. L’IA est déjà intégrée dans le secteur de l’outsourcing en Afrique, favorisant l’efficacité et l’innovation.
Les employés africains utilisent déjà des outils tels que ChatGPT, Microsoft Copilot et des chatbots internes pour améliorer la productivité, la créativité et la précision.
En se basant sur des modélisations intégrant l’identification complète des tâches, leur catégorisation et l’évaluation du potentiel de leur automatisation sur un horizon de cinq ans, le rapport révèle que plus de 40% des tâches actuelles dans le secteur en Afrique risquent d’être automatisées d’ici la fin de la décennie en cours.
Les segments les plus concernés par l’automatisation sont la finance et la comptabilité (44% des tâches actuelles), l’expérience client (40%), les services fondés sur les technologies de l’information (40%) et les services de données de l’IA (35%).
Dans ces quatre segments du secteur de l’outsourcing, les fonctions « junior » (une fonction junior est occupée par un professionnel en début de carrière, avec peu d’expérience dans son domaine, Ndlr) sont les plus vulnérables, avec 52% de l’ensemble des tâches identifiées comme automatisables et seulement 3% jugées totalement résilientes. Cette vulnérabilité est largement due à la nature répétitive et transactionnelle des rôles junior, qui sont des candidats de choix pour l’automatisation pilotée par l’IA.
Les postes de direction (senior) sont nettement mieux protégés, avec seulement 4% de tâches automatisables et 40% de tâches totalement résilientes.
Par ailleurs, les tâches assurées par les femmes sont en moyenne 10 % plus susceptibles d’être automatisées que celles effectuées par les hommes. En outre, le score global de résilience des femmes est inférieur (8%) à celui des hommes (12%).
Malgré le risque de destruction massive d’emplois qu’elle présente dans le secteur de l’outsourcing en Afrique comme ailleurs, l’IA pourrait toutefois générer une demande pour de nouvelles compétences et de nouveaux rôles axés sur la gestion et la supervision de cette technologie disruptive, créant ainsi de nouvelles voies pour permettre aux travailleurs d’accéder à des postes plus qualifiés et mieux rémunérés.
D’où la nécessité de soutenir l’amélioration des compétences en élaborant des programmes de formation ciblant les rôles les plus exposés au risque d’automatisation et d’investir dans des centres d’intelligence artificielle dotés d’une infrastructure de pointe pour stimuler la création d’emplois alternatifs.
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